Une première mondiale : l’observation de l’hydrogène métallique le 30 janvier 2020. une référence pour valider les approches théoriques qui calculent les propriétés de l’hydrogène

, par Fr SANCHETTE

Il s’agit là d’un article majeur dans Nature qui montre la toujours puissante recherche française et celle du CEA en particulier. Deux chercheurs de la Direction des applications militaires du CEA et un chercheur émérite du CNRS, détaché au synchrotron SOLEIL, viennent de franchir une étape historique en observant pour la première fois de l’hydrogène sous forme métallique. Les résultats de cette première mondiale sont publiés dans la revue Nature du 30 janvier 2020.

Un enjeu historique de la physique

Cette observation, prédite depuis plus de 80 ans, fait l’enjeu d’une compétition intense dans la communauté des hautes pressions : plusieurs annonces ont ainsi été faites ces dernières années mais sans convaincre la communauté scientifique.

Le résultat d’un effort de recherche de long terme

C’est la conjonction de l’expertise de haut niveau dans le domaine des hautes pressions de la Direction des applications militaires du CEA et de l’utilisation du grand instrument SOLEIL qui a conduit à l’observation de la transition isolant métal de l’hydrogène : la mise au point d’un nouveau type de presse à enclumes de diamant dépassant 4 millions d’atmosphères, associée à une mesure non-intrusive du passage isolant-métal à l’aide d’un rayonnement infra-rouge synchrotron très brillant, pouvant sonder un échantillon de quelques microns de diamètre, a permis d’observer le changement de phase, d’obtenir la signature du caractère métallique de l’échantillon sous pression et de déterminer avec une grande précision la pression d’apparition du phénomène. Ce résultat sanctionne un effort de recherche de long terme caractérisé par une amélioration continue de la technologie des cellules à enclumes de diamant et une maîtrise des expériences sur grands instruments.

Une question d’intérêt fondamental

La simplicité de l’hydrogène (premier atome de la classification périodique, constitué d’un proton et d’un électron) a joué un rôle essentiel dans le développement de la physique moderne. Si la mécanique quantique au début du 20e siècle a conduit à la compréhension des propriétés de l’atome d’hydrogène, puis celles de la molécule dihydrogène, la description précise du comportement sous pression qui permet d’accéder au diagramme de phase de l’hydrogène, c’est-à-dire la connaissance de l’état en fonction de la pression et de la température, reste très difficile tant pour les calculs que pour les expériences. Les données obtenues constituent une première mondiale et permettront de faire progresser les modèles théoriques.

Des perspectives riches et passionnantes

Cette observation, loin de clore une question d’intérêt fondamental ouverte depuis des décennies, ouvre des perspectives passionnantes : elle va d’abord permettre d’établir une référence pour valider les approches théoriques qui calculent les propriétés de l’hydrogène très dense pour les intérieurs des planètes géantes ou pour la fusion nucléaire par confinement inertiel. Des propriétés inédites et spectaculaires ont ainsi été calculées pour l’hydrogène métallique, comme une supraconductivité à température ambiante, une très forte mobilité du proton ou un passage solide-liquide à très basse température : cette première observation avec un dispositif permettant d’obtenir des échantillons d’hydrogène métallique de taille suffisante pour une caractérisation détaillée est un tremplin pour révéler les propriétés de ce métal. Elle va ensuite stimuler des recherches expérimentales pour mesurer une éventuelle supraconductivité de ce métal : si l’hydrogène métallique était supraconducteur à température et à pression ambiantes cela constituerait une avancée considérable pour le stockage de l’hydrogène qui est un enjeu énergétique primordial. Si cette perspective apparaît encore aujourd’hui difficilement accessible pour l’hydrogène dans sa forme pure, une voie prometteuse est de le synthétiser sous forme d’alliage avec d’autres métaux. Les premiers résultats sur la synthèse de super-hydrures, comme FeH5 ou LaH10, sont très encourageants.

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De gauche à droite : Florent Occelli, Paul Loubeyre et Paul Dumas. © Synchroton SOLEIL

Une mutualisation des compétences

Cette réussite a été rendue possible par la mutualisation des savoir-faire de trois experts. Paul Loubeyre et Florent Occelli, du CEA, ont apporté leur grande connaissance dans la fabrication et l’optimisation de cellules à hautes pressions pour atteindre les conditions extrêmes nécessaires et possèdent une réputation internationale pour leurs recherches associées à ces instruments. Paul Dumas, chercheur émérite du CNRS, détaché au Synchrotron SOLEIL, est quant à lui reconnu au sein de la communauté scientifique internationale pour sa maîtrise de l’utilisation du rayonnement synchrotron dans le domaine de l’infrarouge, rayonnement grâce auquel il a été possible de mettre en évidence la métallisation de l’hydrogène.

Références

​Synchrotron Infrared spectroscopic evidence of the probable transition to metal hydrogen
Paul Loubeyre 1), Florent Occelli 1) and Paul Dumas 2)
| Nature, volume 577 du 30 janvier 2020
1) CEA, DAM, DIF, F-91297 Arpajon, France
2) Synchrotron SOLEIL, BP 48, F-91192 Gif-sur-Yvette, France

Publié le 30 janvier 2020 dans http://www.cea.fr


Pour en savoir plus :

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