L’énigmatique et fastueuse tombe du prince de Lavau à Troyes exposée jusqu’au 29 septembre 2019. Qui était le « prince » de Lavau dans l’Aube et la « Dame de Vix » en Côte-d’Or ?

, par Christophe Juppin

Une très belle exposition baptisée « ArkéAube – Des premiers paysans au prince de Lavau » s’est tenu à l’Hôtel-Dieu-le-Comte de Troyes jusqu’au 29 septembre 2019. Elle embarque le visiteur pour un voyage depuis la révolution néolithique jusqu’à l’âge du Fer… Plus de 200 objets retrouvés dans le département de l’Aube racontent l’histoire des hommes et des femmes qui peuplaient le territoire, avec une scénographie à la fois esthétique, moderne et interactive.

La période hallstattienne est très présent sur ce territoire traversé par la Seine avec le « prince » de Lavau dans l’Aube et la « Dame de Vix » en Côte-d’Or.

Le clou de l’exposition : la somptueuse tombe du prince de Lavau. Quelques pièces restaurées sont pour la première fois révélées au public ! Pourquoi cette tombe est-elle une découverte archéologique majeure ? Qui était le « prince » de Lavau dans l’Aube et la « Dame de Vix » en Côte-d’Or ? Se pourrait-il que des liens existent entre ce personnage et la célèbre Dame de Vix retrouvée en 1990 ?

La découverte de Lavau

En vue de l’extension de l’espace urbain de Lavau, en périphérie de Troyes, une fouille préventive est lancée en octobre 2014. Bonne pioche ! Dès les premiers jours de fouilles, il est évident qu’un complexe funéraire monumental est en train d’être déterré. Des vestiges de plusieurs périodes d’occupation se dévoilent. Mais c’est la grande chambre funéraire du Vème siècle avant J.-C. (premier âge du Fer) qui retient immédiatement l’attention de la communauté scientifique…

Cela pourrait être une découverte majeure pour mieux comprendre les Celtes, car ces-derniers ne maîtrisaient pas l’écrit. Une absence de sources qui soulève bien des questionnements et rend l’ensemble de la civilisation très mystérieuse… Ce que l’on en connaît provient de l’analyse de rares tombes à char, cet objet inhumé avec le défunt et destiné à emporter les puissants du monde celtique dans « l’autre monde » ou « l’au-delà ».

Les fouilles se poursuivent et l’on se rend bientôt compte que la tombe qui vient d’être découverte est unique à plus d’un titre. Elle est tout d’abord hors norme par sa taille  : l’ensemble correspond à une superficie de près d’un hectare. Aucun autre monument retrouvé au niveau de la Plaine de Troyes n’est aussi impressionnant.

D’autre part, la tombe de Lavau est d’un faste et d’une richesse extraordinaires  : objets grecs surprenants et accessoires précieux sortent de terre. À la fin de l’hiver, on dégage la dépouille d’un homme paré d’un torque (collier porté par les Celtes durant l’âge du Fer) et de bracelets en or, allongé sur la caisse d’un char à deux roues. Il s’agit donc bien d’une tombe à char.

Enfin, son bon état de conservation interpelle : protégée par les restes de son tumulus, elle a été préservée des pillages. Les archéologues étudient une tombe intacte !

La fouille s’achève en avril 2015. Grâce au Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) et l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), la documentation et l’analyse des nombreux objets peuvent commencer.

Des objets rares et lointains

Lavau vient confirmer l’hypothèse (émise depuis la découverte des tombes à char de Bouranton en 1990 et d’Estissac en 1994), qu’il existait un pôle de pouvoir ancré sur la haute vallée de la Seine, au niveau de la plaine de Troyes. Autrement dit, une concentration de personnalités appartenant à la plus haute élite sociale vivait à cet endroit de la Gaule… À l’image des souverains et de leur noblesse, qui se déploieront en Île de France et au bord de la Loire !

Le mobilier et les objets retrouvés avec la dépouille attestent du rang très élevé du défunt. La qualité des matériaux et la finesse de la technique dévoilent un grand savoir-faire des artisans celtes, comme le relève Vincent Riquier, co-commissaire de l’exposition :

Plusieurs objets sont le fruit du travail d’artisans et d’orfèvres hyper spécialisés et particulièrement doués. Sur certaines œuvres, les décors ne sont visibles qu’au microscope et compréhensibles qu’au moyen de techniques d’imagerie moderne. Ils seraient d’ailleurs difficilement réalisables aujourd’hui !

Parmi ceux-ci, le torque et les deux bracelets en or d’une pureté très difficile à obtenir. Les animaux ailés qui ornent le torque à la jonction du jonc avec les extrémités en forme de goutte et les oiseaux aquatiques qui masquent le mécanisme de fermeture sur les bracelets, sont d’une finesse remarquable. Les mécanismes des bracelets sont d’ailleurs extrêmement usés, ce qui signifie que leur propriétaire les a largement portés ! Il ne s’agissait donc pas d’objets funéraires commandés à sa mort dans le seul but d’être ensevelis avec lui.

Certaines pièces sont uniques car visiblement importées de très loin. Les perles en ambre retrouvées autour de la tête de la dépouille proviennent du nord de l’Europe. Le bestiaire figuré sur d’autres accessoires, notamment les têtes d’oiseaux aquatiques, évoque de réelles influences orientales.

Trois objets sont particulièrement rares : une passoire à la poignée décorée d’une tête de serpent à cornes de bélier, une petite cuillère perforée qui servait certainement à enlever le surplus d’épices qui nageait à la surface du vin (aujourd’hui, on le qualifierait assurément de « piquette » !), et un pied de coupe orné d’un fil perlé. Tous sont en argent doré : l’utilisation d’un tel matériau pour cette période n’est attestée qu’à Lavau !

La pièce maîtresse est un chaudron en bronze dont les anses sont ornées d’une tête du dieu-fleuve Achéloos, reconnaissable à ses cornes de taureau, sa moustache et sa longue barbe. Les influences sont donc aussi grecques, mais également italiennes puisque la technique de fabrication fait plutôt penser à un atelier étrusque !

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La reproduction exceptionnelle du chaudron (encore en cours d’analyse) retrouvé sur la tombe du prince de Lavau

Échanges commerciaux

Ces influences s’expliquent par la situation privilégiée de Troyes : la ville occupe un point névralgique sur un axe de communication majeur et particulièrement dynamique, à la croisée de la Seine et de ses confluents l’Aube et l’Yonne. Les objets découverts dans la tombe du prince de Lavau viennent confirmer cette place centrale de la région de Troyes à une époque qui connaît un intense développement des comptoirs commerciaux et d’échanges marchands entre civilisations.

Cette ouverture aux contrées méditerranéennes génère des relations multiculturelles intenses et un enrichissement de certaines familles. Nous ne disposons d’aucun moyen de savoir si l’homme retrouvé dans la tombe de Lavau faisait partie d’une famille « régnante » ou « gouvernante ». Il semble d’ailleurs plus probable qu’il s’agisse un très riche marchant s’étant élevé au plus haut de la hiérarchie sociale.

La seconde moitié de l’âge de fer voit disparaître ces manifestations spectaculaires que sont les tombes à char. Les pôles de pouvoir se déplacent dans le nord et les tombes donnent désormais plus d’importance au militaire. Cette « militarisation » des valeurs pourrait coïncider avec l’arrivée des romains en Gaule…

Similitudes avec la Dame de Vix ?

De nombreuses pièces découvertes à Lavau sont encore en cours d’analyse et les prochaines années révèleront sans aucun doute de nouveaux secrets… Il se pourrait que les chercheurs comparent l’ADN du prince de Lavau avec celle de la Dame de Vix retrouvée dans une tombe similaire un peu plus au sud, en Côte d’Or, en 1950.

La Dame de Vix (qui était en fait loin d’être un canon de beauté puisqu’elle souffrait d’asymétrie faciale et ne tenait pas sa tête droite !) est morte seulement deux générations avant le prince de Lavau. Leurs tombes sont très similaires. Leurs torques notamment, se ressemblent de façon troublante : le jonc se termine par une forme de goutte. Peut-être sont-ils issus de la même dynastie ? Il faudra être un peu patient pour le savoir… Voilà en tout cas de quoi faire mentir l’expression « muet comme une tombe » !

Encore un grand merci au Conseil départemental de l’Aube et à l’agence RP Digital pour cette belle découverte.

Publié par le 27 juillet 2019 dans http://plume-dhistoire.fr


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Découverte rarissime, les sept cuirasses de Marmesse (Haute-Marne) témoignent d’abord de la maîtrise exceptionnelle des artisans dinandiers de la fin de l’âge du Bronze. Quoique de conception et de dimensions similaires, certains détails, comme les variations de motifs sur les dossières, suggèrent une personnalisation de chacun des équipements défensifs individuels. (photo CJ le 02 août 2019 à l’occasion de l’exposition de la tombe du prince de Lavau à Troyes)

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Découverte rarissime, les sept cuirasses de Marmesse (Haute-Marne) témoignent d’abord de la maîtrise exceptionnelle des artisans dinandiers de la fin de l’âge du Bronze. Quoique de conception et de dimensions similaires, certains détails, comme les variations de motifs sur les dossières, suggèrent une personnalisation de chacun des équipements défensifs individuels. (photo CJ le 02 août 2019 à l’occasion de l’exposition de la tombe du prince de Lavau à Troyes)

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Découverte rarissime, les sept cuirasses de Marmesse (Haute-Marne) témoignent d’abord de la maîtrise exceptionnelle des artisans dinandiers de la fin de l’âge du Bronze. Quoique de conception et de dimensions similaires, certains détails, comme les variations de motifs sur les dossières, suggèrent une personnalisation de chacun des équipements défensifs individuels. (photo CJ le 02 août 2019 à l’occasion de l’exposition de la tombe du prince de Lavau à Troyes)

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Découverte rarissime, les sept cuirasses de Marmesse (Haute-Marne) témoignent d’abord de la maîtrise exceptionnelle des artisans dinandiers de la fin de l’âge du Bronze. Quoique de conception et de dimensions similaires, certains détails, comme les variations de motifs sur les dossières, suggèrent une personnalisation de chacun des équipements défensifs individuels. (photo CJ le 02 août 2019 à l’occasion de l’exposition de la tombe du prince de Lavau à Troyes)

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Cinétech n°34 : « L’énigme de la tombe celte »

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Archives départementales de la Côte-d’Or @ADCO_Archivist · 25 juin 2017
Retour en Antiquité avec le Vase de Vix #HeritageMW #MuseumWeek
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Philippe Puydarrieux @PPuydarrieux · 5 déc. 2022
Aujourd’hui, l’équipe du @parc_nat_forets à été reçue au musée de Châtillon
@TresordeVix
. Le vase de Vix, âge du Bronze, 1.64 m de haut, 208 kg, 1100 litres, épaisseur 1.5 mm. Fabriqué en Grèce vers 530 av. n.e. à 2300 km de Vix ! Impressionnant ! La visite s’impose !
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LegendesCartographie @LegendesCarto · 09 decembre 2022
A la veille de la conquête de la Gaule par César, les territoires occupés par les Gaulois (qui sont des Celtes), sont connectés depuis plusieurs siècles aux grandes routes commerciales méditerranéennes. Les cités gauloises sont alors regroupées en confédérations.

Pour en savoir plus :

 Austrasie, le royaume oublié le 23 septembre 2016
 Histoire des Celtes : qui sont-ils ? quand sont-ils arrivés en Gaule ?
 La cuirasse de Haute-Marne atterrit au Louvre Abu Dhabi le 08 novembre 2017
 Les derniers secrets du vase de Vix
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