La cuirasse de Haute-Marne atterrit au Louvre Abu Dhabi le 08 novembre 2017

, par Christophe Juppin

Un petit morceau d’histoire antique haut-marnaise s’est envolé pour la Péninsule arabique et le nouveau Louvre. Le musée du Louvre d’Abou Dhabi a ouvert ses portes le 08 novembre 2017. Il a pour ambition d’exposer une vision universelle de l’art, de la préhistoire à l’époque contemporaine. Une cuirasse antique, retrouvée dans les années 70 à Marmesse, en Haute Marne, a été retenue dans cette collection.

Le Louvre d’Abu Dhabi (Emirats arabes unis) était inauguré le 08 novembre 2017, dix ans après le lancement du projet. Parmi les 300 oeuvres prêtées par la France, figure l’une des sept cuirasses découvertes en 1974, à Marmesse, près de Châteauvillain (Haute-Marne). Un honneur pour les Haut-Marnais qui conservent également ce vestige à portée de main.

« Une seule cuirasse est toujours visible actuellement dans notre salle d’archéologie », précise Raphaëlle Carreau, directrice des musées de Chaumont. La cuirasse qui a rejoint la collection arabique était jusqu’ici exposée au musée d’Archéologie de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines). Elle trône désormais au milieu d’oeuvres de Rodin, Léonard de Vinci, Giacometti ou Van Gogh dans le musée imaginé par Jean Nouvel.

Ces armures en tôle de bronze, datant de 800 ans avant J.-C., avaient été mises au jour un peu par hasard, à Marmesse, lors de travaux de terrassement dans une sablière. Des découvertes qui expriment le pouvoir d’une élite et témoignent de l’âge de bronze, comme le rappelle Marie-Claude Lavocat, maire de Châteauvillain.

Sa jumelle reste à Chaumont

« L’est de la France était une région traversée par les invasions. Nous avons beaucoup souffert des destructions, mais nous avons eu de grands apports de toutes ces civilisations. Et nous sommes très fiers qu’une partie de notre patrimoine se retrouve aussi loin. » A Chaumont, on ne s’attend pas pour autant à une fréquentation en hausse du musée pour admirer la seconde cuirasse.


Publié par Marie Blanchardon le 9 novembre 2017 dans http://www.leparisien.fr/

Un ensemble de sept cuirasses découvert en plusieurs étapes à Marmesse (Haute-Marne)

Cette cuirasse en tôle de bronze fait partie d’un ensemble de pièces analogues découvert en plusieurs étapes à Marmesse (Haute-Marne), au lieu dit « Petit Marais ». C’est en 1974 que furent mises au jour trois premières cuirasses, emboîtées les unes dans les autres. Elles furent exhumées de façon fortuite, lors de travaux de terrassement dans une sablière. Les fragments d’autres cuirasses furent récupérés par la suite et un sondage archéologique conduit en 1980 permit de compléter l’ensemble.

En tout sept cuirasses ont été retrouvées à Marmesse, et formaient un dépôt votif, sans doute lié à la présence d’une source. Les conditions de découverte, l’absence de tout contexte archéologique précis, expliquent l’imprécision de la datation de ces armes défensives, fondée uniquement sur des considérations typologiques et stylistiques.

Le dépôt de Marmesse appartient à une série importante de dépôts qui, à cette période charnière entre Âge du Bronze et Âge du Fer, exprime sous différentes formes le prestige et le pouvoir d’une élite guerrière. Ces armes défensives de prestige étaient portées en même temps qu’un casque et des cnémides (protège-jambes). L’épée et la lance constituaient l’équipement offensif. Cette panoplie n’est pas sans évoquer les guerriers « vêtus d’airain » des descriptions homériques. N’oublions pas que la guerre de Troie est contemporaine de la fin de l’Âge du Bronze !

Les sept cuirasses de Marmesse sont chacune composées de deux coques en feuille de bronze chaudronnée. Elles étaient travaillées par déformation plastique à froid, en frappant le bronze avec un marteau sur une forme, afin de l’étirer et de l’amincir. Pour éviter les fissures, la feuille de bronze était périodiquement chauffée et subissait un « recuit » permettant d’homogénéiser et de consolider la structure du métal. L’une des coques correspondait au plastron, l’autre à la dossière. Ces deux éléments étaient solidement rivetés sur le côté de l’épaule gauche.

Les cuirasses s’enfilaient donc par le côté droit, en écartant les deux coques, grâce à la malléabilité du métal. On pouvait alors assujettir et fermer la cuirasse en fixant les crochets situés du côté de l’épaule droite.

Toutes les cuirasses de Marmesse sont rehaussées d’un même décor stéréotypé, constitué d’une ligne principale de grosses bossettes d’un cm de diamètre encadrée de part et d’autre d’une ligne de bossettes beaucoup plus petites. Ces décors sont obtenus par estampage, c’est-à-dire en imprimant des matrices à l’intérieur de la cuirasse, et en frappant de l’autre côté. Ces triples lignes de bossettes soulignent les contours de la cuirasse : l’encolure, les manches, les côtés et la ceinture. Elles magnifiaient aussi l’anatomie du guerrier : comme sur les cuirasses grecques dites « musclées », sont indiqués de manière stylisée les poitrines et le sternum (à l’avant), la colonne vertébrale et la cage thoracique (à l’arrière).

Notons que ce type de décor se retrouve à l’identique sur les casques villanoviens (étrusques) ou encore sur les vaisselles italiennes, hongroises et danoises des IXe et VIIIe siècles avant J.-C. Cela ne signifie pas que les cuirasses de Marmesse aient une origine lointaine mais renvoie plutôt à la circulation des idées et des formes dans l’Europe de la fin de l’Âge du Bronze et des débuts de l’Âge du Fer.

En Grèce et en étrurie, pour l’art de la guerre, le besoin en bronze est crucial. Or le bronze est constitué de cuivre et d’étain, métaux qui ne se trouvent pas sur les territoires du sud.. Ce besoin, également vital pour la défense du territoire Celte en Haute-Marne, explique l’existence d’échanges entre méditerranéens ( produit manufacturé) et Haute-Marne ( matières premières) en échange de l’exclusivité pour accéder à ces matières premières.


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Découverte rarissime, les sept cuirasses de Marmesse (Haute-Marne) témoignent d’abord de la maîtrise exceptionnelle des artisans dinandiers de la fin de l’âge du Bronze. Quoique de conception et de dimensions similaires, certains détails, comme les variations de motifs sur les dossières, suggèrent une personnalisation de chacun des équipements défensifs individuels. (photo CJ le 02 août 2019 à l’occasion de l’exposition de la tombe du prince de Lavau à Troyes)

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Découverte rarissime, les sept cuirasses de Marmesse (Haute-Marne) témoignent d’abord de la maîtrise exceptionnelle des artisans dinandiers de la fin de l’âge du Bronze. Quoique de conception et de dimensions similaires, certains détails, comme les variations de motifs sur les dossières, suggèrent une personnalisation de chacun des équipements défensifs individuels. (photo CJ le 02 août 2019 à l’occasion de l’exposition de la tombe du prince de Lavau à Troyes)

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Découverte rarissime, les sept cuirasses de Marmesse (Haute-Marne) témoignent d’abord de la maîtrise exceptionnelle des artisans dinandiers de la fin de l’âge du Bronze. Quoique de conception et de dimensions similaires, certains détails, comme les variations de motifs sur les dossières, suggèrent une personnalisation de chacun des équipements défensifs individuels. (photo CJ le 02 août 2019 à l’occasion de l’exposition de la tombe du prince de Lavau à Troyes)

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Découverte rarissime, les sept cuirasses de Marmesse (Haute-Marne) témoignent d’abord de la maîtrise exceptionnelle des artisans dinandiers de la fin de l’âge du Bronze. Quoique de conception et de dimensions similaires, certains détails, comme les variations de motifs sur les dossières, suggèrent une personnalisation de chacun des équipements défensifs individuels. (photo CJ le 02 août 2019 à l’occasion de l’exposition de la tombe du prince de Lavau à Troyes)

Qui était le « prince » de Lavau dans l’Aube et la « Dame de Vix » en Côte-d’Or ?

Le "pillage" des piéces archéologiques découvertes en Haute-Marne ne se limite pas pas à cet ensemble de sept cuirasses. Un stamnos étrusque (grand vase de récipient à boissons) et un canthare grec (coupe à boire avec deux ances) datant de 430 années avant notre ère ont été découvert en 1880 au Tumulus de la « Motte Saint-Valentin », à Courcelles-la-Montagne (Haute-Marne). Le musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye, possède ces objets antiques.


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