À Auberive, Biotopes innove et vend une prestation de service qui consiste, de base, à démêler des graines bio mélangées en s’adaptant à tous les cahiers des charges de ses clients.
Si un territoire se définit bien par l’adéquation d’une surface avec des hommes et des projets, alors le territoire d’Auberive (associé au Parc national) monte singulièrement en puissance. La naissance et la croissance de Biotopes en attestent.
En 2017, cinq garçons du cru – dont quatre agriculteurs – décident de valoriser les graines qu’ils produisent. Leurs convictions favorables au bio les incitent notamment à favoriser sur une même parcelle les mélanges agronomiques (une céréale et un protéagineux par exemple). La Nature bénéficie de l’interaction vertueuse ainsi mise en place. Sauf qu’après…
…Après, il faut démélanger les graines !
Crayon en main, Guillaume Cathelat, Alexandre Dormoy, Guillaume Hofer, Johann Hofer et David Soenen ont littéralement dessiné la machine qui sortait au fur et à mesure de leur fertile et rigoureuse imagination. Puis ils ont écrit le cahier des charges qui définissait un dispositif industriel parfait, capable de satisfaire aux normes de l’industrie pharmaceutique. Ambitieux…
Tellement ambitieux qu’il s’avère assez rapidement que personne en France ne serait à même de réaliser la machine.
C’est en Turquie, leader mondial des légumes secs, que s’esquisse la piste la plus sérieuse. Ils s’y rendent, rencontrent un constructeur séduit par leur projet et d’une réactivité hors pair. Marché conclu.
La Sarl est créée en décembre 2018. L’accord des banques (BNP) est acquis début 2019. Les travaux de génie civil débutent en juin de la même année à l’entrée d’Auberive, sur la D 428. Les Turcs arrivent en décembre. Avec 35 camions, après 3500 km ! Ils déchargent et répertorient caisse par caisse, dressant l’inventaire de l’immense mécano qu’ils s’apprêtent à assembler.
S’y ajoutera un trieur optique fabriqué en Italie et un séchoir venu d’Angleterre. Tout ce qui tourne autour est confié à des entreprises haut-marnaises.
Les tests débutent en mars 2021. Depuis, la fine équipe a acquis un singulier savoir-faire.
La machine a su trier toutes les graines de tous les mélanges qui lui ont été confiés. Lorsque les exigences du client la poussent dans ses retranchements, elle parvient à un taux de 0.01 % d’impuretés.
Prenons un exemple : l’agriculteur a récolté un mélange d’orge de printemps et de lentilles. Biotopes va tirer cinq produits de ce mélange :
– Une partie brassicole de l’orge qui deviendra de la bière non loin d’Auberive.
– De l’orgette destinée à alimenter le bétail.
– Des lentilles cassées qui apporteront d’excellentes protéines végétales pour le bétail qui les consommera.
– Des lentilles bio pour l’alimentation humaine.
– Des poussières qui seront transformées en énergie par méthanisation.
Que ce soit en alimentation humaine, en alimentation animale ou en énergie, tout est ainsi valorisé. TOUT !
Et tout, jusqu’à la consommation, a vocation à demeurer local. Le circuit court, ici, n’est pas une vue de l’esprit mais un atout indissociable de l’ensemble d’un dispositif parfaitement cohérent.
La machine de Biotopes s’avère très sophistiquée. Elle dispose de moult outils de mesure, capable par exemple d’évaluer l’indice de peroxyde. Quatre tâches différentes peuvent être effectuées en simultané. Pour atteindre un tel degré d’efficacité, le trieur optique se base sur la brillance, la couleur, les reflets. Les grains sont transportés sur des tapis pour ne pas subir les affres d’une vis. Un dispositif aspire 1500 m3 /minute d’air pour récupérer les poussières.
La partie « séchoir » est parfaitement adaptée au traitement des herbes médicinales. De nombreuses pistes de développement sont envisagées.
Biotopes ne produit rien, si ce n’est un précieux service. Son cœur de métier consiste à démélanger des graines forcément bio.
À terme, nos quatre agriculteurs du début ne fourniront à Biotopes que 10 à 15 % du tonnage total. Biotopes traite aujourd’hui 3000 t/an de graines que lui confie la ferme Haute-Marne. L’outil, tel que conçu et installé, peut monter jusqu’à 10 000 t. Il y a de la marge…
L’énergie demeure la première charge de l’entreprise. Une année normale, d’avant conflit russo-ukrainien, la facture d’électricité s’établit à 80 000 euros.
- Au pied de la machine née de leur imagination, les partenaires du projet demeurent parfaitement complémentaires. (Photo : Dominique Piot)
Les cinq associés auraient pu en rester là, tant Biotopes a déjà du grain à moudre. Justement, se sont-ils dit : on a du blé, bio, parfaitement trié. Pourquoi ne pas en faire de la farine ? C’est ainsi que vont naître les Moulins d’Auberive. La meunerie, en gestation avancée, sera alimentée par 23 agriculteurs du secteur, associés en coopérative. Vous verrez, une fois qu’ils auront la farine, ils vont se dire « et si on la transformait en pain, en pâtisserie » en mettant en place une marque liée au Parc. Ne saurions-nous imaginer des cantines ou de la restauration collective de Haute-Marne qui profiteraient de produits d’une telle qualité !
A Auberive, les petites graines de l’avenir sont déjà plantées, toutes complémentaires. Et on sait qui va les trier.
Dominique Piot
Publié par Dominique Piot le mardi 20 septembre 2022 dans le JHM quotidien n° 10246 (Journal de la Haute-Marne) en page 5
- Publié par Dominique Piot le mardi 20 septembre 2022 dans le JHM quotidien n° 10246 (Journal de la Haute-Marne) en page 5
- Publié par Dominique Piot le mardi 20 septembre 2022 dans le JHM quotidien n° 10246 (Journal de la Haute-Marne) en page 5
Pour en savoir plus :
– « Auberive , lieu incontournable du parc »
– Biotopes : tout est valorisé le 20 septembre 2022