Cinétech n°45 : « L’histoire des scientifiques afro-américaines de la Nasa » le 26 avril 2022 à 18h à Nogent (52) Le Cinétech n°45 rend hommage à Katherine Johnson, Mary Jackson et Dorothy Vaughan

, par Christophe Juppin

Grâce à ces trois mathématiciennes, les États-Unis ont pris la tête de la conquête spatiale dans les années 60. Bien qu’elles aient apportées une contribution essentielle au programme spatial habité américain, et permis de grandes avancées pour la Nasa, leur parcours avait été oublié de l’Histoire. Retour sur leur incroyable destin, à l’occasion de la diffusion du film du Cinétech n°45, sur l’égalité femme-homme et la place des filles dans les filières scientifiques, mathématiques et numériques.


21 avril, Journée mondiale de la créativité et de l’innovation.

La créativité et l’innovation, et c’est l’Organisation des Nations Unies qui le souligne, sont essentielles pour dynamiser et pour exploiter le potentiel économique des nations. Cet esprit d’innovation serait même, selon l’arrêté de création de la fameuse journée, porteurs de nouvelles occasions pour tous, notamment les femmes et les jeunes.”

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Cinétech n°45 : « L’histoire des scientifiques afro-américaines de la Nasa » le 26 avril 2022 à 18h à Nogent

Elles voulaient changer leurs vies, elles ont changé l’histoire

États-Unis, mars 1961. Sous la présidence de John Fitzgerald Kennedy, la bataille pour la conquête spatiale fait rage : les Russes ont réussi à envoyer pour la première fois un vaisseau en orbite dans l’espace, alors que les Américains peinent à transformer l’essai. Au centre de recherche Langley à Hampton (Virginie), les équipes de la Nasa (National Aeronautics and Space Administration) s’emploient à calculer et recalculer forces, masses et trajectoires dans le but de rattraper l’inconcevable retard. Et permettre un jour, qui sait, à l’homme de marcher sur la Lune…

Katherine Goble, mathématicienne, Mary Jackson, aspirante ingénieur, et Dorothy Vaughan, responsable du groupe d’analyse Ouest, font partie de ces scientifiques d’exception. Elles sont femmes, afro-américaines, mathématiciennes et physiciennes surdouées dans une nation encore en proie à la ségrégation raciale. Les difficultés qu’elles rencontrent révèlent les ambivalences et les contradictions d’une Amérique tiraillée entre rêves d’évolution technologique et archaïsmes sociétaux.

La NASA, agence gouvernementale chargée d’exécuter le programme spatial américain, a été fondée le 29 juillet 1958 par le président Dwight David Eisenhower, en lieu et place de la Naca (National Advisory Committee for Aeronautics), opérationnelle depuis 1915. Son objectif ? Superviser des missions d’exploration et de recherche dans le domaine spatial et aérospatial par la mise en œuvre de sondes, satellites, missions robotisées, etc. Dans ce contexte de guerre froide, les États-Unis redoublent d’efforts pour concurrencer les Soviétiques en créant « Mercury », premier programme américain de vols spatiaux humains, alors que l’envoi réussi de Youri Gagarine dans l’espace accentue encore la pression.

À l’issue d’un vol balistique de 15 minutes le 5 mai 1961 à bord de la capsule Mercury Freedom-7 lancée par une fusée Redstone, l’astronaute Alan Shepard est récupéré par un hélicoptère dans l’Atlantique. Il est le premier américain à aller dans l’espace, avant que l’astronaute John Glenn n’effectue, en 1962 le premier vol orbital, rendu possible notamment grâce aux calculs de Katherine Johnson, première femme noire doctorante qui travaillera ensuite pour la mission Apollon 11.

Dans cette « courses aux étoiles  », le rôle des « calculateurs humains » vérifiant les trajectoires, les fenêtres de lancement et les plans d’urgence des vols est capital, malgré la montée en puissance des fameux ordinateurs qui révolutionneront le traitement des données. Le Cinétech n°45 rend hommage à ces femmes méconnues dont les compétences et la persévérance vont s’avérer cruciales dans cette période d’évolution sans précédent de l’histoire aérospatiale.

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Katherine Goble, mathématicienne, Mary Jackson, aspirante ingénieur, et Dorothy Vaughan, responsable du groupe d’analyse Ouest, font partie de ces scientifiques d’exception.

La véritable histoire des scientifiques afro-américaines de la Nasa

Sans elles, les États-Unis auraient sûrement fait pâle figure. Katherine Johnson, Mary Jackson et Dorothy Vaughan ne sont peut-être pas des noms que l’on retrouve dans les livres d’Histoire, et, pourtant, elles y auraient toute leur place. Leur parcours est raconté dans le film nominé aux Oscars, sorti en 2016. Un moyen de rendre hommage à ces trois scientifiques afro-américaines pour leurs travaux méconnus au sein de la Nasa, alors que la ségrégation raciale régnait en maître sur la société américaine.

Des calculatrices humaines

Comment penser aux années 60 sans citer la conquête spatiale ? Durant des années, les États-Unis et l’URSS se sont livré une bataille sans merci jusque dans les étoiles. Pour répondre au pays soviétique, qui avait déjà lancé le satellite Spoutnik 1, les Américains envisageaient d’envoyer l’un des leurs dans l’espace. Du jamais vu. C’est en février 1962 que John Glenn est le premier à effectuer un vol orbital autour de la Terre, dix mois après le Russe Youri Gagarine.

Pour parvenir à un tel exploit, de nombreuses recherches ont été effectuées au sein du centre de Langley, en Virginie. Notamment celles de mathématiciennes talentueuses qui ont permis à l’astronaute américain de traverser l’atmosphère. Ainsi, Katherine Johnson, Mary Jackson et Dorothy Vaughan calculaient les trajectoires et paramètres des vols, telles de véritables calculatrices humaines. S’il était déjà difficile d’évoluer dans un milieu scientifique en tant que femme, la ségrégation ambiante de l’époque ne facilitait pas le quotidien de ces femmes noires, dont l’intelligence et les prouesses étaient reléguées en coulisses.

Premier vol en orbite

Pourtant, elles avaient tout pour être sous la lumière. D’abord, Katherine Johnson, diplômée du lycée à 14 ans et de l’université à 18, a enseigné les mathématiques dans une école noire, puis a intégré l’ancêtre de la Nasa, le Naca (Comité consultatif national pour l’aéronautique), en 1953. Avant de rejoindre le département de guidage et de navigation. Son travail, complètement ignoré par ses collègues blancs masculins, s’est pourtant révélé indispensable.

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Katherine Johnson

En plus de parvenir à garder son travail malgré la présence de plus en plus envahissante des ordinateurs et de leurs calculs réalisés à la vitesse de l’éclair, Katherine Johnson a énormément contribué au premier vol en orbite de John Glenn . En 1962, ce dernier a même demandé aux techniciens que l’experte vérifie les chiffres calculés par l’ordinateur. « Si elle dit qu’ils sont bons, je suis prêt à partir. »

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Comment Katherine Johnson , cette brillant mathématicienne a fait de John Glenn un héros national.

Des études inaccessibles

Le parcours de Mary Jackson est un peu plus mouvementé. Diplômée en mathématiques et en physiques en 1942, elle commence sa carrière en tant qu’enseignante, puis devient bibliothécaire et réceptionniste. Après un bref passage à l’armée en tant que secrétaire, elle intègre le Naca en unité informatique puis ingénierie, sans pouvoir prétendre à un diplôme d’ingénieure.

Elle s’est d’ailleurs particulièrement battue pour pouvoir réaliser un cursus plus poussé en mathématique et en physique. Pour cela, il fallait lutter contre les lois ségrégationnistes, appelées Jim Crow, qui interdisaient aux Noirs l’accès à ce genre d’études. Soutenue par l’ingénieur aéronautique polonais Kazimierz Czarnecki, elle parvient à devenir la première experte noire du métier de la Nasa. Dans les années 70, elle crée une soufflerie supersonique à Hampton, sa ville natale, pour pousser les jeunes filles à s’engager dans des études scientifiques.

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Mary Jackson

Des toilettes séparées

Comme ses consœurs, Dorothy Vaughan commence par enseigner les mathématiques, avant de pousser les portes de la Nasa, en 1943. À cause des lois ségrégationnistes, elle et les mathématiciennes noires devaient travailler dans une partie isolée du campus. Elles faisaient alors leurs recherches, mais devaient suivre certaines règles comme utiliser des toilettes séparées de celles de leurs collègues blancs.

De 1949 à 1958, elle dirige l’aile ouest de l’unité informatique jusqu’à ce que le Naca devienne la Nasa. Ainsi, elle incarne la première manager noire de l’histoire de l’agence. En plus d’être pionnière dans le cadre de son statut, elle rivalise de compétitivité. Surtout avec les ordinateurs. Pour contrer leur arrivée et leurs calculs rapides, elle apprend le langage de programmation FORTRAN. Mais ce n’est pas tout. En plus de se battre pour que son statut de superviseure d’équipe soit officiellement reconnu, elle se démarque en apprenant, seule, à se servir de l’ordinateur IBM 7090, alors que les techniciens ont échoué à cette tâche.

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Dorothy Vaughan

Un contexte paradoxal

Chacune, à leur manière, a marqué la conquête spatiale américaine et a laissé une trace indélébile, bien que tue, sur la Nasa. Si l’Histoire nous a bien appris une chose, c’est la quantité insoupçonnée de ses secrets et, parfois, ses incohérences. Car il n’y avait rien de plus paradoxal pour ces femmes d’évoluer dans le contexte futuriste de la conquête spatiale, alors qu’elles étaient, comme une partie du pays, opprimées par des lois discriminatoires.

En 1979, Mary Jackson quitte l’ingénierie à la Nasa pour travailler sur l’égalité des chances et la promotion des minorités au sein de l’agence, avant de prendre sa retraite en 1985. Elle décèdera 20 ans plus tard, en 2005.

Pour Dorothy Vaughan, la fin de sa carrière sonne en 1971 car elle ne réussissait pas à obtenir le poste de dirigeante au sein du Centre de recherches qu’elle convoitait. Elle pousse son dernier souffle en 2008.

En ce qui concerne Katherine Johnson, Barack Obama lui remit la médaille de la liberté en 2015, 30 ans après son départ en retraite. Katherine Johnson s’est éteinte le 24 février 2020, à l’âge de 101 ans. Un navire de ravitaillement spatial transportant environ quatre tonnes de fret, à destination de la Station spatiale internationale, est parti de Virginie samedi 20 février 2021. La capsule portait le nom de Katherine Johnson.

Alors que le 21 juillet 1969, Neil Armstrong fascinait le monde entier en expliquant que son « petit pas pour l’Homme était un bond de géant pour l’Humanité  », le parcours de ces trois scientifiques a permis, bien plus tard, un saut périlleux pour leur reconnaissance.

Mélanie Hennebique

Publié par Mélanie HENNEBIQUE le 31 mai 2021 sur https://www.vanityfair.fr


Isabelle Pianet : "Osez les sciences, mesdemoiselles, mesdames !"

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Isabelle PIANET est spécialiste de la caractérisation des archéomatériaux organiques (résidus, résines, produits alimentaires) et inorganiques (marbre, silex).

Aujourd’hui, moins de 30% des chercheurs et chercheuses dans le monde sont des femmes, selon l’ONU, qui a instauré une journée internationale des femmes de science - et c’est ce 11 février. "En France, c’est même un petit peu moins, on est autour de 27% et on craint une chute", selon Isabelle Pianet, présidente de l’association Femmes et sciences.

Cela dépend beaucoup des disciplines, selon elle : médecine et biologie comptent une beaucoup de femmes. "En chimie aussi on compte 50% de femmes, mais là où elles ne sont pas très présentes, ce sont les mathématiques, la physique, les sciences de l’ingénieur et l’informatique", explique la chercheuse.

"On a perdu 10% de filles au lycée"

Comment expliquer le déséquilibre hommes-femmes dans les sciences ? "Les filles ne vont pas vers les sciences de manière naturelle : on pense qu’elles ne se sentent pas légitimes dans ce genre de domaines, c’est lié à des stéréotypes", explique Isabelle Pianet. Un mélange d’auto-censure et de représentations genrées, qui font qu’on représente naturellement un chercheur comme un homme, sur le modèle du savant fou.

Pour pallier ce manque de modèles, "le rôle de notre association c’est d’aller dans des collèges et des lycées pour montrer que les femmes peuvent tout à fait faire des sciences (...). On en fait aussi un peu en primaire", dit-elle, mais les 425 adhérentes ne peuvent aller à la rencontre que de 12 000 élèves par an.

Plafond de verre

Cela a-t-il un impact sur la recherche ? "Évidemment, car ce sont les scientifiques d’aujourd’hui qui pensent le monde de demain. Se priver de la vision des femmes, c’est les exclure du monde de demain", répond Isabelle Pianet. "Il faut leur dire d’oser les sciences, mesdemoiselles, mesdames !"

Publié le Vendredi 11 février 2022 sur https://www.franceinter.fr


Rencontre avec Nada MATTA

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Nada Matta, Professeur à l’Université de Technologie de Troyes, en Ingénierie et Gestion des connaissances

Nada Matta, Professeur à l’Université de Technologie de Troyes, en Ingénierie et Gestion des connaissances, je travaille sur la valorisation du savoir-faire, la traçabilité et la capitalisation du retour d’expérience dans les activités coopératives comme la conception de produits, la gestion de crise, le marketing, etc. Plusieurs applications de ces recherches sont réalisées chez Namkin, DataHertz, SAMU10, EADS, Dassault-Aviation, Décathlon, Danone, IFTH, Snecma, INRS, CSTB, … J’ai assuré des responsabilités comme la direction du département « Homme Environnement et Technologies d’Information et de Communication » de 2017 à 2019, la direction du Groupement d’Intérêt Scientifique sur la Surveillance, la Sûreté et la Sécurité de Grands Systèmes de 2009 à 2013 et la direction du département Systèmes d’Information et Telecom de 2004 à 2006.
http://matta.tech-cico.fr/
e-mail : nada.matta@utt.fr


Journal numérique du Collège Françoise Dolto

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Le Collège Françoise Dolto, à Nogent, en Haute-Marne, a consacré la Une de son journal numérique « Oubliées n°2 » de novembre - décembre 2021 aux « femmes scientifiques qui mériteraient d’être plus connues »

Le Collège Françoise Dolto, à Nogent, en Haute-Marne, a consacré la Une de son journal numérique « Oubliées n°2 » de novembre - décembre 2021 aux « femmes scientifiques qui mériteraient d’être plus connues »

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Leader En Elle @LeaderEnElle · 14 mars 2022
Le destin extraordinaire des trois scientifiques afro-américaines qui ont permis aux Etats-Unis de prendre la tête de la conquête spatiale. Leur histoire longtemps restée méconnue est enfin portée à l’écran.
#racism #BlackHistory #WomenInScience #Feminism #womenempowerment
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CINETECH-Matinales @JuppinChris · 26 avril 2022
🎥 @AnteUTTNogent52 @CCIHauteMarne, @CNogentech @Accustica @iTego8
deux projections à l’occasion du Cinétech n°45 le 26/04/2022. L’après-midi, à 14h, ce sont 75 jeunes de 3e du collège Dolto de Nogent (52800) qui ont assistés à la projection du film et le soir 35 personnes à 18h.
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La campagne connectée
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France Culture @franceculture 21 juillet 2022
21 juillet 1969. L’homme foule se sol lunaire pour la première fois. Mais sans Margaret Hamilton, Neil Amstrong et Buzz Aldrin n’auraient sans doute pas marché sur la Lune. Son nom est pourtant resté longtemps méconnu. #EffetMatilda
https://twitter.com/i/status/1549986276127821825

Pour en savoir plus :

 Les femmes font de belles carrières d’ingénieures ! « Et oui, une Miss qui évolue dans l’industrie, c’est possible ! » le 01 septembre 2020.
 Cinétech n°44 : « Voyage en Haute-Marne, au cœur de la Prosthesis Valley » le 09 mars 2022 à 18h à Nogent (52)
 Cinétech n°45 : « L’histoire des scientifiques afro-américaines de la Nasa » le 26 avril 2022 à 18h à Nogent (52)
 Cinétech n°45 : Les filles doivent « oser les sciences » le 26 avril 2022
 Cinétech n°47 : « Divine Emilie » le mardi 15 novembre 2022 à 18h à Nogent (52)