CinéTech N°28 : Nos ordinateurs ont-ils la mémoire courte le 31 mai 2017 à Nogent

, par Christophe Juppin, Ermeline Le MEZO

La mémoire est une question capitale pour nos sociétés, et pour chacun d’entre nous. Jusqu’à aujourd’hui, différents supports nous ont permis de pérenniser nos souvenirs et de nombreuses informations. On sait que la durée de vie moyenne d’une inscription sur la pierre est de 10 000 ans, sur un parchemin 1 000 ans, sur une pellicule 100 ans, sur un vinyle, 50 ans.


Nos prochains Cinétech :

Mercredi 31 mai 2017 à Nogent CINE TECH n° 28 « Nos ordinateurs ont-ils la mémoire courte ? »

Film de Vincent AMOUROUX & Éléna SENDER
52’ / France / 2015 / Arte France, ZED
De récentes recherches ont démontré que les CD et autres disques durs s’avéraient largement moins fiables pour la sauvegarde des informations que la pierre (dont la durée de vie est estimée à 10 000 ans), les parchemins (1 000 ans) ou la pellicule (100 ans). Plus fragile et instable, le matériel informatique fait courir à terme un danger pour nos données les plus essentielles. etc
intervention de Samuel NOWAKOWSKI
Maître de conférences à l’Université de Lorraine et chercheur au Loria (CNRS, Inria et Université de Lorraine)


PDF - 1.3 Mo
Cinétech n°28 « Nos ordinateurs ont-ils la mémoire courte ? »
Mercredi 31 mai 2017 à Nogent CINE TECH n°28 « Nos ordinateurs ont-ils la mémoire courte ? »

À l’heure de la révolution numérique, alors que l’informatique et Internet ont profondément bouleversé nos usages, qu’en est-il de la pérennité de nos données ? Des siècles durant, la pierre, le papier, le film, bien que soumis aux vicissitudes du temps, ont assuré la continuité des informations. Avec l’entrée dans le XXIe siècle, une nouvelle génération de supports est apparue : disques durs, CD et autres clefs USB sont devenus les garants incontournables d’une mémoire amplifiée et largement diffusée. En principe, du moins. Ces dispositifs posent aujourd’hui, paradoxalement, de réelles questions de préservation à long terme, lorsqu’on constate que certaines technologies (disquettes, cassettes, etc.) ont été, en quelques années, frappées d’obsolescence. Une problème crucial puisque, collectivement et individuellement, l’informatique a pris une place fondamentale dans tous les secteurs du quotidien : administratif, médical, technique, scientifique...

Depuis le développement de l’informatique de masse, les informations s’inscrivent dans un langage binaire fondé sur l’assemblage de deux chiffres, le 0 et le 1. Cette structure permet d’infinies combinaisons de messages, constituant une mémoire immense et multiple, désormais connectée et dématérialisée. Cette manne d’informations, publiques ou privées, n’est pourtant pas insubmersible. Ces milliards d’octets forment un patrimoine numérique complexe, voire instable. À l’ère du tout numérique, notre mémoire serait-elle en sursis ? Peut-on avoir confiance dans la technologie pour sauvegarder notre mémoire dans 50, 100, 5000 ans ?

Les années 1980 marquèrent une période d’effervescence dans le domaine : la conservation des données semblait illimitée, sans cesse galvanisée par la mise au point de nouveaux outils. Le CD (disque compact), peu encombrant et jugé inusable à sa sortie, a fait l’objet dans les années 2000 d’analyses scientifiques visant à évaluer la durabilité du support et la fiabilité de la gravure. Résultat sans appel : soumis à des processus de vieillissement artificiel, des phénomènes d’altération bien réels sont observés, pouvant occasionner une déperdition de l’information contenue dans la couche métallique. Le disque dur, qui stocke au cœur de nos ordinateurs de considérables masses d’informations, de même que la mémoire flash de nos cartes d’appareil photos et autres clefs USB, ont leurs faiblesses et une durée de vie limitée.

Face à la mort annoncée de ces supports, quelles sont les alternatives de la science ? L’enjeu s’avère capital dans cette course contre le temps. Certains domaines d’activité sensibles ont, d’ores et déjà, entamé une réflexion sur le sujet. C’est le cas des organismes procédant à l’enfouissement de substances nucléaires sur des emplacements qui doivent être absolument connus des générations futures. Faudra t-il revenir aux hiéroglyphes gravés dans la pierre, au livre ? Les scientifiques ont engagé des recherches de pointe pour sortir de l’impasse : certains matériaux comme le quartz, particulièrement résistant, font au Japon l’objet d’études approfondies. L’ADN est même exploré comme un recours possible : pourquoi ne pas séquencer l’information sur la base d’un code génétique ?

Outre la problématique du stockage physique des données, Internet, sans cesse mis à jour et enrichi, a rendu l’information changeante. Tous les procédés ne peuvent enregistrer une mémoire fluctuante. C’est là qu’interviennent les data centers, vastes coffres forts de données stockant et répliquant les déluges d’informations reçues. Celles-ci pourraient jouer, un jour, un rôle primordial auprès des « archéologues du futur ».

Dans un monde où des milliards de données informatiques transitent à chaque seconde sur le web, où des volumes de mémoire vertigineux sont créés chaque jour, ce documentaire pose les jalons d’une problématique essentielle assourdie par les avantages immédiats du numérique. Et nous invite à reconsidérer nos certitudes contemporaines, au nom de la protection de la mémoire de l’humanité.

Samuel NOWAKOWSKI

Maître de conférences HDR à l’université de Lorraine. Il est chercheur au LORIA (Laboratoire lorrain d’informatique et ses applications – UMR 7503) et plus particulièrement dans l’équipe KIWI (Knowledge Information and Web Intelligence). Il est également chercheur au sein de la MSH Lorraine (USR 3261) en tant que responsable scientifique et porteur du projet de recherche interdisciplinaire ADN (Apprentissage et Identité Numérique).

Ses recherches actuelles sont principalement centrées sur la modélisation des usages du web et l’identité par le numérique et leurs mises en oeuvre dans des projets transversaux en eEducation.

Il travaille plus particulièrement sur la modélisation de la notion d’errance (sous les aspects mathématiques et philosophiques) au sein des environnements numériques et sur la modélisation des systèmes interactifs adaptatifs.

Il enseigne les Humanités numériques au département Information Communication de l’UFR SHS Nancy et est responsable des enseignements d’Humanités à l’Ecole des Mines de Nancy.
Il est porteur de plusieurs projets d’innovation pédagogique. Il est chargé de mission TICE pour l’UFR SHS Nancy et il intervient régulièrement sur des actions portées par l’IFIC-AUF.

http://snowakowski.eduportfolio.org

Pour en savoir plus :

 Alan Turing, l’ordinateur et les prémices de l’intelligence artificielle le 24 mars 2014
 CinéTech N°28 : Nos ordinateurs ont-ils la mémoire courte le 31 mai 2017
 Cinétech n°32 : « l’intelligence artificielle appliquée aux véhicules autonomes » le 11 avril 2018 à Nogent (52)
 Cinetech n°32 : Un bond dans le futur le 11 avril 2018
 Antoine TABBONE devient le premier Directeur de l’Institut des sciences du Digital, Management & Cognition (IDMC) le 05 juin 2019
 Le BTS Services informatique aux Organisations (SIO) à Chaumont le 01 février 2022.
 Le centre de ressources et d’expertise Grand Est Transformation Numérique est lancé le 24 mars 2021 à Troyes