Guillaume Echevarria, Professeur en biogéochimie des sols au LSE, nous explique ce concept innovant « Il existe dans la nature des plantes hyperaccumulatrices, ces plantes sont capables de stocker de fortes quantités de métaux lourds. L’agromine désigne la culture de ces plantes hyperaccumulatrices sur des sols naturellement minéralisés ou sur des terrains abandonnés par l’exploitation minière jusqu’à la purification de composés métalliques valorisables. »
Parmi ces plantes, Alyssum murale est connue pour ses capacités à stocker le nickel. Elle capte le métal à partir de ses racines puis l’exporte au niveau de ses parties aériennes, fleurs et fruits. Même si cette plante est étudiée depuis le 19ème siècle, le procédé pour extraire le nickel, lui, est récent et a été mis en place par Marie-Odile Simonnot, Professeure en Génie des Procédés, et son équipe pluridisciplinaire du LRGP. « Nous brûlons les plantes, ce qui permet d’une part de générer de l’énergie et d’autre part d’obtenir des cendres où le nickel est concentré à hauteur de 15 à 20%.C’est le plus fort pourcentage jamais récolté ! Sur un hectare de culture, nous avons réussi à obtenir 120 kg de nickel » explique Marie-Odile. A quand remonte la genèse de ces recherches ?
Pourquoi créer une start up ? Quels sont les objectifs d’Econick ? Marie-Odile et Guillaume nous font remonter le temps et nous livrent les secrets de cette belle histoire.
« A la fin des années 1980, les chercheurs de l’ENSAIA étaient en lien avec des scientifiques albanais pour former des doctorants. En 1994, le LSE est créé et nous en sommes alors à la 3ème thèse financée avec l’Albanie. C’est le début des études sur Alyssum murale. Les sols d’Albanie sont très riches en nickel, cette plante semble être la solution pour capter le métal et revaloriser les sols ! En 1999, nous faisons la rencontre de Marie-Odile et de son équipe. C’est le début d’une belle histoire ! » explique Guillaume. « Grâce à eux, nous progressons sur la méthode d’extraction du métal. De 2005 à 2009, Jean-Louis Morel, Professeur de Biologie pour l’Environnement au LSE, et sa doctorante Aïda Bani, s’intéressent de plus près à la culture de cette plante. A la fin de la thèse d’Aida, nous savons comment la cultiver pour avoir un rendement optimal. Dans les années qui suivent, nous travaillons avec l’INRS ETE (Eau Terre Environnement) du Canada. A la fin de la thèse en cotutelle de Romain Barbaroux nous connaissons l’itinéraire technique pour valoriser le nickel et plus particulièrement un sel de nickel : le sulfate de nickel et d’ammonium hexahydraté. A partir de ce moment-là, nous maîtrisons toute la chaîne. Nous sommes capables d’en récupérer quelques grammes en laboratoire. L’étape suivante est donc d’améliorer la qualité du sel et de passer à l’échelle supérieure, à une échelle pilote. »
C’est à ce moment que l’idée d’ouvrir une start up a germé. « Le nickel est le métal qui présente de loin la plus forte anomalie géochimique sur terre et une forte mobilité. Nous souhaitions mettre en avant ces milliers de km2 de sol riches en nickel en Europe, améliorer leurs propriétés agronomiques, proposer aux agriculteurs de se développer pour lutter contre la déprise agricole, faire une meilleure agriculture, plus technique. Accompagnés de l’Incubateur Lorrain et de la SATT Grand Est, nous nous sommes donc lancés dans la construction de ce projet. En 2013, nous avons été lauréat pour le volet « Emergence » au Concours National d’Aide à la Création d’Entreprise Technologique. La start up « Econick » a vu le jour en Août 2016. Côté Recherche, nous avons depuis 2013, plusieurs sources de financements (ANR, européen, LIFE) pour développer les outils, les parcelles pilotes ainsi qu’un démonstrateur de 20 hectares. A l’heure actuelle, l’activité est implantée en Albanie, Grèce, Espagne, Autriche et en France mais nous pourrions l’étendre en Italie. Notre technique est une technique douce, pas concurrente des techniques minières, elle permet sur le long terme 10 à 20 ans de diminuer le risque de transfert du métal, de recycler, revaloriser les sols et obtenir des matières nouvelles à partir de ressources peu concentrées. Notre travail porte ses fruits car en 2015, nous avons reçu le Prix Innovana (2015) qui récompense la valorisation non alimentaire des produits agricoles. »
« Econick » est un bel exemple de transfert de technologies et de connaissances de la recherche publique vers le monde de l’entreprise. Nous lui souhaitons un bel avenir !
Publié le 16 février 2017 dans www.nancy.inra.fr
Pour en savoir plus :
– ECONICK, une start up basée sur l’extraction de métaux des sols par les plantes !
– Cinétech n°33 : « Sols contaminés : des plantes à la rescousse » le 30 mai 2018 Nogent (52)