Artifil, qui jouxte l’aérodrome de Semoutiers, près de Chaumont, a largement digéré son déménagement, puis la fusion avec Geiss. L’entreprise a diversifié ses compétences, sa production et ses domaines d’intervention (automobile, agricole etc.) Tout pourrait aller au mieux dans le meilleur des mondes où on travaille beaucoup pour réussir si l’emblématique Xavier Boucknooghe n’était désormais titillé, pour le moins, par l’idée de transmission. Il n’a pas encore atteint l’âge de la retraite mais sait pertinemment que ces choses-là s’anticipent. Il sait surtout que dans les cinq ans qui viennent, la totalité de l’encadrement d’origine fera valoir ses droits à la retraite ; il flaire le danger. Aujourd’hui, préparer cette transition et en filigrane son départ devient son défi majeur.
Mais nous sommes en Haute-Marne, territoire “particulier” qui n’est pas celui qui spontanément va le plus attirer les jeunes diplômés. Pour séduire cette jeunesse qualifiée, Xavier Boucknooghe parie sur des métiers valorisants et diversifiés. Il affirme même – sans que cela ne relève de la boutade – qu’il lui est plus difficile de trouver des hommes que de nouveaux produits. Il est vrai que les hommes (et femmes) en question, souvent déjà dans la place, doivent apprendre à composer avec le bouillonnant XB, à entendre les fulgurances de son esprit de synthèse. Ces compétences-là ne s’acquièrent pas forcément en école d’ingénieur. Ceux qui trouvent les clés de cette transversalité érigée en système ont toutes les chances d’inscrire leur avenir chez Artifil.
La fusion Artifil – Geiss dépasse les espérances
Voilà un peu plus de deux ans, Artifil (Chaumont) qui travaillait le métal, fusionnait avec Geiss (Biesles) qui travaillait le plastique. Le pari reposait humainement sur la bonne entente entre les deux patrons et économiquement sur la perspective de décrocher trois “projets” dans le secteur automobile. Aujourd’hui, Xavier Boucknooghe et Philippe Geiss s’entendent toujours aussi bien et les trois projets rêvés sont devenus sept dans la vraie vie des carnets de commandes. En faisant travailler ensemble Artifil pour l’armature métallique, Geiss pour l’injection plastique et l’unité tunisienne d’Artifil pour l’assemblage manuel de l’ensemble, la société fournit aujourd’hui à un sous-traitant automobile de rang 1 des pare-soleil qui équipent les BMW et les Volswagen. Trois des modèles en question ont déjà pulvérisé la barre emblématique du million d’exemplaires. C’est plus du double de ce qui était prévu initialement pour ces pare-soleil.
Autrement dit, la fusion redoutée par certains a non seulement sauvé de l’emploi mais aussi engendré de la croissance. Cette logique, on peut la plaquer aussi sur la création d’une filière en Tunisie : elle n’a pas vidé les ateliers de Chaumont ; au contraire, il a fallu acheter de nouvelles machines pour s’adapter, en Haute-Marne, à la croissance que permettait la complémentarité avec l’usine tunisienne.
Tout aussi intéressant : cette percée remarquable dans l’impitoyable univers de l’automobile ne s’est pas faite en tirant les prix vers le bas mais en pariant sur le top de la qualité. En misant que les acheteurs savent aussi faire la différence entre un prix et un coût.
Diversification : le cas viticlip
Longtemps, Artifil fut champion du monde du fil pour bocal, et juste cela. L’entreprise, alors située sur la zone industrielle de la Dame Huguenote, excellait… sur un seul produit. Prudent, Xavier Boucknooghe s’est employé depuis à répartir ses œufs dans plusieurs paniers : quatre pôles aujourd’hui. Si l’un venait à rompre, il en resterait trois. Le bocal est toujours là, et bien là, avec plus de 20 millions de pièces cette année. Le plastique poursuit sa croissance. L’agricole demeure performant avec les clips pour les professions viticoles et maraîchères (pieds de tomates), et bien sûr le fil métallique et ses diverses applications. Chacun de ces quatre pôles offre un réel potentiel de développement. À court terme, l’entreprise place bien des espoirs dans le tout prochain salon Viti Vini d’Épernay, à la mi-octobre, afin de séduire le monde très fermé des viticulteurs de Champagne. Un vigneron qui l’a déjà adopté présentera à ses collègues viticlip, un système révolutionnaire qui automatise le relevage des vignes sans intervention humaine. Et si ça prend…
Publié par Dominique PIOT le mardi 25 septembre 2018 en page 5 du n° 8814 du Journal de la Haute-Marne (JHM)
Pour en savoir plus :
– La Haute-Marne démontre toute l’étendue de ses savoir-faire industriels à Nogent les 15 et 16 juin 2018
– Xavier Boucknooghe : « j’ai envie de transmettre »