Nucléaire : pourquoi Areva change de nom et devient Orano le 23 janvier 2018 Malgré un cours de l’uranium en berne, Philippe Knoche garde la foi dans le nucléaire.

, par Christophe Juppin

Fini le groupe nucléaire intégré de la mine à la production de réacteurs en passant par le démantèlement voulu par Anne Lauvergeon. Areva laisse la place à Orano, entreprise de 16.000 personnes positionnée sur les seules activités du cycle du nucléaire.

Ne m’appelez plus jamais Areva... Oubliée l’abbaye cistercienne espagnole d’Arevalo qui avait inspirée l’ancienne présidente Anne Lauvergeon lorsqu’il avait fallu trouver un nom au groupe nucléaire en 2001. Le directeur général Philippe Knoche l’a annoncé le mardi 23 janvier 2018. Areva s’appelle désormais Orano, un nom dérivé d’Ouranos, dieu grec du ciel devenu Uranus dans la mythologie romaine et qui donna son identité à la planète Uranus, qui servira de référence lors de l’appellation de l’uranium. Recentré sur les activités du cycle du combustible (mines, enrichissement, retraitement et recyclage des déchets, démantèlement), le groupe reprend le périmètre de l’ancienne Compagnie générale des matières nucléaires.

Il n’a cependant pas cédé à la tentation de récupérer l’identité Cogema. Un nom qui sonnait trop comme un retour vers le passé et qui symbolisait aussi une politique salariale généreuse voire dispendieuse. Areva NP (réacteurs et services) n’a pas eu ces pudeurs de gazelle. L’activité acquise par EDF a repris en début d’année 2018 l’appellation Framatome. Tout comme la propulsion nucléaire (ex Areva TA), propriété de l’Etat, qui est redevenue Technicatome. In fine, une seule entité de l’ex empire Areva garde le nom de l’abbaye cistercienne. Il s’agit d’Areva SA, une structure de défaisance où figurent les actifs de l’EPR finlandais d’Olkiluoto. Après trois ans de crise, la naissance d’Orano est aujourd’hui le dernier acte de la restructuration du groupe nucléaire. Pour trouver ce nom et le code couleur du dessin qui figure au-dessus d’Orano (le jaune, couleur du minerai d’uranium), l’ex Areva a fait appel à ses salariés -3700 ont participé- et à Insign, une agence de brand design. « Le budget global du changement de marque atteindra 5 millions d’euros », indique Philippe Knoche. Le directeur général précise que si le nom Orano est écrit en minuscule, c’est par humilité. Car « Orano, dit-il, est un premium technologique. »

Un chiffre d’affaires deux fois moins important

Un premium technologique dont le chiffre d’affaires -environ 4 milliards d’euros- est deux fois moins important que celui de l’ancien Areva. L’effectif qui était de 40.000 personnes a été ramené à 16.000. Recapitalisée à hauteur de 2,5 milliards d’euros par l’Etat, Orano va recevoir dans les prochaines semaines 500 millions supplémentaires de la part des Japonais Mitsubishi Heavy Industries et Japan Nuclear Fuel Limited. Avec ces ressources, elle entend se développer en Asie qui représentera 50% du marché nucléaire lors de la prochaine décennie.

En début d’année 2018, Orano a signé un protocole d’accord avec China National Nuclear Corp en vue de construire une usine de traitement-recyclage en Chine pour 10 milliards d’euros. Mais attention, rien de formel n’a été conclu. Et lorsqu’on sait qu’au Japon, JNFL a reporté à 23 reprises l’ouverture du site de traitement des combustibles usés de Rokkasho qui avait été signé en… 1987 avec la Cogema, il y a de sérieux motifs d’inquiétude. Le second objectif de Philippe Knoche est financier. Pour l’année fiscale 2018 qui débute le 1er avril, il mise sur un cash flow net positif avant le remboursement de la dette (3 milliards). Ce qui serait une première depuis 2005. Le plan 2015-2017 a permis d’économiser 500 millions d’euros par an. Le suivant, Value 2020, vise des réductions annuelles de 250 millions.

En 2019, Orano va quitter la Tour de La Défense et emménagera dans un siège plus modeste en région parisienne. « Nos dépenses immobilières passeront alors de 15 millions à 5 millions  », indique Philippe Knoche. Le directeur général mise enfin sur la transformation managériale. Aujourd’hui, la production représente 70% de l’activité et les services à l’ingéniérie 30%. Philippe Knoche vise un rééquilibrage de ces deux pôles d’ici à 2020. Pour gagner en efficacité et agilité, le groupe a également entrepris une démarche lean. Les principaux dirigeants ont passé deux jours à l’usine de Mulhouse de PSA pour comprendre le fonctionnement de la chaîne de production, les secrets des gains de productivité. « L’objectif est que du comité exécutif à l’atelier, tout le monde travaille avec le même système de performance, les mêmes tableaux de bord », explique Philippe Knoche. Vétéran d’Areva –il y est entré en 2001-, le directeur général d’Orano veut y croire.

Le nucléaire est en petite forme

La tâche sera compliquée. Depuis Fukushima, le nucléaire est en petite forme. L’uranium se monnaie à environ 24 dollars la livre, près de deux fois moins qu’il y a quatre ans. « Le prix de l’uranium, aujourd’hui, ne nous permet pas d’investir dans des mines nouvelles », reconnaît Philippe Knoche. Dans le même temps, les renouvelables ont le vent en poupe. En 2016, les nouvelles capacités des éoliennes et le photovoltaïque se sont élevées à 147 gigawatts, contre un petit 9 GW pour le nucléaire. Mais le monde demain peut-il reposer sur les seuls renouvelables ? L’Allemagne qui a voulu le faire et a dû rouvrir ses mines de charbon. Et son bilan CO2 n’a fait qu’empirer. Philippe Knoche en est persuadé, le nucléaire, énergie décarbonée, a toujours un avenir.

Publié par Nicolas Stiel le 23 janvier 2018 dans https://www.challenges.fr/

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