Austrasie, le royaume oublié

, par Christophe Juppin

Retour sur l’histoire et l’archéologie d’un territoire du Haut Moyen Âge, immense et morcelé. Après la mort de Clovis, le fondateur de la dynastie mérovingienne, son royaume, selon la coutume germanique, est partagé entre ses quatre fils. Thierry, fils d’une concubine rhénane, hérite de l’ancien royaume de Cologne qui devient l’Austrasie, le royaume des Francs orientaux.


Qu’est-ce que l’Austrasie ? Après la mort de Clovis, le fondateur de la dynastie mérovingienne, son royaume, selon la coutume germanique, est partagé entre ses quatre fils. Thierry, fils d’une concubine rhénane, hérite de l’ancien royaume de Cologne qui devient l’Austrasie, le royaume des Francs orientaux. Il s’oppose ensuite à la Neustrie, le royaume franc occidental. Il s’agit d’une entité géographique mouvante, qui se distend au gré des conquêtes et des alliances, mais elle se caractérise par son unité politique marquée, très précisément entre 511 et 717 comme en témoignent les monnaies frappées à l’effigie des souverains et les édits produits. Thierry Ier, puis ses successeurs, étendent les frontières du royaume austrasien vers l’Est et vers le Sud, tout en intégrant des territoires gaulois situés bien au-delà comme la Provence, l’Auvergne ou la basse vallée de la Loire.

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L’Austrasie est un royaume franc à l’époque mérovingienne entre 511 et 717. Ce royaume couvre, outre le nord-est de la France actuelle, le reste des bassins de la Meuse et de la Moselle, jusqu’aux bassins moyen et inférieur du Rhin et peut être considéré comme le berceau de la dynastie carolingienne.

Le parcours commence par une plongée au coeur du site des Crassées à Saint-Dizier d’où ont été exhumées une villa gallo-romaine et une nécropole du premier Moyen Âge, riche en mobilier funéraire. La dernière sépulture trouvée sur le site – la 4e – est en cours d’étude mais elle est présentée pour la première fois. Ce sont d’ailleurs les fouilles entreprises dans le cadre de l’archéologie préventive qui ont permis aux archéologues et historiens de mieux cerner l’organisation politique du royaume. La région abrite outre de grandes villes, sièges des évêchés - le précieux mobilier funéraire d’Endulus, évêque de Toul, est sorti spécialement des réserves du musée de la ville pour l’exposition -, les résidences royales et les centres de pouvoir de la dynastie mérovingienne et voit se mettre en place une société urbaine très hiérarchisée. Ce sont les mobiliers et architectures funéraires qui fournissent les premiers indices quant au statut social des individus. La tombe du Petit Prince de Cologne (Cathédrale de Cologne - Allemagne), de celle de la Dame de Grez Doiceau (Ministère de Wallonie) en sont les exemples les plus éloquents.

Pour aider le visiteur à imaginer cet univers lointain et disparu, différents dispositifs interactifs, des cartes animées et une frise chronologique, sont mis à leur disposition. De même qu’il est possible de se figurer la saveur des repas de l’époque mérovingienne par un dispositif olfactif. À chacun de juger de son caractère agréable ou non !

Ce monde très structuré, en dépit de ses frontières mouvantes, est également très ouvert et ne va pas cesser pendant deux siècles, d’entretenir, grâce au réseau de communication hérité de l’Antiquité, des relations économiques et culturelles avec les mondes germano-scandinaves, les îles britanniques, le bassin méditerranéen ou même l’océan indien ! Ainsi sont acheminées au sein du royaume les matières premières indispensables au développement de l’artisanat, de la métallurgie et de l’orfèvrerie. Les armes et bijoux montrés ici prouvent le degré de raffinement de l’art mérovingien.

Paradoxe de l’Histoire, le royaume d’Austrasie ne s’est pas éteint en raison d’un affaiblissement de son rayonnement. Il a, au contraire, été victime de la trop grande réussite de ses souverains. Souvenez-vous : c’est une puissante famille de la haute noblesse franque locale, les Pippinides (descendants de Pépin de Landen, un contemporain de Dagobert), les ancêtres de Charlemagne, qui parviendra à réunifier le monde franc.

Véronique Dumas

Fibule carrée quadrilobée. Nécropole d’Humbécourt (Haute-Marne). VIIe s. siècle.

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Fibule carrée quadrilobée. Nécropole d’Humbécourt (Haute-Marne). VIIe s. siècle. Or, nacre et pierres précieuses. D. 7,2 cm © RMN-Grand Palais (musée d’Archéologie nationale) / René- Gabriel Ojéda

Cette fibule quadrilobée recouverte de tôle d’or, ornée de filigranes, de pierres précieuses et de nacre montées en bâtes, a été découverte à Humbécourt, près de Saint-Dizier en Haute-Marne. Acquise par le Musée d’Archéologie nationale en 1970, elle est aujourd’hui conservée au musée du Louvre. Ce type de fibule, moins courant, apparait dans la deuxième moitié du VIIe s et peut être rapproché de types recueillis en Allemagne, en Belgique, en Suisse et dans l’est de la France. Le port d’une seule fibule, et non plus de deux, se diffuse dès la fin du VIe siècle. Elle est épinglée au niveau de la poitrine ou du cou afin de fermer le vêtement. Cet objet luxueux atteste d’une présence aristocratique en contact avec les réseaux de production et de commercialisation d’orfèvrerie du monde franc de l’est.

« Austrasie. Le royaume mérovingien oublié » à voir jusqu’au 26 mars 2017 à Saint-Dizier, à l’Espace Camille Claudel, 9 avenue de la République, 52100 Saint-Dizier. Entrée gratuite. Tel : 03 25 07 31 50

Publié par Véronique Dumas le vendredi 23 septembre 2016 dans Historia

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Austrasie, le royaume mérovingien oublié, un livre de Bruno Dumézil, Paru le 1 octobre 2016

Pour en savoir plus :

 Découverte de trois tombes exceptionnelles du VIe siècle en Austrasie le 20 février 2002
 D’ACAL au Grand Est, en passant par l’Austrasie le 14 mars 2016
 L’Austrasie, le royaume mérovingien oublié qui refait surface à Saint-Dizier le 09 septembre 2016
 Austrasie, le royaume merovingien oublié le 16 septembre 2016
 Austrasie, le royaume oublié le 23 septembre 2016
 Sous la truelle ...l’Austrasie le 24 septembre 2016
 Saint-Dizier « La Tuilerie » - Trois sépultures d’élite du VIe siècle en Austrasie le 17 février 2020
 Saint-Dizier : Fouilles des Crassées : 2022 aussi exceptionnelle que 2021 ? le 11 mai 2022