« Personne n’a jamais pensé que le bois serait le matériau du futur. C’est marrant. »
« Personne n’a jamais pensé que le bois serait le matériau du futur. C’est marrant. » lâche Timothée Boitouzet. Ce jeune architecte dijonnais de 33 ans, lui, y a pensé : « La nécessité aujourd’hui, c’est d’utiliser plus de matériaux renouvelables pour construire plus haut et plus vert. Et pour cela, le bois est très intéressant. L’arbre, quand il pousse, absorbe du CO2 et rejette l’oxygène. L’arbre, c’est un puits de carbone, une usine de traitement du CO2. »
Seul hic, le bois a quelques défauts : il brule, pourrit, est attaqué par les insectes, l’eau, les bactéries. Et il n’est pas très rigide. « En France, les constructions en bois sont limitées à neuf étages. », constate Timothée Boitouzet qui s’est penché dès 2010 sur la composition moléculaire du bois, d’abord au département chimie de la prestigieuse Université de Harvard puis au MIT, toujours aux Etats-Unis.
« On a testé une cinquantaine d’essences différentes. »
Il réussit à concevoir un procédé qui enlève la lignine (la colle entre les fibres) pour la remplacer par une résine plastique qui solidifie la matière. « Notre métabois ou bois augmenté, est trois fois plus rigide qu’à l’origine. Il est devenu imputrescible, plus résistant au feu, et il a un aspect translucide. On a des dizaines de brevets sur cette technologie », explique Timothée Boitouzet.
« Notre bois augmenté est imputrescible, plus résistant au feu. Il a un aspect translucide. » Timothée Boitouzet, fondateur de Woodoo
Autre innovation et non des moindres : son bois augmenté qui a demandé cinq ans de maturation, peut être réalisé à partir de n’importe quel bois, permettant ainsi de valoriser des essences de faible constitution comme le charme, le pin, le peuplier ou le tremble… « On a déjà testé avec notre procédé plus d’une cinquantaine d’essences différentes avec des rendus différents », explique le jeune entrepreneur qui a glané en deux ans, trente-trois prix à travers le monde dont celui de l’Innovateur européen de l’année en 2016.
Après avoir créé sa société baptisée « Woodoo », le startuper décide de se pose à la Technopôle de Troyes après les journées Plug & Start 2016. « On avait besoin d’un labo pour nos activités R&D et de production. On hésitait entre plusieurs villes. On a choisi Troyes parce qu’on y a trouvé une grande culture industrielle en plein renouveau. C’est aussi une région très dynamique dans l’implantation d’entreprises innovantes. Et le Grand Est est la région la plus boisée de France ; Cela faisait un tiercé gagnant pour nous », justifie Timothée Boitouzet, qui peaufine son bois révolutionnaire en partenariat avec l’Université de technologie de Troyes (UTT).
- C’est dans les labos de chimie de l’UTT qu’une équipe de scientifiques peaufinent la mise au point de ce nouveau bois révolutionnaire
« On dispose de trois labos de chimie dans l’UTT. On va continuer à avancer, même quand le produit sera en production. On est dans l’amélioration continue du bois augmenté. On accélère, par exemple, avec des UV son vieillissement. Les tests sont multiples. En six mois, on a fait des pas de géant avec une équipe de super-scientifiques, des docteurs ou post-doc en chimie qu’on a fait venir de toute la France et même de l’international », explique le startuper qui supervise déjà 18 personnes dont dix à Troyes.
« Nous allons installer notre manufacture Woodoo sur la Technopôle. »
Mais Timothée Boitouzet voit déjà plus loin : « Une ligne pilote est déjà mise en route, notre procédé ne nécessitant pas de machines spéciales. On va lancer la production au printemps dans deux nouvelles cellules à Rosières, juste derrière la concession BMW. Et nous allons installer notre manufacture Woodoo sur la Technopôle. Nous avons deux sites en vue. Ce sera une usine de 3 000 m2. On va la lancer juste après la levée de fonds ». Une levée de fonds en cours de finalisation qui dépassera les 5 M€, voire beaucoup plus. « C’est une levée qui attire beaucoup. Le marché est mondial. Le bois augmenté peut être utilisé sur tous les continents et dans tous les secteurs. On a des offres d’investisseurs américains, européens, français, de fonds asiatiques…Et le soutien d’institutionnels : BPI France, la Commission européenne, LVMH qui nous a primés, les ministères… ».
Passée la levée de fonds, il restera à transformer cette innovation révolutionnaire en succès industriel en phase avec le marché. Des premiers contrats ont déjà été signés avec des acteurs majeurs du segment premium : Mercedes dans l’automobile et Unibail-Rodemco, dans l’agencement de centres commerciaux. De quoi mettre en confiance le jeune startuper qui ne semble pas plus impressionné que cela par l’envergure de son projet : « Un chef d’entreprise, explique-t-il, c’est comme un pilote de course, c’est l’adrénaline qui le fait vibre. »
Thierry Péchinot
Un produit mondial et écologique
« Dans votre téléphone portable, une industrie qui a quinze ans, vous avez plus de matériaux intelligents que dans l’industrie du bâtiment qui est pourtant millénaire et qui est l’une des plus polluantes au monde car elle utilise des matériaux non renouvelables comme le sable. La Chine a utilisé plus de béton entre 2011 et 2013 que les Etats-Unis pendant tout le XXe siècle. D’ici à 2050, les villes concentreront 70% des humains, et il faudra construire sept fois Paris tous les ans pour loger tout le monde. L’architecte a une responsabilité sociale pour construire la ville de demain », explique Timothée Boitouzet qui espère bien participer à cette ville de demain.
« Notre matériau peut s’appliquer dans des industries différentes. On commence par des marchés premium comme celui de l’automobile. Ce sont des petits volumes vendus plus cher qui sont en phase avec notre capacité de production. On a structuré un plan de développement progressif. On commence sur des niches à haute valeur ajouté. Et plus on avancera, plus on ira sur des gros marchés. »
L’objectif est de construire à terme avec du bois augmenté. « La porte en bois, par exemple, précise Timothée Boitouzet, c’est un marché à 90 milliards annuels, les façades en bois 175 milliards… »
- Une invention développée à la technopôle et à l’UTT
Installé à la Technopôle de l’Aube depuis les journées Plug & Start 2016, Woodoo développe son bois révolutionnaire en partenariat avec l’Université de technologie de Troyes (UTT). La start-up de Timothée Boitouzet dispose’ de trois laboratoires de chimie à l’UTT et a recruté des scientifiques français et étrangers pour améliorer son bois augmenté.
- Toutes les essences de bois
Enorme avantage du bois augmenté : il peut être utilisé avec toutes les essences de bois. « On a déjà testé avec notre procédé plus d’une cinquantaine d’essences différentes. On peut ainsi valoriser des bois pauvres inexploitables aujourd’hui. On transforme un bois de rebut qui ne vaut rien en super-matière. Cela présente une vraie vertu environnementale, économique, technique, financière », indique Timothée Boitouzet.
Publié par Thierry PECHINOT le 25 fevrier 2020 dans l’Est Eclair n° 24397 du mardi 25 février 2020 en page II et III Economie https://abonne.lest-eclair.fr/
Pour en savoir plus :
– Rencontre inter-RDT « Exemples de nouveaux matériaux solides à base d’agro-ressources sur le marché » le 19 octobre 2006 à Reims
– WooDoo ou l’invention du bois augmenté en juillet 2018
– « Le XXIe siècle sera l’ère de la bioéconomie et du bois » déclare Timothée Boitouzet le 22 juin 2018.
– Troyes intègre la « French Tech » et réunis son Board le 26 avril 2019
– La communauté French Tech Troyes a constituée son équipe et a réunis son Board le 26 avril 2019
– Woodoo a créé un bois "armé" aussi solide que le béton
– Troyes : Woodoo invente un bois aussi solide que le béton le 25 février 2020.