Les Guyot, des châteaux et des idées

, par Christophe Juppin

Cette famille sauve des monuments de la ruine depuis trente ans. Aujourd’hui, les enfants se lancent dans l’aventure.


JPEG - 52.6 ko
La famille Guyot devant le chateau de Beaumesnil. DR

Dabord, il y a Lancelot Guyot, presque 24 ans, celui qui a fait une école de commerce, avec sa mèche blonde et son dynamisme. Voici une semaine, il a repris en gestion le château de Beaumesnil, dans l’Eure, folie Louis XIII appartenant à la Fondation Furstenberg. Vient ensuite Édouard Guyot, 22 ans, passionné de nature, doué de ses mains, courageux. Il inaugure demain l’ouverture au public du domaine du château de Vaux, dans l’Aube, ensemble XVIIIe dû à Germain Boffrand. Puis, Alice Guyot, jeune fille de 20 ans qui semble sage mais vient, elle aussi, de prendre les rênes du château de Landal, immense bâtisse bretonne du XVe entourée d’étangs. Derrière enfin, Louis Guyot, 18 ans, plus réservé, observant ses frères et sœur et leurs charges, du coin de l’œil. Un jour, qui sait ?

Ces quatre-là forment la fratrie Guyot, une génération montante de châtelains-gestionnaires. Ce n’est pas si courant dans un milieu où les problèmes de transmission sont monnaie courante (...)

Publié par Claire Bommelaer le 10 juillet 2015 dans https://www.lefigaro.fr/

JPEG - 57.6 ko
Le cadre du château de Vaux est grandiose. Cette majestueuse demeure Régence, construite en 1721 par Germain Boffrand, est mise en valeur par sa situation au milieu d’une vaste clairière, à l’extrémité d’une grande allée rectiligne, longue de plus de 2 km, tracée dans un vallon forestier.

Une famille de sauveurs de châteaux

Dans la famille Guyot, on rachète les châteaux et on réfléchit après. Sans un sou, Édouard Guyot a fait l’acquisition d’un chef-d’œuvre en péril, le château de Vaux (Aube) à 22 ans, avec deux ans d’avance sur son père. Il lui faudra au moins trois décennies pour bâtir son rêve.

Le château de Vaux (https://www.chateau-vaux.com/), construit par Germain Boffrand au début du XVIIIe siècle, est dans un triste état. Il n’est plus habité depuis 1938. Des tôles recouvrent la toiture. Mais l’eau s’est tout de même infiltrée, provoquant l’effondrement de la partie centrale du bâtiment sur trois niveaux. Ailleurs, de solides étais ont été installés pour maintenir les plafonds. Les parquets, les boiseries, les plus belles cheminées ont été pillés. « Il me faudra au moins trente ans pour tout remettre en état  », évalue Édouard Guyot. D’où l’avantage de commencer tôt.

Lui est devenu châtelain à 22 ans. Sans un sou. « Quand on m’a fait découvrir ce lieu, les anciens propriétaires en voulaient 4 millions d’euros. C’était beaucoup plus que ce que je pouvais engager  », explique-t-il. Qu’importe, il attend 18 mois et fait une contreproposition « au bon moment  » : 500.000 euros pour le château, ses communs et 1/10e des terres qui s’étendent sur plus de 300 ha. Son offre est finalement acceptée, mais Édouard Guyot n’a quasiment rien à mettre sur la table. Tout juste quelques économies engrangées par la société de vente d’objets de décoration et de matériaux anciens qu’il a créée à l’aube de ses 19 ans. Alors il prend son bâton de pèlerin et va frapper à la porte des banques. Toutes refusent de le suivre dans cette douce folie. La 14e sera la bonne. Mais il aura fallu que toute la famille Guyot, solidaire, se présente au comptoir pour menacer de fermer les comptes de ses sociétés pour que le directeur régional, appelé à la rescousse, valide le prêt in extremis.

En matière de coup de poker et de débrouillardise, Édouard Guyot a de qui tenir. Son oncle, Michel Guyot, actuel propriétaire du château de Saint-Fargeau dans l’Yonne (http://www.chateau-de-st-fargeau.com/) est à l’origine de la construction de la forteresse de Guédelon (http://www.guedelon.fr/). Et son père, Jacques Guyot, a passé sa vie à racheter et restaurer des pans entiers du patrimoine national. «  C’est simple, j’ai toujours vécu dans des châteaux en déshérence, avec de l’espace, des grands parcs, des pièces immenses. Les déménagements, je les ai vécus comme des fantaisies. On n’avait pas la télé, alors on fabriquait des cabanes. On passait notre vie à l’extérieur. C’était formidable », se souvient-il. Aussi, Jacques Guyot a beau être châtelain, il est surtout riche de ses dettes, et la vie au quotidien n’est pas toujours rose. Les premières années, le soir venu, la famille se serre autour du poêle à bois, dans l’unique pièce habitable. Il fait froid, mais l’ambiance est chaleureuse et cette vie de château devient finalement une école de vie pour les quatre enfants du couple. Les vacances se passent toujours sur place et chacun prend sa part. « Dès l’âge de 8 ans, on tondait la pelouse, on nourrissait les animaux, on se relayait à l’accueil. Plus tard, c’est nous qui servions de guide. C’est comme ça qu’on s’est payé notre premier vélo. Avec le recul, je suis persuadé que c’est cette éducation qui nous a donné la volonté d’aller de l’avant et le goût du travail  », raconte Édouard Guyot.

une grande fête de la chasse et de la nature le 13 août 2017

Le jeune châtelain qui a finalement emprunté 500.000 autres euros pour acheter 30 ha de forêt supplémentaire et commencer les travaux vit aujourd’hui un rêve d’enfant. En trois ans, il a déjà entrepris un travail considérable. Dans les anciennes granges, les trois gîtes regroupant 80 lits ont été retapés tout comme la salle de réception, dans l’Orangerie. « Cette année, on a trente réservations pour des mariages », se réjouit le jeune homme. Parallèlement, les caves qui abritent les cuisines, le four à pain, la boucherie, la blanchisserie, ainsi que les écuries, la sellerie et l’appartement du cocher ont été nettoyés et aménagés pour recevoir le public. Résultat, 10.000 personnes ont visité le site du château de Vaux en 2016 et Édouard Guyot table sur 15.000 visiteurs en 2017. « Au début, je dormais mal, j’étais assez angoissé. Cette année, le projet décolle vraiment et ça va beaucoup mieux.  »

D’autant que l’énergie communicative du jeune homme a fait son œuvre. Une quarantaine de bénévoles viennent désormais plus ou moins régulièrement lui donner un coup de main, à l’image de Gérard, retraité du bâtiment, qui passe deux ou trois jours par semaine sur place « pour s’occuper et aider ce jeune qui entreprend. J’habite à 10 km, mais je ne connaissais pas ce château. Aujourd’hui, je me sens totalement impliqué dans ce projet un peu fou », explique-t-il.

Publié par Jean-Marc Toussaint le 04 août 2017 dans https://www.estrepublicain.fr

JPEG - 48.7 ko
Château de Vaux, de Édouard Guyot

Adresse : Font aux Dames, 10260 Fouchères
Téléphone : 03 25 40 17 47
Architecte : Germain Boffrand
Construction : 1720-1770


Pour en savoir plus :


Pour en savoir plus :

Pour en savoir plus :

 Les Guyot, des châteaux et des idées le 04 août 2017
 un audio-guide multilingue utilisant le smartphone de vos visiteurs le 21 mars 2022.
 Château de Taisne, les Riceys en Champagne le 11 avril 2022.
 Les Riceys entrent officiellement dans le club des Petites Cités de caractère le 18 septembre 2022.
 Les Riceys : Des audioguides sur le smartphone appréciés le 26 septembre 2022.