Dans la course actuelle aux nouvelles technologies, on oublierait presqu’un grand nombre des pratiques qui régissent le monde médical contemporain ont des racines millénaires. L’archéologie, les sources écrites (stèles funéraires, littérature, etc.) et iconographiques continuent de dévoiler à la postérité les passionnantes traces laissées par nos lointains ancêtres. Ceux-ci étaient les acteurs d’une autre réalité thérapeutique, où le savoir-faire des médecins et chirurgiens de l’Antiquité se révélait parfois étroitement lié aux croyances et aux superstitions. L’œil, organe essentiel et sensible, faisait l’objet de soins tout particuliers au sein de la médecine gréco-romaine. Et d’étranges petites pierres gravées d’inscriptions énigmatiques, retrouvées ponctuellement sur toute l’étendue de l’ancien Empire romain, n’y sont pas étrangères...
Spécialiste de l’ophtalmologie gréco-romaine, Murielle Labonnelie s’intéresse, dans le cadre de ses travaux de recherche au Laboratoire d’Archéologie Moléculaire et Structurale (LAMS), à des artefacts rares regorgeant d’informations sur les us et coutumes de la médecine antique au début de notre ère. Il s’agit des cachets à collyres, aussi appelés cachets d’oculiste. Seuls 347 exemples sont répertoriés dans le monde, de la Grande-Bretagne à la Roumanie, des Pays-Bas à l’Afrique du Nord. Pour mieux comprendre leur utilité, il faut savoir que le collyre n’était alors pas liquide mais solide, élaboré sous la forme de petits pains rigides. Le remède était dilué à l’aide d’un excipient (eau, œuf ou vin) puis appliqué sur l’intérieur de la paupière pour soigner la pathologie oculaire à traiter. Des inscriptions étaient estampillées directement sur le médicament encore malléable à l’aide des fameux cachets, comme une sorte d’ordonnance renseignant sur le praticien, les supposés mérites de la substance et le mode d’utilisation. Ces pierres attirent déjà l’attention des collectionneurs au XVIIIe siècle, comme en témoignent les registres d’inventaire du département des Monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France, qui en conserve 46.
En plus des études historiques et archéologiques, l’analyse chimique de la matière des cachets a donné des résultats fort instructifs, permettant d’établir un lien entre leur usage chez les Romains et les pratiques issues de l’Égypte prédynastique : le matériau de ces formes parallélépipédiques vert sombre (on attribuait à cette couleur des vertus thérapeutiques) s’apparente à la grauwacke, extraite des carrières désertiques à l’est de Louxor et utilisée pour les palettes à fard (cosmétique qui servait à orner mais aussi et surtout à protéger les yeux). Ces rapprochements montrent que les cachets étaient des objets précieux et uniques, réalisés dans des matières importées, et révèlent la continuité des techniques médicinales sur le pourtour de la Méditerranée. Mais les exemplaires recensés, comme ceux qui restent à découvrir, n’ont sans doute pas dévoilé encore tous leurs secrets...
[Encadré sur la tomba del medico]
La fabrication d’outils médicaux, dont la Haute-Marne s’est aujourd’hui fait une spécialité, remonte elle aussi aux temps anciens... Le Musée national Atestino d’Este, l’une des principales institutions archéologiques au Nord de l’Italie, renferme le contenu exceptionnel de la tombe d’un médecin de l’époque flavienne (la « tomba del medico ») découverte en 1884 à Morlungo en Vénétie. À côté de l’ossuaire en verre contenant les restes du défunt, sont retrouvés plus de trente objets divers, dont des restes de remèdes inscrits, et même un cadran solaire portatif. La gamme d’outils chirurgicaux à la disposition du médecin est très étendue. L’instrumentation en bronze, partiellement contenue dans un long boîtier cylindrique, est composée de deux manches de bistouri, dans lesquels des lames de fer ont été insérées, de deux probables lancettes pour la saignée, dont l’un porte la marque SECUNDI, un « cure-oreille », deux sondes avec une extrémité en forme de cuillère et l’autre avec une ogive pour le nettoyage et l’exploration des plaies, un pinceau et enfin une aiguille. La dalle en ardoise était utilisée pour la préparation de médicaments. Les collyres complètent l’ensemble.
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Dans l’Antiquité gréco-romaine, les « collyres » se présentent parfois sous la forme de petits pains de forme oblongue. Les « cachets à collyres » sont le plus souvent des petites pierres parallélépipédiques destinées à estampiller les collyres lorsque ceux-ci sont encore malléables. Sur leurs quatre petites faces, ces sceaux comportent généralement des indications gravées en caractères rétrogrades, plus ou moins bien dessinés, en latin et sous une forme abrégée. Ces inscriptions peuvent être perçues comme des signes ésotériques tant elles sont énigmatiques. Pourtant, elles constituent des sortes de notices médicales puisqu’elles comportent un ou plusieurs des renseignements suivants : un nom propre, un nom de collyre, une indication thérapeutique et un mode d’application.
Mme Labonnelie est maître de conférence à l’université de Bourgogne, chercheuse en histoire de la médecine gréco-romaine au Laboratoire d’Archéologie Moléculaire et Structurale (LAMS), spécialiste de l’ophtalmologie gréco-romaine, dans le cadre de ses propres recherches sur les cachets à collyres.
Trente-huit minutes pour découvrir l’histoire étonnante de ces petits objets qui ont longtemps dérouté les archéologues.
Pour mémoire, « Les collyres se présentaient sous forme de “petits pains solides” : on dissolvait une petite portion de ces “petits pains” au moment de les administrer. Les cachets à collyres présentent des inscriptions gravées en caractères rétrogrades sur leurs petites faces : ils servaient à estampiller les remèdes. »
Dans le monde romain, les cachets à collyres servaient à estampiller les collyres. Ces derniers désignent des préparations pharmaceutiques à action locale, appliquées sur la conjonctive pour soigner des affections oculaires. Les cachets à collyres donnent de précieuses informations sur la médecine romaine. Ils ont été recensés, dès le XVIIe siècle, dans des registres de collectionneurs. Ces documents constituent de précieuses sources d’informations pour l’étude et la reconstitution des cachets à collyres. À travers plusieurs entretiens avec des chercheurs de diverses disciplines (histoire, archéologie, chimie…) et les résultats des ses propres recherches, Muriel Labonnelie présente l’histoire de ces singuliers outils qui révèlent les liens étroits qui unissent les conceptions gréco-romaines et égyptiennes de la médecine.
Un film de Marcel DALAISE
Produit par CNRS Images
2017
« Ça peut paraître étonnant aujourd’hui, mais je suis passionnée par la civilisation gréco-romaine. C’est comme ça que de fil en aiguille j’ai découvert de toutes petites pierres gravées qu’on appelle des cachets d’oculistes ou des cachets à collyres.
Ces petites pierres peuvent paraître insignifiantes mais leur étude m’a permis de découvrir tout un pan de l’histoire de la médecine romaine des premiers siècles de notre Ere ».
Ce film suit Muriel Labonnelie, spécialiste de la médecine gréco-romaine, pendant ses recherches sur les cachets à collyres appelés aussi cachets d’oculistes.
Des recherches qui nous feront voyager à la fois dans le temps et en des lieux surprenants.
Mme Labonnelie est maître de conférence à l’université de Bourgogne, chercheuse en histoire de la médecine gréco-romaine au Laboratoire d’Archéologie Moléculaire et Structurale (LAMS), spécialiste de l’ophtalmologie gréco-romaine, dans le cadre de ses propres recherches sur les cachets à collyres.
Pour mémoire, « Les collyres se présentaient sous forme de “petits pains solides” : on dissolvait une petite portion de ces “petits pains” au moment de les administrer. Les cachets à collyres présentent des inscriptions gravées en caractères rétrogrades sur leurs petites faces : ils servaient à estampiller les remèdes. »
Lexique :
Les dispositifs médicaux regroupent l’ensemble des instruments, appareils ou autre article, utilisé spécifiquement à des fins diagnostiques ou thérapeutiques pour les êtres humains.
Thérapeutique : partie de la médecine qui s’occupe des moyens propres à guérir ou soulager les malades.
Marcel DALAISE
Marcel Dalaise est réalisateur. De 1988 à 2005, il a travaillé comme journaliste réalisateur pour l’espace Science Actualités à la Cité des Sciences et de l’Industrie puis de 2005 à 2019 pour le CNRS Images. Il a réalisé près de 200 films à caractère scientifique et technique et obtenu une quarantaine de prix dans les festivals internationaux.
« La réalisation de films à caractère scientifique reste ma priorité. A travers ces films, j’essaie, non seulement d’expliquer l’objet de la recherche, son contexte mais aussi de présenter le chercheur en tant qu’acteur de notre société ».
Le 6 juin 2018, Muriel Labonnelie remportait le Prix Grand Est de la médiation scientifique au festival Sciences en Lumière.
Lien vers le site régional de la manifestation :
https://www.fetedelascience.fr/pid35201/fiche-evenement.html?identifiant=12187910
programme - Accustica 2019 :
https://www.accustica.org/wp-content/uploads/2019/09/FS19-Programme_A5_BD.pdf
- CINETECH-Matinales 9 oct. 2019 @CCIHauteMarne Meuse @AnteUTTNogent52 @CNogentech
97 personnes au Cinétech n°39 « L’œil et la pierre » Fête de la science #FDS2019 venues écouter Marcel Dalaise, le réalisateur, le 09 octobre 2019 à Nogent, qui a répondu à de nombreuses questions du public intrigué et passionné
- PoleTechnologique 52 @poleTechno52 🎥 @CCIHauteMarne Meuse @AnteUTTNogent52 @CNogentech le mercredi 09 octobre 2019 97 personnes, dont la moitié d’élèves ingénieurs, participent au Cinétech n°39 « L’œil et la pierre » Fête de la science #FDS2019 et sont venus écouter Marcel Dalaise, le réalisateur, le 09 octobre 2019 à Nogent @SciencesLumiere
Pour en savoir plus :
– Cinétech n°36 : « Voyage en Haute-Marne, au cœur de la Prosthesis Valley » le 06 mars 2019 à 19h à Nogent (52)
– Cinétech n°37 : « Parcs nationaux – Quand la nature fait recette » le mercredi 17 avril 2019 à 19h à Nogent (52)
– Cinétech n°38 « Tiques, la grande traque » le mercredi 22 mai 2019 à 19h à Nogent
– Cinétech n°39 « L’œil et la pierre » Fête de la science le mercredi 09 octobre 2019 à 19h à Nogent
– Avec Cinétech n°39, un nouveau regard sur la science le 09 octobre 2019