Découverte de trois tombes exceptionnelles du VIe siècle en Austrasie Lors de la fouille d’un habitat altomédiéval en 2002 par Marie-Cécile Truc, archéologue de l’Inrap, trois tombes de chefs francs de l’époque mérovingienne furent découvertes.

, par Christophe Juppin

À Saint-Dizier, en Haute-Marne, des tombes aristocratiques franques du VIe siècle ont été découvertes lors d’un décapage archéologique sur le tracé d’un futur échangeur. Deux hommes et une jeune femme ont été inhumés avec un mobilier d’une facture remarquable : armes, bijoux d’or et d’argent, d’ambre et de pierres précieuses, vaisselle de verre et de bronze, céramiques. Les archéologues ont aussi trouvé une fosse renfermant un cheval, probable monture d’un des défunts.

Lors de la fouille d’un habitat alto-médiéval en février 2002 par Marie-Cécile Truc, archéologue de l’Inrap, sur le site de la Tuilerie (à 200 mètres des Crassées) lors d’un décapage archéologique sur le tracé d’un futur échangeur, trois tombes de chefs francs de l’époque mérovingienne furent découvertes. Le site de la Tuilerie se trouve sur la rive gauche de la Marne, à environ 1 km au sud de la ville de Saint-Dizier, à l’extrémité nord du département de la Haute-Marne.

La première sépulture était celle d’une jeune fille richement parée (deux paires de fibule cloisonnées en argent, collier de perles en ambre, bracelet, bague en or…). Sur son cercueil étaient déposés une céramique, deux verreries ainsi qu’un bassin en bronze. La seconde sépulture était constituée d’une chambre funéraire à l’intérieure de laquelle un homme d’une trentaine d’année était déposé dans un cercueil.

Il était accompagné de ses affaires personnelles (peigne en os, bague en or, aumônière en matières précieuses, boucle de ceinture en cristal de roche…) ainsi que de son armement (épée, hache, bouclier, lance…). Dans sa chambre avaient été déposés des objets de vaisselle en verre et en bronze et les armes les plus volumineuses (lance et angon). La dernière sépulture concernait un homme mature lui aussi inhumé dans une chambre funéraire avec son armement, une aumônière, des verreries et de la vaisselle de bronze (seau, bassin).

Ces tombes sont d’une richesse exceptionnelle tant par le nombre des objets déposés que par leurs qualités. Ils témoignent de la présence d’une élite Franque à Saint-Dizier au début du VIe siècle.

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Trois sépultures aristocratiques franques (fin du Ve - début du VIe siècle après J.-C.) ont été découvertes le 20 février 2002 à Saint-Dizier (Haute-Marne), à l’occasion de l’aménagement par la DDE d’une aire de service de la déviation sud de la RN4.
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Dans leur chambre funéraire, sont présents un bouclier, deux récipients en bronze et un en verre. Le jeune homme a une lance et un angon, mais aussi des éléments de harnachement à mettre en relation avec la tombe d’un cheval découverte à proximité.
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La jeune femme porte un collier de perles d’ambre, une bague d’or à chaton de pierre ou de verre rouge, un bracelet de bronze ou d’argent.
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Une cinquantaine de perles d’ambre, de bronze, d’or, de pâte de verre et de cristal de roche étaient probablement cousues sur un vêtement retenu par deux paires de fibules, l’une cloisonnée, l’autre digitée en argent.
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Aujourd’hui, les sépultures de Saint-Dizier s’inscrivent dans un ensemble plus vaste de découvertes.
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De telles « tombes de chefs » ont été reconnues à Charleville-Mézières (Ardennes), Lavoye (Meuse), Chaouilley (Meurthe-et-Moselle).
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Fouilles archologiques en Champagne a St-Amand en fevrier 2002.
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Fouilles archologiques en Champagne a St-Amand en fevrier 2002.
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Fouilles archologiques en Champagne a St-Amand en fevrier 2002.
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Fouilles archologiques en Champagne a St-Amand en fevrier 2002.

Entretien avec Marie-Cécile Truc, Archéologue de l’INRAP

Il s’est très vite avéré qu’il s’agissait de trois tombes du VIe siècle d’une richesse tout à fait exceptionnelle.

En 2002, l’Inrap m’a confié la direction d’une fouille préventive à côté sur la zone commerciale du Chêne saint-Amand.

Jeune débutante dans la région, l’on m’avait assuré qu’il s’agissait d’un petit site qui me permettrait de faire tranquillement mes premières armes en archéologie mérovingienne. En effet les résultats du diagnostic mené l’année précédente laissaient présager la présence de quelques vestiges d’un village : un ou deux bâtiments, quelques fonds de cabanes, peut-être un four domestique.

Si sur ce point là, la fouille a livré les résultats attendus, en revanche, une surprise de taille m’attendait !

Dès le premier jour de décapage, j’ai découvert le socle d’un bassin en bronze. Il s’agissait visiblement d’un objet funéraire et je pensais alors trouver une tombe avec peut-être un peu de matériel. A la fin du décapage nous avions en effet mis au jour trois fosses adjacentes, laissant présager la présence d’un petit groupe funéraire.

Mais à peine quelques minutes après avoir commencé à fouille la première tombe, c’est une, deux puis quatre fibules en argent et grenats, une bague en or et des dizaines de perles qui sont sorties de terre.

J’ai alors compris que nous étions face à une sépulture d’une grande richesse et que les deux autres devaient être de la même grandeur.

A partir de là, tout s’est accéléré : chaque jour, nous trouvions de nouveaux objets et il s’est très vite avéré qu’il s’agissait de trois tombes du VIe siècle d’une richesse tout à fait exceptionnelle.

Aménageur (DDE Haute-Marne), services de l’Etat (DRAC et SRA Champagne-Ardenne), mairie de Saint-Dizier et Inrap se sont alors rapidement concerté pour permettre la poursuite de la fouille dans les meilleurs conditions possibles : des spécialistes (anthropologue, restaurateur, photographes) ont été dépêchés sur le site et un système de gardiennage a été mise en place par la DDE.

La conduite de la fouille a été rendue difficile par des conditions climatiques désastreuses : trente centimètres de glace en janvier 2002 et pluies torrentielles tout le mois de février 2002. Les derniers objets ont été prélevés sur le week-end, profitant d’une petite accalmie dans les pluies. Par ailleurs la pression médiatique et les visites incessantes sur le terrain ne nous aidaient pas à nous concentrer sur notre tâche. Mais l’opération a tout de même été menée à terme et les dégâts limités, notamment grâce à l’investissement de l’équipe.


Ce fut la fouille la plus éprouvante que j’ai eu à mener, mais depuis, j’ai été largement récompensée par le bonheur d’étudier et de faire connaitre au public ces objets qui sont loin d’avoir livré leur secrets, puisque 10 ans plus tard, l’aventure continue et des spécialistes travaillent toujours dessus.

Dans les années quatre-vingt-dix, alors étudiante en allemand, je me suis passionnée pour l’archéologie mérovingienne, notamment en consultant des ouvrages qui présentaient de magnifiques trésor mérovingiens mis au jour en Europe du nord.

 Publié sur le site de la ville de saint-dizier le 20 février 2002
 Publié sur le site de l’inrap le 21 février 2002
 Publié sur le site « les crassees », le Site archéologique à Saint-Dizier le 25 février 2002

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Pour en savoir plus :

 Découverte de trois tombes exceptionnelles du VIe siècle en Austrasie le 20 février 2002
 D’ACAL au Grand Est, en passant par l’Austrasie le 14 mars 2016
 L’Austrasie, le royaume mérovingien oublié qui refait surface à Saint-Dizier le 09 septembre 2016
 Austrasie, le royaume merovingien oublié le 16 septembre 2016
 Austrasie, le royaume oublié le 23 septembre 2016
 Sous la truelle ...l’Austrasie le 24 septembre 2016
 Saint-Dizier « La Tuilerie » - Trois sépultures d’élite du VIe siècle en Austrasie le 17 février 2020