"Décarboner l’économie c’est un projet extrêmement noble" Jean-Marc Jancovici le 27 novembre 2018

, par Christophe Juppin

Jean-Marc Jancovici est l’un des 13 membres expert du tout nouveau Haut conseil pour le climat, que met en place Emmanuel Macron. Ce haut conseil pour le climat doit rendre un avis sur la trajectoire de la France en ce qui concerne la réduction des gaz à effets de serre.

Jean-Marc Jancovici, futur membre du Haut Conseil pour le Climat, était interviewé mardi 27 novembre 2018 à 7h45, par Nikos Aliagas sur Europe 1.
(...)

Malheureusement c’était prévisible.

Le pétrole provoque des émissions de CO2 quand on le brule. Par ailleurs, c’est quelque chose qui est disponible en quantité limité sur terre. Depuis 2006, la quantité de pétrole, qu’on appelle conventionnel (tout ce qui ne vient pas du "Chain Oil" américain, pétrole de schiste, et des sables bitumineux Canadiens) n’augmente plus. C’est stable depuis 2006.

Tout ce que les Chinois prennent en plus, nous l’avons en moins. Donc l’approvisionnement pétrolier Européen a commencé à décroitre de façon subit depuis 2006. (...)

Pour ceux qui ont besoin de beaucoup utiliser une voiture pour se rendre au travail, pour faire les courses, etc...il y a depuis 2006 une contrainte qui va croissante. Ce qu’on est en train de de vivre en ce moment était malheureusement prévisible dans un pays où la seule transition énergétique dont on s’occupe vraiment est celle concernant l’électricité, et qui en plus n’est pas nécessaire, alors qu’on ne s’occupe pas du pétrole, alors que c’est nécessaire.
(...)

La France va continuer a avoir un approvisionnement Pétrolier, en tendance, qui va décroitre.

Par contre, il faut agir sur la façon dont on va gérer le problème. Il faut une pédagogie du problème en amont. Les transport, ce sont des systèmes lents. Une autoroute, une voie de chemin de fer..., ce sont des investissement qui durent un siècle, vous ne changez pas cela du jour au lendemain.

Les gens ont pris l’habitude de prendre une voiture pour aller au travail, tout cela ce sont des systèmes qui changent lentement. Donc il faut les rassurer sur le fait qu’on va s’occuper de changer le système.

Deux exemples : il y a des tas d’endroits où on peut mettre en place des services de bus qui permettent aux gens de ne pas utiliser leur voiture. Le bus coute trois fois moins cher par passager transporté que la voiture. Vous faites des économies en passant de la voiture au bus. Cela s’organise, il faut le vouloir.

Vous pouvez demander aux constructeurs de vendre des voitures qui consomment de moins en moins, et vous pouvez non seulement leur demander, mais les obliger à le faire. Il y a une instance en Europe qui s’occupe de réglementer les émissions de CO2 par voiture, c’est à dire la consommation par voiture : c’est exactement la même chose. Et on peut très bien les obliger a vendre des voitures de moins en moins gourmande, donc en fait de plus en plus petites, mais qui rendent le service demande.

Mais c’est pareil, vous ne changez pas une ligne de production en une semaine. (...)

Le prix du pétrole a beaucoup monté sur les marché, car le pétrole est sous contrainte de production depuis 10 ans. On passe périodiquement par des moments où le prix s’envole.

Tant qu’on ne se "désintoxique" pas du pétrole, on va avoir ce genre de phénomène de manière répété. (...)

Quand vous avez moins de pétrole, vous avez moins de transport, du coup l’économie se contracte, car l’économie dépend du transport aujourd’hui, si l’économie se contracte, vous éjectez des gens du monde du travail, et ce sont en premier ceux qui ont le plus besoin de la voiture car ils habitent à la périphérie des villes, ce sont les gens qui gagnent le moins.(...)

Décarboner l’économie c’est un projet extrêmement noble qui est très enthousiasmant, qui rend service socialement, et qui de toute façon est inexorable puisque, comme je le disait, du pétrole et du gaz, on va en avoir, en tendance, de moins en moins, donc il faut s’en occuper.

"Décarboner l’économie c’est un projet extrêmement noble" par Nikos Aliagas sur Europe 1 le 27 novembre 2018.


Le Président de la République a installé mardi matin 27 novembre 2018 le Haut-Conseil pour le climat. Présidé par la climatologue franco-canadienne Corinne LE QUERE, et composé de douze autres scientifiques, économistes, ingénieurs, et experts, il est chargé d’apporter un éclairage indépendant sur la politique du Gouvernement en matière de climat.

Il rend un rapport sur la trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre qui est révisée tous les cinq ans. Il évalue si elle est suffisante vis-à-vis de l’engagement de la France dans l’Accord de Paris, des engagements européens de la France, de l’engagement de neutralité carbone en 2050, tout en prenant en compte la soutenabilité économique et sociale de la transition ainsi que les enjeux de souveraineté. A l’image de l’organisation retenue en Grande-Bretagne avec le Comittee on Climate Change (CCC), l’extension aux problématiques d’adaptation au changement climatique pourrait être traitée dans un deuxième temps par un sous-comité rattaché au HCAC.

Le Haut conseil est composé de Valérie Masson-Delmotte (paléoclimatologue), Katheline Schubert (économiste), Céline Guivarch (économiste), Pierre Larrouturou (économiste), Jean-François Soussana (directeur scientifique de l’INRA), Corinne Le Queré (climatologue), Laurence Tubiana (ex-ambassadrice pour les négociations de la Conférence de Paris de 2015), Alain Grandjean (économiste), Michel Colombier (co-fondateur de l’Institut du développement durable et des relations internationales - IDDRI), Pascal Canfin (directeur France du WWF), Marion Guillou (présidente d’Agreenium), Jean-Marc Jancovici (climatologue) et Benoît Leguet (directeur général d’I4CE).


Des investissements publics ciblés dans le bus, le train, le vélo, le covoiturage local, peuvent faire baisser de plusieurs centaines d’euros par an les budgets de transport, en particulier pour ceux qui vivent loin des centre-ville, et subissent de plein fouet la hausse des prix à la pompe. Idem pour l’aide publique aux travaux d’efficacité énergétique, dont les premiers bénéficiaires seront ceux qui habitent des « passoires énergétiques ».

Depuis trop d’années, ces instruments ne sont utilisés qu’avec timidité, de façon presque symbolique, comme excuses ou cache-misère d’une politique de statu quo dont les plus modestes payent l’inconséquence.
Sans un plan d’action dont la colonne vertébrale est la baisse continue de notre consommation de pétrole, de gaz et de charbon, la transition écologique est vouée à l’échec. Cet échec nous conduit tout droit au chaos climatique, à la raréfaction des ressources, et à toutes les misères humaines qui viendront avec.

(...)
Les deux-tiers des émissions de CO2 en France viennent du pétrole : impossible de réduire massivement ces émissions sans toucher à la voiture individuelle. Sinon, autant faire comme Trump, et déchirer tout de suite l’accord sur le climat signé à Paris en 2015 ; autant continuer à enfermer dans l’impasse ceux qui n’ont pas d’autre choix aujourd’hui que de faire le plein de gazole pour aller travailler. Et après nous, « le Déluge » ?

Une grande nation doit maintenant avoir l’audace et la lucidité de montrer la voie. Se contenter d’augmenter les taxes sur les combustibles fossiles sans planifier une alternative cohérente, c’est évidemment faire le lit du populisme. Où est cette cohérence aujourd’hui ? Plus de 5 milliards de recettes des taxes sur les carburants – de loin le premier poste de dépense de la transition énergétique – vont financer éoliennes et panneaux photovoltaïques, qui n’aident en rien à sortir des énergies fossiles. En effet, l’électricité française est déjà largement décarbonée, grâce à nos centrales nucléaires et à nos barrages. Pourquoi ne pas utiliser cet argent pour financer la fin des chaudières au fioul, et aider massivement les plus modestes à avoir un logement bien isolé du froid ?

(...)
La sobriété de l’habitat et des transports, c’est de l’argent économisé, et c’est un exemple offert au monde pour nous mettre en marche vers une évolution inexorable : celle du monde post-pétrole. La France est le pays des lumières, il est temps de changer l’ampoule.

Publié par Matthieu Auzanneau et Jean-Marc Jancovici dans Sud Ouest du 26 novembre 2018


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