Yvon Le Hénaff veut faire fructifier le pôle IAR en Europe

, par Christophe Juppin

A l’heure où le gouvernement veut doper l’innovation, Yvon Le Hénaff préside le pôle de compétitivité Industries et Agro-Ressources depuis décembre 2017. Et ne manque pas d’ambition. Parcours.

Son nom ne laisse aucun doute sur ses origines finistériennes. C’est pourtant loin des terres de ses ancêtres qu’Yvon le Hénaff - élu il a quelques mois à la tête du pôle de compétitivité Industries et Agro-Ressources - a navigué toute sa carrière.

Ce natif de la Drôme s’est d’ailleurs amarré au nord de la France, en prenant, il y a seize ans, à Pomacle-Bazancourt, en plein coeur de la Marne, la barre d’Agro Industrie Recherches et Développement. Cette filiale du groupe coopératif Vivescia est spécialisée dans le raffinage du végétal, les biotechnologies industrielles et la chimie verte. « A l’époque, le site ne comptait qu’une usine de sucre et une glucoserie », se remémore Yvon Le Hénaff.

S’affranchir de la dépendance au pétrole

Cet ingénieur, formé sur les bancs de l’Ecole nationale supérieure des industries alimentaires de Lyon, a certes fait un détour par « Alstom Atlantique », où il a fait ses premiers pas professionnels.

Mais Yvon Le Hénaff a ensuite participé à des programmes de recherche sur la valorisation des excédents agricoles en tant que directeur commercial d’Applexion (devenu Novasep Process) dès 1983 ou chez Tech Sep, filiale de Rhône-Poulenc, six ans plus tard…

Aux premières loges pour doper les biotechs

Et en arrivant aux commandes d’ARD, il est aux premières loges pour contribuer à l’essor des biotechnologies. Instinctif, il pressent l’immense potentiel de ce secteur pour le territoire. Car, au milieu des années 2000, les prix du brut sont au plus haut, les gaz de schiste, encore enfouis dans les profondeurs terrestres et le sentiment d’une urgence climatique de plus en plus prégnant dans l’opinion publique. Energie, cosmétique, chimie fine… Tous les secteurs cherchent à s’affranchir de leur dépendance au pétrole grâce à de nouvelles molécules végétales. « L’émulation était totale. On trouvait toute sorte de projets, même des non viables ! », s’esclaffe-t-il.

Un éclair dans le ciel marnais

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Jacky Vandeputte : l’avenir appartient aux biomolécules et à la "Chimie verte" . Le pôle IAR IAR est le Pôle de la Bioéconomie français de référence, en Europe et à l’international.

Localement, la chimie verte a le vent en poupe. En 2004, les régions Picardie et Champagne-Ardenne décrochent la labellisation d’un pôle de compétitivité « à vocation mondiale », baptisé « Industries et Agro-Ressources » (IAR) . Mais en 2008… patatras ! La pire crise économique depuis les années 1930 survient aussi brusquement qu’un éclair dans le ciel marnais. Une période «  terrible » pour Yvon Le Hénaff qui craint que la dynamique ne s’enraye.

Dans la tempête, les collectivités tiennent cependant le cap. Grâce à leur appui, un « démonstrateur industriel  » de 22 millions d’euros voit même le jour. Son objectif ? Produire de l’acide succinique, utilisé par exemple dans le secteur médical, à base de plantes. « Un projet qui depuis a permis la création d’une usine au Canada » se félicite le président, prompt à dévoiler des anecdotes cocasses vécues au cours de sa carrière. Notamment lorsque, en tant que directeur industriel de la célèbre maison de négoce Sucres et Denrées, dans les années 1990, il avait pour mission de superviser les unités russes, où les habitudes soviétiques n’avaient pas complètement disparu. « A chaque visite, je me demandais combien il allait me manquer de sucre. L’ouvrier sortait un kilo par jour, le directeur, un wagon, c’était usant », se remémore l’homme avec humour.

Retraité actif

Car Yvon Le Hénaff, le cheveu pâle et le regard clair, a le verbe haut : n’a-t-il pas manifesté « dans son jeune temps » et sans réserve en faveur du rattachement de Nantes à la Bretagne ? Et s’il a pris, en juin 2018, sa retraite de l’ARD, ce dirigeant, connu pour son franc-parler, n’entend pas cesser de combattre « la psychorigidité » de certaines administrations, ni s’arrêter de défendre son point de vue auprès des élus locaux.

Père de trois enfants, heureux grand-père de sept petits-enfants, il peut se targuer d’avoir contribué à l’essor de la plate-forme marnaise, qui abrite aujourd’hui un millier de salariés, dont 200 chercheurs. « De la sucrerie et de la glucoserie est né un vrai centre en bioéconomie et en biotechnologie à vocation européenne. A partir de blé et de betteraves, les entreprises servent un panel de secteurs, de l’énergie à la chimie fine  », sourit, bonhomme, l’ancien cadre, qui espère néanmoins profiter de sa retraite pour « s’améliorer au golf et se familiariser avec les réseaux sociaux ».

Développer la bioéconomie en Europe

Sans garantie. Car il sait que sa fonction à la tête du pôle sera chronophage. D’autant qu’il devra gérer l’ambitieuse feuille de route du gouvernement en faveur de l’innovation, notamment pour la bioéconomie.

Derrière ses lunettes fines, son regard vert s’éclaire lorsqu’il évoque l’avenir d’IAR. Le pôle revendique quelque 370 adhérents. Et plus de 1,7 milliard d’euros d’investissement sur le territoire. « Le pôle doit conforter sa position de catalyseur pour le développement de la bioéconomie en Europe. Notre objectif est bien de participer à la création de valeur et d’emploi sur le territoire  », prévient-il. Il reste visiblement serein.

Guillaume Roussange

Publié par Guillaume ROUSSANGE le 11 septembre 2018 dans https://www.lesechos.fr


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