L’excellence industrielle ne peut se résumer aux nouvelles prouesses technologiques et scientifiques... dans le contexte actuel, comment fidéliser, fédérer, mieux concilier la notion de performance économique et le collectif ?
José Gramdi : Dans le monde turbulent que nous allons durablement traverser, l’intelligence collective sera déterminante. Nous ne pourrons plus nous contenter d’être bons individuellement. Nous devrons donc passer dans nos entreprises de l’exploitation du potentiel productif de chacun à l’expression du potentiel créatif de tous. La performance globale du monde de demain est multidimensionnelle et va nettement au-delà de l’impératif d’échanger avec nos clients des produits contre de l’argent. Elle reposera en fait de plus en plus sur la qualité de la relation que nous allons établir avec eux : personnalisation de la transaction, qualité de l’échange, partage des informations, respect et confiance mutuels, innovation dans les produits et prestations associée. De ce fait, la performance et la pérennité de nos entreprises dépendront de plus en plus des hommes qui sont les seuls garants de ces aspects différenciateurs. Le bien-être au travail, principal facteur de cet engagement, devra donc prendre selon moi une importance croissante dans nos tableaux de bord et nos schémas organisationnels.
Vous proposez une nouvelle approche du pilotage de l’Entreprise avec l’indice de Performance Interactionnelle globale (PIg). En quoi cette démarche consiste-t-elle ?
J.G. : Mon concept PIG repose sur une approche systémique de l’entreprise pour laquelle nous allons nous intéresser aux cinq processus générateurs de Valeur Ajoutée : Achat, Vente, Conception, Production et Logistique. Nous allons dans un premier temps matérialiser la contribution de ces processus à la performance globale puis mettre en évidence leurs interactions. Ceci nous permettra de modéliser finement les processus les plus impactant pour analyser leurs caractéristiques et identifier les actions d’amélioration à mener, avec une estimation assez précise de leur effet sur la performance globale de l’entreprise. Et c’est cette performance globale qui devient le seul objectif au détriment de la myriade d’indicateurs locaux dont on adore tapisser les murs... L’indicateur PIG synthétise les charges globales d’exploitation de la structure, les dépenses directement proportionnelles liées aux produits vendus, leur prix de vente, leur temps de passage dans l’entreprise et le niveau de satisfaction des clients livrés. Cette approche permet de mobiliser tous les acteurs autour d’une vision et d’un projet dont la finalité n’est pas, contrairement à l’approche dominante, de réduire les coûts et par conséquent la masse salariale. Elle peut ainsi se résumer en un mot d’ordre simple et mobilisateur : "Plus, mieux, plus vite, avec les mêmes et dans le respect de notre écosystème !".
Depuis 2008, la PIG est mise en œuvre aussi bien dans des groupes que dans des PME mais avec à chaque fois des éclairages et des résultats surprenants.
On remarque une certaine désaffection des jeunes pour l’industrie... d’après vous, comment pallier à un tel déficit d’image ?
J.G. : Ce phénomène concerne l’ensemble des secteurs industriels. Durant une quinzaine d’années nous avons assisté à un démantèlement de notre tissu industriel et la disparition tragique de nos savoir-faire ouvriers. Désormais nous importons les produits que nous ne fabriquons plus mais nous n’avons pas su développer en contrepartie de nouvelles opportunités d’exportation. Nous ne pouvons pas reprocher à nos jeunes de tourner le dos à un secteur qui perd des emplois chaque jour... Fort heureusement, nous avons enfin réalisé que l’économie du pays ne pouvait être fleurissante sans une industrie forte. Cette prise de conscience doit maintenant s’accompagner d’une vaste campagne de réhabilitation de l’industrie auprès de nos jeunes. Un message fort à leur adresser consisterait à positionner résolument l’industrie comme une des clés aux problèmes majeurs de notre pays et de notre planète. D’un point de vue économique bien-sûr, mais également et surtout environnemental, social et sociétal, la relocalisation industrielle ayant des impacts forts sur tous ces aspects. Dans cette campagne de réhabilitation, l’enseignement a également une place de choix à tenir. Les formations, du Bac Pro à l’Ingénieur, en passant par les BTS et les DUT, doivent donc se réinventer pour proposer des filières innovantes et attractives. Elles doivent préparer les élèves aux enjeux cruciaux de demain en abordant l’industrie dans sa globalité, à savoir bien au-delà des simples aspects technologiques et organisationnels. La résolution parcellisée des problèmes par des hyper-spécialistes a fait long feu. L’ingénieur de demain sera holistique et pluridisciplinaire, capable d’appréhender une problématique en embrassant simultanément toutes ses ramifications et leurs interactions. C’est ce défi passionnant que nous nous efforçons de relever chaque jour à l’Université de Technologie de Troyes.
Publié par Nathalie Hennebique le 12 février 2013 dans Cfia info Rennes édition février 2013 pour le Salon CFIA Rennes les 12, 13 et 14 mars 2013
- Débat au salon Global Industrie du 05 au 08 mars 2019 - Comment (se) former et former à l’industrie du futur. L’industrie du futur est en train de bouleverser de fond en comble les métiers. Comment s’adapter à ces changements ? de gauche à droite : Laurent Carraro , Consultant , Alain Cadix , Membre de l’Académie des technologies, Pascal Coutance , Rédacteur en chef, Mesures (de dos), José Gramdi , Enseignant-chercheur et Bertrand Delahaye, Adjoint au DRH, Safran. (photo CJ)
- Mastère Spécialisé® Bac +6 Manager de la Performance et de la Transformation Industrielle
Mastère Spécialisé® Bac +6 Manager de la Performance et de la Transformation Industrielle
Pour en savoir plus :
– AfterWork n°01 : L’indicateur de performance Interactionnelle Globale (ou p.I.G.)
– David Biguet : « Il n’y a pas une, mais des industries du futur »
– Le contexte économique Grand Est est favorable au deuxième trimestre 2017
– AfterWork Techno n°01 : « Quelles nouvelles règles de performance, de pilotage et de management pour l’Usine du Futur ? » le Lundi 19 Mars 2018 à Nogent (52)
– Matinale technologique n°21 : « L’Industrie du Futur : de quoi s’agit-il ? comment s’engager dans la démarche ? » le Mercredi 16 mai 2018 à Nogent