Le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (loi PACTE), adopté par l’Assemblée nationale le 11 avril 2019, traite de points relatifs aux brevets. L’adoption de la loi entraîne de multiples changements en matière de brevets en France.
La Matinale technologique n°23 vous propose d’examiner un an après son adoption, les « Modification de la loi sur les brevets et ses conséquences » .
Initialement prévu le vendredi 10 avril 2020 de 10h à 12h à Nogent (52), la matinale est reportée.
La propriété industrielle permet de protéger et valoriser les créations et les innovations, tout autant que lutter contre les contrefaçons et les pratiques déloyales.
Il est nécessaire de bien connaître les différents outils disponibles afin de choisir le bon mode de protection, qui permettra de sécuriser les projets.
La propriété intellectuelle est vitale si votre projet d’entreprise repose sur une innovation particulière. Elle permet en effet de protéger vos créations de toutes contrefaçons, de vous assurer un monopole d’exploitation, et même de générer de futurs revenus (contrat de licence, cession d’un droit de propriété intellectuelle…).
Au sens de la propriété industrielle, le brevet protège une invention technique, c’est-à-dire un produit ou un procédé qui apporte une nouvelle solution technique à un problème technique donné.
Le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (loi PACTE), adopté par l’Assemblée nationale le 11 avril 2019, traite de points relatifs aux brevets dans ses articles 118 et 121 à 124, à savoir :
– la modernisation du certificat d’utilité, dont la durée passe de 6 ans à 10 ans, et la possibilité de transformation d’une demande de certificat d’utilité en demande de brevet ;
– l’introduction prochaine d’une procédure d’opposition aux brevets français ;
– l’introduction prochaine de l’examen de l’activité inventive pour les demandes de brevet français ;
– la suppression de la prescription pour l’action en nullité d’un brevet ; et
– la modification de l’évènement générateur du délai de prescription des actions en contrefaçon.
Voici une présentation de ces changements importants qui vont intervenir côté brevets.
La modernisation du certificat d’utilité
Un certificat d’utilité aura désormais une durée de 10 ans à compter du dépôt (L. 611-2 2° CPI), contre 6 ans auparavant. La France harmonise en cela la durée de son certificat d’utilité avec une durée existant habituellement à l’étranger pour ce type de titre de propriété industrielle, comme par exemple le « Gebrauchsmuster » en Allemagne ou le modèle d’utilité en Chine.
En outre, il sera non seulement possible, comme auparavant, de transformer une demande de brevet en demande de certificat d’utilité, mais également de transformer une demande de certificat d’utilité en demande de brevet.
La loi PACTE II, promulguée le 22 mai 2019 introduit d’importantes modifications concernant le brevet délivré par l’INPI, ainsi que sur les marques françaises.
Principalement sur le brevet :
• Le renforcement de l’examen du brevet français qui prendra désormais en compte l’activité inventive : le brevet français va devenir plus difficile à obtenir et plus coûteux
• Le renforcement du certificat d’utilité, jusqu’ici peut utilisé, mais dont la validité va passer à 10 ans : à terme il pourrait devenir une sorte de « petit brevet »
• La mise en place, l’été prochain d’un brevet provisoire, peu coûteux, mais limité à 12 mois
• La mise en place d’une procédure d’opposition aux brevets délivrés par l’INPI
Les trois critères de brevetabilité sont la nouveauté, l’activité inventive et l’application industrielle :
– En matière de nouveauté, le législateur supprime la notion d’absence « manifeste » de nouveauté. Cela élargit la compétence de l’INPI, auparavant limitée au rejet des demandes de brevet dont l’objet était intégralement divulgué dans une antériorité, considérée stricto sensu. Ainsi, l’INPI pourra procéder au rejet de demandes de brevet dont l’objet ne serait pas nouveau, selon une interprétation nécessairement plus large, laquelle se rapprochera certainement de l’interprétation issue de la jurisprudence, française ou européenne.
– Concernant l’activité inventive et c’est le point qui attire notre attention, l’INPI aura le pouvoir de rejeter une demande de brevet dont l’objet n’implique pas d’activité inventive. Là encore, il est à espérer que l’harmonisation européenne jouera son rôle, et que l’examen de l’activité inventive par l’INPI s’effectuera principalement sur la base d’une approche problème-solution, de manière similaire aux demandes de brevet européen examinées à l’Office européen des brevets (OEB). L’examen de l’activité inventive nécessitant plus de temps qu’un simple examen de nouveauté, l’INPI devra certainement adapter ses effectifs en conséquence, sous peine de voir la durée de la procédure s’allonger. Toutefois, l’INPI pourra probablement s’appuyer sur l’expérience de l’OEB en la matière pour éviter cet écueil, lequel a pu être rencontré par d’autres Etats, le Brésil en étant le dernier exemple.
- La réintroduction du critère de rejet pour défaut d’application industrielle, lequel avait été abandonné en 2008 (ancien L.612-12 1er alinéa 5°), facilitera peut-être le travail des examinateurs de l’INPI en matière de rejet des demandes de brevet portant sur des « mouvements perpétuels ». Toutefois, il n’aura qu’une incidence pratique extrêmement limitée sur les autres demandes. De plus, il est probable que l’article L.612-12 1er alinéa 7° ne s’applique pas aux demandes de certificat d’utilité, ce qui est regrettable s’agissant du critère d’application industrielle. En effet, les inventeurs de « mouvements perpétuels » tenteront sans doute de s’adapter à la procédure de l’INPI pour éviter un rejet sur ce motif en déposant une demande de certificat d’utilité.
Modification de l’évènement générateur du délai de prescription des actions en contrefaçon
Aux termes de l’article L.615-8 CPI dans sa forme actuelle, « Les actions en contrefaçon prévues par le présent chapitre sont prescrites par cinq ans à compter des faits qui en sont la cause. ». Ainsi, se posait le problème de la connaissance tardive, par le titulaire d’un droit, des faits relevant de la contrefaçon.
Le législateur a souhaité renforcer la possibilité pour le titulaire d’un droit d’obtenir réparation du préjudice, même pour des actes anciens, en considérant pour point de départ de la prescription, non plus la commission d’un acte de contrefaçon, mais sa connaissance (réelle ou supposée) par le titulaire du droit. Ainsi, aux termes du nouvel article L.615-8 CPI, « Les actions en contrefaçon […] sont prescrites par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître le dernier fait lui permettant de l’exercer ».
En cela, le législateur a voulu d’une part, protéger le titulaire d’un brevet de la dissimulation d’actes de contrefaçon par un contrefacteur (comme la fabrication par exemple, laquelle pouvait être dissimulée par le transport et le stockage subséquent sur un territoire non couvert par le droit, en attendant l’expiration du droit). D’autre part, le législateur a souhaité protéger les tiers d’un titulaire qui volontairement « fermerait les yeux » sur la commission d’actes de contrefaçon, et découvrirait ceux-ci « par surprise », bien au-delà d’un délai de cinq ans, de manière à augmenter délibérément la durée de la contrefaçon, et ce pour obtenir une réparation du préjudice au-delà du délai de prescription.
Concernant les marques, on note, depuis le 15 décembre 2019, le passage à une taxation classe par classe, et un examen également plus rigoureux, avec la nécessité de proposer des libellés « clairs et précis » ; une procédure d’opposition est également ouverte aux tiers, et il faudra désormais prouver l’usage réel de la marque antérieur en cas de conflit.
Enfin, il n’y aura plus aucun délai à respecter pour les actions en nullité de brevet, marque ou modèle déposés en France, tandis que chacun pourra demander la nullité ou la déchéance d’une marque directement à l’INPI, afin de désengorger les tribunaux
Voir aussi la publication de Jean-Nicolas Héraud du cabinet LLR sur
https://brevets-marques.llr
- François STAUDER - Photo Philippe Savouret le Mardi 05 mai 2015 à Nogent lors du Cinetech n°17
- Matinale technologique n°23 : « Modification de la loi sur les brevets et ses conséquences » le vendredi 10 avril 2020 à Nogent (52)
Pour en savoir plus :
– Matinale technologique n°15 : La propriété industrielle pour mon entreprise le 14 juin 2017 à Nogent.
– AfterWork Techno n°04 : « Sensibilisation au droit de la propriété industrielle » le Mardi 23 avril 2019 à Nogent (52)
– Matinale technologique n°23 : « Modification de la loi sur les brevets et ses conséquences » le vendredi 10 avril 2020 à Nogent (52)