Robotisons nos usines pour sauver notre industrie Le nombre de robot par employé est inversement proportionnel au taux de chômage dans les pays industrialisés.

, par Christophe Juppin

La robotisation de nos usines est l’une des clefs pour rendre notre industrie compétitive face aux pays à bas coûts et conserver les emplois. Alors que certains s’inquiètent de l’arrivée de robots dans les usines, on peut penser qu’ils représentent en fait la plus grande opportunité de conserver des usines dans les économies développées.

La concurrence des pays à faibles coûts de production, la réduction des cycles de production, les changements dans les modes de consommation et la demande croissante de personnalisation nécessitent une chaîne de production plus courte et une flexibilité plus grande.

Nécessité économique

Les industries des pays développés ne peuvent pas et ne doivent pas essayer de concurrencer localement les faibles coûts de main-d’oeuvre des pays en voie de développement. Mais l’industrie ne doit pas être entièrement externalisée pour autant. Une délocalisation des capacités de production entraine des délais plus longs, une perte du suivi et une disparition d’un savoir-faire, pourtant au coeur de la valeur ajoutée.

Après la délocalisation d’une grande partie de l’industrie européenne en Asie, la Chine a dû faire face à une hausse du coût de sa main-d’oeuvre et donc à une baisse de la compétitivité de son économie. Pour faire face à cela, le pays a investi dans une intense robotisation de ses capacités industrielles, si bien qu’aujourd’hui des avancées technologiques formidables nous proviennent de ce pays initialement attractif pour sa main-d’oeuvre peu qualifiée.

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Le nombre de robot par employé est inversement proportionnel au taux de chômage dans les pays industrialisés.

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On a noté par exemple des applications de la robotique en essaim dans les entrepôts logistiques. Cette technologie de pointe s’organise autour de centaines de robots peu coûteux traversant des plateformes pour y ranger des produits.
La robotisation se traduit donc par des avancées technologiques et par la création de nouveaux emplois. Car loin de l’image de l’androïde autonome, quiconque ayant déjà programmé un robot sait que le travail de l’homme ne s’arrête pas une fois le robot installé.
De nouveaux emplois de programmeurs et de roboticiens peuvent donc être créés avec la relocalisation de la production. Ces emplois, à forte valeur ajoutée, participent à la mise au point de l’état de l’art et permettent d’exporter un savoir-faire avancé. Certains pays comme Israël se sont notamment basés sur ce modèle et, grâce à un effort sensible sur l’éducation à la robotique, exportent des robots dans le monde entier.

Retard industriel et psychologique

La France a pris un certain retard dans le développement et la généralisation des robots en entreprise. On compte 84 robots pour 10.000 employés en France contre 125 en Allemagne, une différence de presque 50 % qui illustre un manque d’investissement et de compréhension de l’importance des automates dans le processus de production.

Le manque d’investissements peut trouver son explication dans le niveau de marges plus faible dans l’industrie française que dans l’industrie allemande, mais le retard psychologique ne s’explique pas par un choix stratégique.
Les récents débats sur la taxation des robots illustrent ce manque d’informations et cette peur irrationnelle de la technologie. Cette position a des conséquences à plusieurs niveaux.

Jonathan Trevier est directeur général de Robobox
https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-169101-la-robotisation-ou-lespoir-de-lindustrie-francaise-2081129.php

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Dans un premier, taxer les robots réduit l’intérêt de travailler au développement (souvent coûteux) de ces automates. Ce manque d’investissements en recherche et développement se traduit par une réduction des emplois potentiels dans le secteur.
Ensuite, augmenter artificiellement le coût de la production robotisée entraine naturellement une augmentation du prix d’achat pour le consommateur. Ainsi le « Made in France » sera moins compétitif et notre balance commerciale en sera fortement impactée.

Puis, se pose la question de la rétroactivité de cette mesure. Les chaînes de montage automobile pourraient voir le coût de production augmenter, et les usines baisser en compétitivité.

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La définition de ce qu’est un robot montre aussi la complexité d’une telle mesure. On pourrait par exemple considérer une imprimante comme un robot, car elle automatise une partie du travail. Les algorithmes ou les macros Excel participent eux aussi à l’automatisation. Un robot a plusieurs formes et n’a pas besoin d’être humanoïde pour être efficace.
L’automatisation des tâches par la technologie est une nécessité et l’idée de ralentir cette tendance peut être attrayante, mais est en réalité dangereuse pour l’économie et donc coûteuse pour la population.

Nouvelle vague

Malgré les inquiétudes de certains, une nouvelle gamme de robots apparaît et elle ne se limite plus à l’industrie. Ces nouveaux robots à coûts très réduits sont à la fois multi-usages, transportables, et capables d’apprendre. Cette tendance émergente a le potentiel de transformer bien plus que l’industrie et pourrait remettre en cause l’organisation de nombreuses entreprises.
Mais ces évolutions rapides et déstabilisantes peuvent aussi être saisies comme des opportunités. Travailler à cette transformation nécessitera beaucoup d’efforts et donc demandera la création de nombreux emplois. Cette initiative se traduira aussi par d’intenses études et de nombreux travaux de recherche.
À l’image des travaux sur les noyaux neuronaux artificiels, la recherche sur l’automatisation permet un travail introspectif de compréhension des mécanismes qui nous font agir. Ainsi, en plus d’avoir le potentiel d’améliorer considérablement nos vies, la révolution robotique est une quête intellectuelle passionnante.

Les Echos le 20/04/2017
Jonathan Trevier est directeur général de Robobox

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Les forges de Courcelles sont une entreprise séculaire, installée dans la vallée de la Traire à Nogent. Les Forges de Courcelles (groupe Sifcor) sont spécialisées dans la fabrication de vilebrequins pour l’industrie automobile.

Le site a accueilli une colonie pénitentiaire pour jeunes gens et pratiquait l’estampage essentiellement destiné à l’industrie coutelière. A la fin des années 60, MM. André et Jacques Deguy ont orienté l’entreprise vers l’industrie automobile. Les engins de frappe, moutons et marteaux pilons à planche ont cédé leur place à des maxi presses. Ces machines, qui développaient des efforts de mise en forme de 500 à 2500 t étaient alimentées par des chauffeuses à induction. Elles étaient animées par des estampeurs qui effectuaient toutes les opérations de transitique sous et autour des presses à l’aide de tenailles.

A la fin des années 80, les tentatives d’automatisation de la production ont été pénalisées par l’exiguïté des laboratoires des presses, l’inefficacité des manipulateurs, le manque de stabilité des processus de mise en forme et le cout exorbitant des robots. Les machines mécanisées étaient peu flexibles et ne produisaient finalement pas beaucoup plus de pièces que leurs consoeurs manuelles. La simulation par calcul des gammes de déformation de la matière à permis de mieux appréhender les paramètres significatifs et ainsi de fiabiliser les processus de fabrication. Dans le même temps, les Forges de Courcelles s’orientaient vers des productions de volumes de pièces importants, des pièces de plus grandes tailles organisées en familles de produits à morphologie semblable. De nouvelles presses à forger de puissance plus importante (4000, 6300 puis 8000 tonnes) ont pris la place des machines plus petites, mises en concurrence par les pays d’Europe Centrale.

Dès le début, ces nouvelles lignes de fabrication ont été conçues pour admettre des robots. Nous avons commencé par robotiser ce qui était le plus facile, c’est à dire la manutention des lopins. Puis, nous avons appris aux robots à forger à notre place ! La nature du travail dans nos ateliers a beaucoup évolué : la programmation des robots, l’affinage des points d’approche et de dépose, l’initialisation des cycles, la rigueur dans les changements des pinces et préhenseurs sont des nouveaux savoir faire qui ont remplacés la force physique. Pour des pièces d’environ 20kg, les robots ont réduit le nombre d’hommes nécessaires autour de la presse. Ils ont surtout permis des cadences de travail plus que doublées par rapport à la vitesse de production manuelle. La synchronisation de plusieurs robots a permis la manipulation multiple. Des pièces peuvent être transportées par 2 robots en coopération et des robots peuvent manipuler plusieurs pièces sous la machine, permettant la frappe.

Détrônant les systèmes transferts, les robots synchronisés ont encore améliorés les vitesses de production en réduisant le nombre de coup de presse pour produire une pièce. En utilisant ces principes, une de nos presses est capable de produire près de 400 vilebrequins à l’heure ! Vision du futur : Les robots sont des machines complexes qui requièrent une solide formation de la part de leurs intégrateurs et de leurs utilisateurs. Leur multiplication sur les postes de travail (nous avons jusqu’à 17 robots sur une ligne de forgeage) demande une attention soutenue et rend la conduite de la machine très difficile.

C’est pourquoi, outre la coopération des robots entre eux, nous développons la supervision. L’opérateur dispose d’une interface graphique et peut s’adresser à chaque robot à distance. Il peut ainsi visualiser leur état, les initialiser, les lancer en production, les placer au « garage » … La maintenance peut également obtenir des informations de diagnostiques alors même que les robots travaillent. La sécurité autour des robots est une préoccupation permanente. Pour mettre les hommes à l’abri, les robots sont aujourd’hui enfermés dans des enceintes grillagées sécurisées.

Demain, avec les évolutions de la technologie, les robots seront plus aptes à prendre en compte leur environnement. De nouveaux capteurs leur donnerons la vue, la sensibilité, peut être même l’ouïe et l’odorat. Ainsi, les robots seront plus aptes au travail avec l’homme. Dans le milieu de la forge, cela reste encore le futur …

propos recueillis par Christophe JUPPIN, Lundi 4 Janvier 2016

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Matinale technologique Robotique, l’adopter, l’adapter, l’améliorer n°4
Jeudi 05 février 2015, de 08h à 10h, à Nogent 52800 Matinale technologique n°4 « Robotique, l’adopter, l’adapter, l’améliorer. »

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Cinétech n°20 « Nos collègues les robots »
Mercredi 13 janvier 2016 à Nogent CINE TECH n°20 « Nos collègues les robots »
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Matinale technologique n°16 : La robotique du futur : Robotique collaborative et Robotique mobile
Mercredi 18 octobre 2017

Répondez à l’enquête : "Offreurs de solutions-usine du futur"


Le centre de ressources technologique CRITT Matériaux, Dépôts et Traitements de Surface (MDTS) est une antenne à Nogent du Centre régional d’innovation et de transfert de technologies (CRITT) .


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Jocelyn Peynet @JocelynPeynet · 09 juillet 2020
La robotique collaborative, l’avenir de l’industrie 4.0 ? https://frenchweb.fr/good-morning-la-robotique-collaborative-lavenir-de-lindustrie-4-0/402974#gsc.tab=0
via @frenchweb @Laetitia_Lienh @JPostec #automatisation #cobotique #industrie40 #industrie

Pour en savoir plus :

 Le robot guidé vers les entreprises le 22 mai 2014
 Matinale technologique n°16 : La robotique du futur : Robotique collaborative et Robotique mobile le 18 octobre 2017 à Nogent.
 Robotisons nos usines pour sauver notre industrie
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