Cinétech n°40 « Lune, le huitième continent » Mercredi 06 novembre 2019 Et si la Lune devenait le huitième continent de notre monde ?

, par Christophe Juppin

Cinétech n°40 « Lune, le huitième continent » Mercredi 06 novembre 2019. Il y a 50 ans, la course pour la lune était le reflet de la guerre froide. Aujourd’hui, notre satellite est plus que jamais le miroir grossissant des enjeux terrestres. Il se dessine une nouvelle géopolitique de l’espace, marquée par la prédominance du prisme économique.


50 ans après la conquête de la lune, une nouvelle course a commencé.

L’idée d’une économie de la Lune se développe, dont les cadors du secteur privé ont fait leur nouvel eldorado. Chine, pays émergents, Europe, USA…
Il est urgent de décrypter qui sont les acteurs de cette nouvelle course à l’espace, les enjeux économiques et géostratégiques, parfois bien loin des rêves d’exploration spatiale. La conquête de la lune a toujours masque des ambitions politiques.

Depuis l’année 1972, après six alunissages, aucun homme n’a foulé la surface de la Lune. Ils ont ramassé 110 kg de roche pour les ramener sur terre. Puis, ils s’en sont allé, abandonnant la lune au silence de l’espace....

Les 12 astronautes qui ont marché sur la lune sont tous américains. Des rovers soviétiques se sont alunis, puis les chinois et tout récemment un indien. L’Europe, le Japon et le Brésil l’on survolé.


Le pouvoir d’attraction de la lune s’exerce de nouveau sur les agences spatiales. Mais elle ne sont plus seules. La lune continue de nous fasciner et pousse les nations à relancer des programmes spatiaux ambitieux pour son exploration.

Ce documentaire vous présente très efficacement ce que peuvent nous apporter les prochaines explorations de la Lune, les programmes en cours, et son importance dans l’équilibre des forces sur Terre.

Pourquoi la conquête de la Lune intéresse à nouveau les grandes puissances et les sociétés privées

Cinquante ans après Neil Armstrong, l’Europe, la Chine, l’Inde et même des sociétés privées se lancent à la conquête de la Lune.

L’Homme est reparti à la conquête de la Lune. Alors que l’on célèbrera le 20 juillet 2019 le cinquantenaire de ses premiers pas sur l’astre blanc, pas moins de cinq missions doivent y expédier en 2019 des atterrisseurs et des robots. Celles de la Chine, posée depuis le 3 janvier 2019 sur la face cachée, et de l’Inde, prévue en avril 2019 ; les trois autres étant portées par des acteurs privés basés en Israël (Space IL), en Allemagne (PT-Scientists) et aux Etats-Unis (Moon Express). L’Europe a annoncé lundi 28 janvier 2019, son ambition d’entrer dans le club fermé des puissances lunaires autonomes avant 2025. Cette future mission se prépare en Cologne …

Par le prisme de la Lune, la réalisatrice Véronique Préault montre en effet très bien que nous nous situons à une période charnière. L’exploration humaine, longtemps restée en suspens, animée par les seules rotations d’équipages de la Station spatiale internationale, est peut-être à l’aube d’une nouvelle ère dont notre satellite pourrait être la première étape. Une porte vers l’inconnu, en quelque sorte. Les téléspectateurs les plus avertis n’apprendront peut-être pas grand-chose, mais il est toujours plaisant de se voir offrir un panorama général synthétique qui résume bien les enjeux et pose correctement les problématiques d’un secteur. Ce n’est pas si fréquent.

Les amateurs d’histoire profiteront d’une première séquence très intelligemment consacrée aux derniers astronautes qui ont foulé le sol grisâtre et poussiéreux de la Lune. On y voit les deux hommes gambader en chantant, pris d’une euphorie assez rafraîchissante. Ramassant un dernier bout de Lune, Gene Cernan a ces derniers mots : « Nous repartons comme nous sommes venus et, si Dieu le veut, comme nous reviendrons : dans un esprit de paix et d’espoir pour toute l’humanité. » La séquence se conclut par cette image toujours saisissante du module Apollo 17 filmé depuis la Lune redécollant vers la Terre.

Un nouvel eldorado ?

Cette brève introduction permet de poser simplement les enjeux : la nouvelle conquête lunaire va-t-elle opposer les nouvelles puissances spatiales ou les réunir ? Va-t-on assister à un nouvel affrontement après celui qui avait opposé les États-Unis et l’URSS pendant la guerre froide ? En cinquante ans, le monde a changé. Les acteurs ne sont plus les mêmes.

L’Europe a émergé, bien sûr, mais elle n’est pas la seule. La Chine, qui vient de se poser sur la face cachée de notre satellite et rêve d’y faire marcher un taïkonaute en 2036, est entrée dans le club fermé des grandes puissances spatiales. Le Japon, l’Inde mais aussi le Luxembourg veulent une place. Le secteur privé, notamment SpaceX mais pas seulement, rêve lui aussi de conquête lunaire. Au point de faire miroiter l’idée d’un nouvel eldorado minier…

Cette bulle spéculative ne risque-t-elle pas d’exploser ? Les nations ne vont-elles pas plutôt coopérer suivant un modèle très « européen » pour le bien commun ? Le directeur de l’Agence spatiale européenne, Jan Woerner, rêve d’un « village lunaire ». Un projet d’exploration internationale, à la fois public et privé, sans budget ni programme fixés, mais dont l’objectif serait en fait d’amener l’humanité à « reconquérir » la Lune tous ensemble. Et se donner ainsi les moyens d’aller plus loin.

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Le programme « Moon Village » : D’ici 2030, il pourrait y avoir une première colonie lunaire comprenant six à dix pionniers (scientifiques, techniciens et ingénieurs), qui pourrait monter à 100 personnes en 2040, estime-t-il. "En 2050, vous pourriez avoir un millier de personnes" sur la Lune et puis on pourrait envisager de "faire venir les familles".
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Samantha Cristoforetti, née le 26 avril 1977 à Milan en Italie, est une ingénieure, pilote de chasse et astronaute italienne. Elle fait partie du troisième groupe d’astronautes de l’Agence spatiale européenne (ESA) sélectionné en 2009. Elle est la troisième femme astronaute de l’agence spatiale et la première femme astronaute italienne. Samantha Cristoforetti a décollé depuis le Cosmodrome de Baïkonour le 24 novembre 2014. Elle est rentrée sur Terre ce 11 juin 2015 après un séjour de six mois à bord de la Station spatiale internationale.

Mars permet de renouer avec le mythe fondateur de la frontière.

Le président des États-Unis, Donald Trump, a signé mardi 21 mars 2017 une loi définissant l’objectif central de la NASA sur les décennies à venir. Selon le texte adopté - fait rare - à l’unanimité par le Sénat et la Chambre des représentants, l’agence spatiale américaine devra travailler vers l’objectif « d’une mission habitée vers Mars au cours de la décennie 2030 », lors de la fenêtre de tir de 2033 ou 2037.

Le rêve de mars vient à la rescousse pour pousser des projets lunaires jugés sans intérêt depuis 50 ans. Surtout, Mars garantie le soutien des contribuables américains et de l’ensemble du milieu spatial.

SLS : un premier vol de la nouvelle fusée monstre de la Nasa très attendu

Le Space Launch System ou SLS est un lanceur spatial lourd américain. La SLS est dix pour cent plus puissante que Saturne V, pour envoyer des masses considérables en orbite...et au-delà. Il est propulsé par un unique moteur-fusée à ergols liquides RL-10B2, brûlant un mélange d’hydrogène liquide et d’oxygène liquide. La fusée SLS doit être la plus puissante de tous les temps mais a déjà coûté 12 milliards de dollars et pris des années de retard.

Mais la Nasa a soudainement assombri encore l’avenir de sa prochaine fusée, SLS. L’administrateur de la Nasa, Jim Bridenstine, a annoncé mercredi 13 mars 2019 que le développement de la grande fusée SLS (Space Launch System) se heurtait à de nouveaux retards et que l’agence spatiale voulait désormais confier à des lanceurs privés la prochaine mission autour de la Lune.

Cette annonce illustre le basculement rapide de la Nasa dans un rôle de cliente de l’industrie spatiale privée, où elle ne possèderait plus ses fusées mais achèterait un service de transport à un coût bien inférieur.

Space Launch System, qui sera haute de 98 mètres et entièrement « jetable », était jusqu’à présent décrite comme l’élément indispensable et non négociable des prochaines missions lunaires américaines, dès juin 2020 pour un voyage autour de la Lune sans astronaute, et en 2022 avec un équipage. La capsule Orion, la petite soeur d’Apollo, développée par Lockheed Martin et l’ESA, sera au sommet de cette mégafusée, plus puissante que la Saturn V des missions Apollo. Mais l’administrateur de la Nasa a confirmé lors d’une audition au Sénat que la fusée ne serait pas prête en 2020.

La fusée Super Heavy/Starship (soit le nom du premier étage suivi de celui du second), anciennement appelée Big Falcon Rocket ou BFR, est le prochain lanceur orbital super-lourd de SpaceX, l’entreprise de Elon Musk dans le secteur de l’aérospatial.

L’avènement de SpaceX et de ses fusées low cost a ouvert les portes à de nouvelles activités.

Dans ce nouveau chapitre de la nouvelle économie, le spatial traditionnel doit même compter désormais avec des star’up.

Astrobotics est une de ces jeunes sociétés qui continuent aujourd’hui leur course à la lune. John Thornton est ceo d’Astrobotic, une start-up qui développe un service de livraison sur la Lune... Créée en 2007, cette start-up américaine, s’est donnée pour mission de livrer du fret sur le satellite naturel de la Terre. Depuis 10 ans, cette société de logistique lunaire cherche à développer une technologie permettant de livrer à moindre coût des charges sur la Lune. Son module doit être capable d’embarquer sur un même lancement des cargaisons de différentes tailles et poids de la part de plusieurs clients. Sur son site, Astrobotic propose le kilo de fret lunaire à 1,2 million de dollars. Comme clientèle, elle vise les agences spatiales comme la Nasa, les entreprises qui voudraient réaliser des missions sur la Lune ou exploiter ses ressources, les universités pour des expériences scientifiques et même les particuliers, qui voudraient déposer des objets. Elle avait annoncé en juillet 2017 qu’elle embarquerait son module lunaire à bord d’une fusée Atlas V de la firme United Launch Alliance (ULA) en 2019.

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John Thornton est ceo d’Astrobotic, une start-up qui développe un service de livraison sur la Lune... Créée en 2007, cette start-up américaine, s’est donnée pour mission de livrer du fret sur le satellite naturel de la Terre.

Avec une gravité six fois moindre par rapport à la terre, il faudra 40 fois moins d’énergie pour décoller de la lune.

Le véhicule spatial qui sera lancé à destination de Mars sera vraisemblablement assemblé en orbite basse, depuis un avant-poste cislunaire, d’où il s’élancera avec un équipage international d’au moins quatre personnes.

La lune deviendra un hub à destination de l’univers

Reste à trouver du combustible. En théorie, il suffira donc d’extraire de la glace des cratères du pôle sud de la lune, de séparer l’oxygène et l’hydrogène pour fabriquer du combustible pour des engins spatiaux en partance pour le cosmos.

« Notre but final est d’aller sur Mars, et non d’être coincé sur la Lune ».

Le véhicule spatial qui sera lancé à destination de Mars sera vraisemblablement assemblé en orbite basse, depuis un avant-poste cislunaire, d’où il s’élancera avec un équipage international d’au moins quatre personnes.

Voilà de quoi intéresser des milliardaires pour satisfaire leur propre vision et conforter leur business. Faut-il se méfier de ces entrepreneurs milliardaires et de leur soif de découverte directement connectée à leur valorisation boursière ? Ils promettent du rêve. L’espace est-il un nouvel espace d’affrontement privé public ? Qu’en sera-t-il de l’exploitation des ressources des corps célestes ?

Nous ne nous contenterons plus de contempler ces planètes qui portent les noms de nos Dieux, nous nous y établirons un jour.


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Cinétech n°40 « Lune, le huitième continent »


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Auteur et réalisatrice, Véronique Préault collabore avec les grandes chaînes de télévision françaises.

Auteur et réalisatrice, Véronique Préault collabore avec les grandes chaînes de télévision françaises. « Je voulais être astronaute ou journaliste. Je suis devenue réalisatrice à la télévision. J’aime raconter des histoires. Entrer dans des univers banals pour en découvrir la saveur. Vous faire découvrir à mon tour leurs secrets. Les univers scientifiques surtout, mais aussi les milieux industriels et les grands lieux de patrimoine. D’hôpital en laboratoire, au couvent comme à l’observatoire, des mines d’opale aux toits du monde, dans l’infiniment petit comme dans l’infiniment grand, la volonté de raconter, de donner des clés sans jamais penser à votre place.  » Une mission de dernière minute empêche la réalisatrice Véronique Préault de pouvoir assister à la projection. Malheureusement, c’est souvent à la dernière minute que les choses sont compliquées, dans la mesure ou ces interactions avec le public bien agréables viennent en surplus de ses nouvelles missions qui deviennent de fait prioritaires...


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Michel Champenois est ingénieur d’études au CRPG (Centre de Recherches Pétrographiques et Géochimiques) qui est un laboratoire dépendant du CNRS et de l’Université de Lorraine.

Michel Champenois viendra pour accompagner la projection du film lors du débat qui suivra. Il est ingénieur d’études au CRPG (Centre de Recherches Pétrographiques et Géochimiques) qui est un laboratoire dépendant du CNRS et de l’Université de Lorraine. Ce laboratoire a vu passer sous ses instruments tous les objets extraterrestres ramenés par les missions spatiales ... les sols et roches lunaires des missions Apollo ou Luna, les échantillons de vent solaire de la mission GENESIS (NASA), les particules cométaires de la mission STARDUST (NASA) ayant échantillonné la comète Wild2, les grains de l’astéroïde Itokawa ramené par la mission de l’agence japonaise Hayabusa 1. Le CRPG travaille avec l’agence spatiale chinoise à la détermination des sites d’alunissage pour les missions Chang’e (4 actuellement sur la face cachée de la Lune, 5 sur la face visible avec retour d’échantillons prévue pour 2020, puis Chang’e 6 et 7 pour des missions sur les calottes polaires lunaires). Le CRPG est également associé aux missions Hayabusa 2 (JAXA) et OSIRIS-REX (NASA) avec retour d’échantillons d’astéroïdes et Bepi-Colombo qui doit aller orbiter autour de Mercure à l’horizon 2025.


Film présenté dans le cadre du Mois du film documentaire

Le Mois du film documentaire promeut le cinéma documentaire auprès d’un large public. 2000 lieux participent à un projet commun en organisant des projections accompagnées de rencontres, expositions, ateliers, débats...

Le Mois du film documentaire repose sur un principe de liberté de participation et de programmation pour les structures organisatrices.
Ce principe de fonctionnement fait la réussite de l’événement : chacune imagine un programme thématique, choisit les films et organise ses séances, en toute autonomie.
A Nogent en Haute-Marne Le Mois du film documentaire s’appuie sur le cycle Cinétech (cinq projections par an).

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Film présenté dans le cadre du Mois du film documentaire

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Pour en savoir plus :

 Cinétech n°36 : « Voyage en Haute-Marne, au cœur de la Prosthesis Valley » le 06 mars 2019 à 19h à Nogent (52)
 Cinétech n°37 : « Parcs nationaux – Quand la nature fait recette » le mercredi 17 avril 2019 à 19h à Nogent (52)
 Cinétech n°38 « Tiques, la grande traque » le mercredi 22 mai 2019 à 19h à Nogent
 Cinétech n°39 « L’œil et la pierre » Fête de la science le mercredi 09 octobre 2019 à 19h à Nogent
 Cinétech n°40 « Lune, le huitième continent » Mercredi 06 novembre 2019
 La Lune, puis objectif Mars pour Trump et la NASA, le 21 mars 2017
 Les yeux tournés vers la lune le 06 novembre 2019
 Le planétarium plébiscité idée inspirée : vers le 2e futuroscope de France ? le 13 décembre 2022