Start-up : quelle stratégie pour décrocher un marché public ?

, par Christophe Juppin

Pour insérer les start-up dans la chaîne de valeur des réponses apportées, il est possible de l’inciter en intégrant, dans les critères d’un appel d’offres public, la dimension innovante de la solution. C’est une bonne démarche car, de toute façon, certains projets ne peuvent être répondus que par de grands groupes.

On ne compte plus les lancements d’accélérateurs, incubateurs, et autres espaces dédiés aux start-up. Les grands groupes s’y lancent à leur tour, comme le Crédit Agricole qui, avec sa Mobile Banking Factory, a expérimenté un incubateur… « éphémère  ». Véritable pédagogie d’accompagnement – deux mois seulement – ou simple outil de communication ? Au-delà d’une piqûre d’aide bien vitaminée (accompagnement, mentorat, réseautage, aide au financement…), les jeunes entreprises ont aussi besoin, tôt ou tard, de décrocher des contrats pour démarrer, faire tourner la boutique, et grossir. Et pour cela, pourquoi ne pas taper dans les 71,5 milliards d’euros de commandes publiques (chiffre de 2013) recensés par l’Observatoire économique de l’achat public ?

Un casse-tête juridique

Alors que les start-up pourraient jouer un rôle dans la formation et la villes connectée, doit-on être surpris de voir le géant américain Cisco se voir confier la formation de plus de 200 000 Français aux usages du numérique dans les trois prochaines années et la réalisation de deux pilotes de villes intelligentes dans l’Hexagone dans le cadre d’un accord avec le gouvernement annoncé en grande pompe en février 2015 ? Un partenariat qui n’a pas manqué d’étonner la députée Laure de La Raudière : « Cet accord est inquiétant en terme de souveraineté numérique. Il aurait fallu favoriser des entreprises françaises plutôt qu’un grand groupe américain. Le gouvernement a été naïf  » explique-t-elle à Frenchweb.

L’idée d’un small business act à la française n’est pas nouvelle en soit. Votée en 1953 par le Congrès américain, l’idée la plus connue de ce texte est de favoriser le développement des petites et moyennes entreprises en leur réservant une partie des marchés publics. Depuis, le champ d’aide s’est considérablement élargi, comme on peut le constater sur le site officiel : prêts, garanties de prêt… L’Etat français de son côté s’est déjà saisi du sujet. Le gouvernement avait annoncé en 2012, dans le cadre du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, s’engager à réserver aux entreprises innovantes 2% de la commande publique de la part de l’État et de ses opérateurs d’ici à 2020.

« Comment le partenariat avec Cisco s’inscrit (…) dans la création de nouveaux grands groupes français de l’industrie numérique ? », Laure de la Raudière dans une question au gouvernement

Mais, de la théorie à la pratique, les jeunes poussent sont confrontées à un problème majeur : la complexité du processus. Effectuer une veille pour détecter les marchés publics susceptibles de les intéresser requiert du temps et un arsenal juridique important que n’ont pas nécessairement les jeunes structures. En France, le site du Bulletin officiel des annonces des marchés publics recense les marchés disponibles. Mais « l’outil de détection des marchés n’est pas adapté aux petites entreprises » estime Loïc Dosseur, directeur général adjoint chez Paris&Co, l’agence de la ville de Paris pour l’innovation et le développement économique.

Frenchweb Day Commerce le 17 juin 2015

Avez-vous dépensé plus de 1600 euros d’achats en ligne l’année dernière ? Si oui, vous êtes au-delà de la moyenne des acheteurs, et c’est donc que vous avez succombé aux stratagèmes méconnus des e-commerçants. Le e-commerce français pèse 57 milliards d’euros, répartis sur plus de 150 000 sites* et sur les mobiles, les véritables témoins des usages de demain. (*Fevad, 2014)
Tous auront l’occasion d’illustrer cette nouvelle ère, à l’occasion du Frenchweb Day le 17 juin 2015.

Aussi, une fois les appels d’offres repérés, l’analyse des textes et la production documentaire nécessaire éliminent nombre d’entreprises. Faut-il blâmer l’Etat et les collectivités ? « Bien qu’une collectivité ait la volonté de travailler avec des start-up, elle est elle-même prise dans un système réglementaire national et européen qui rend le marché extrêmement complexe. Par exemple, pour construire un bâtiment, il n’y a pas loin de 400 éléments de réglementation à respecter, que la collectivité est obligée d’inclure dans son marché, évinçant de facto les start-up  » précise M. Dosseur. Selon Laure de La Raudière, un autre problème subsiste : « au-delà de la complexité des marchés publics, c’est la culture des directions achat des administrations qui pénalise les start-up. Ils se protègent contre d’éventuels recours, ce qui ne donne pas la possibilité à des start-up innovantes d’être retenues ».

Se rapprocher des grands groupes ?

Pour combler ce problème et offrir davantage de place aux start-up, certains plaident pour une démarche plus ouverte qui consiste, pour une administration, à définir le besoin public qu’elle entend combler – quitte à se laisser surprendre par les réponses apportées par les start-up – plutôt que de dicter en amont le produit ou le service exact recherché. C’est la logique adoptée par la maire de Paris Anne Hidalgo dans le cadre du projet « réinventer Paris » qui concerne 23 sites dans la capitale.

« Si les start-up essaient d’attaquer les marchés publics de façon traditionnelle, c’est-à-dire en répondant directement à des appels d’offres, ce sera très compliqué, car cela demande des moyens dont elles ne disposent que rarement. Il faut adopter une approche différente  » souligne Pierre Pelouzet, le médiateur national des relations inter-entreprises. Il conseille notamment de se rapprocher d’organismes comme l’Ugap, une centrale d’achat pour les marchés publics, qui opère pour le compte de l’État, de ses opérateurs, des collectivités locales et du secteur hospitalier.

Autre piste, insérer les start-up dans la chaîne de valeur des réponses apportées par les grands groupes. «  Il est possible de l’inciter en intégrant, dans les critères d’un appel d’offres public, la dimension innovante de la solution. C’est une bonne démarche car, de toute façon, certains projets ne peuvent être répondus que par de grands groupes » selon M. Dosseur.

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Une série de questions afin de faciliter la qualification de l’achat innovant.

« Pour attaquer les marchés publics, les start-up doivent adopter une stratégie différente, non-traditionnelle »

Aussi, en 2008, une charte a été signée par les entreprises à participation d’Etat, des instances publiques comme le ministère de la Défense ou le services des achats de l’Etat, et des instances privées, pour renforcer les liens avec les PME innovantes, le « Pacte PME  ». «  Des actions sont mises en place de sorte que, même s’il n’existe pas de vrai small business act, les grandes entreprises et administrations se rapprochent des start-up et des PME innovantes  » explique M. Pelouzet.

Parfois, les villes en prennent elles-même l’initiative. Le 20 mai 2015, se tiendra ainsi à l’Hotel de Ville de Paris une rencontre entre acheteurs publics et start-up. Les premiers expliqueront le fonctionnent des marchés publics, les seconds le mode de fonctionnement des petites structures. Reste à savoir si cela suffira à transformer des start-up en futures ETI. Deux mondes se rencontrent.

Publié le 20 mars 2015 dans https://www.frenchweb.fr

Une petite révolution. Le 17 septembre 2015, une publication au «  Journal officiel  » (1) a changé la vie de nombreuses collectivités et entrouvert la porte de la commande publique aux TPE, PME et start-up.

Ce décret autorise les acheteurs publics à contractualiser sans avoir à passer de publicité (mais tout en respectant les grands principes de la commande publique !), en dessous du seuil de 25 000 euros hors taxes. Et ce à condition, bien sûr, de « choisir une offre pertinente, de faire une bonne utilisation des deniers publics et de ne pas contracter systématiquement avec un même fournisseur lorsqu’il y a plusieurs offres susceptibles de répondre à son besoin ».

(1) Décret n° 2015-1163 du 17 septembre 2015

Publié par Emilie Denètre le 29 juin 2017 dans https://www.lagazettedescommunes.com/

L’UGAP est une centrale d’achat qui accélère l’intégration de solutions innovantes sur les marchés publics français. Pour ce faire, elle sélectionne les porteurs d’offre puis présente ses recommandations sous forme de catalogue.
Publié en avril 2019 par Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État : « l’UGAP mène un travail d’éclaireur au sein du service public » sur https://www.ugap.fr

Publié le Mercredi 24 juin 2020 par French tech Central : « Accéder aux marchés publics en tant que startup » https://profilpublic.fr/


Pour en savoir plus :

 Start-up : quelle stratégie pour décrocher un marché public ? le 20 mars 2015
 Le médical, un marché porteur pour les PME à Reims le 26 janvier 2016
 Les rencontres acheteurs du médical n° 2 à Reims le 26 janvier 2016
 Interconnectés 2016 : « Controverse : Collectivité et entreprise, qui est leader de l’innovation ? » à Lyon le 12 décembre 2016.
 Favoriser l’intégration de l’innovation dans la commande publique en mai 2019
 Colloque performance de l’achat public à Reims le 20 juin 2017
 Le « Tour de France #HealthTech » a fait étape à Nogent le 15 juin 2018
 Avis de mise à disposition du public des documents relatif au programme FEDER-FTJ-FSE+ Grand Est et massif des Vosges 2021-2027 le 03 mai 2021
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 O-DGuide : Un audioguide multilingue directement sur le smartphone des visiteurs 16 septembre 2022