Elle est l’une des toutes premières entreprises de mécanique françaises à s’équiper avec des machines intégrant de l’IA, comprenez de l’intelligence artificielle. « On a tellement de données à traiter aujourd’hui. Et l’IA permet de gérer ces données plus facilement. Avant, pour une pièce complexe, il aurait fallu que le régleur passe un mois dessus. Désormais, en une semaine, on a le prototype qui sort. Avec ces machines, on fait des pièces pour des roulements dans l’aérospatiale, pour des équipements de défense, pour des avions militaires de Dassault. On fait aussi des pompes cryogéniques pour des compagnies pétrolières », explique Laurent Allard qui n’a pas hésité à investir 1 M € pour acquérir ces deux machines japonaises Mazak.
« L’innovation n’est pas qu’une affaire de start-up, ajoute le P-DG de Degoisey. Cela peut fonctionner dans l’industrie, c’est une voie de croissance. L’IA, c’est comme quand on est passé dans nos métiers des machines traditionnelles aux centres d’usinage. C’est une grande évolution numérique avec des perspectives impressionnantes. On a recruté sept jeunes que l’on forme en interne. La prochaine étape, dès 2022, ce sera le déploiement de l’IA. On va développer des systèmes d’acquisition de données de pièces complexes. Toutes ces technologies vont nous permettre de renforcer notre expertise comme codéveloppeur ».
Une croissance par l’innovation
Depuis sa reprise en 2006 par Laurent Allard, la vénérable PME, autrefois réputée pour ses métiers de bonneterie, a réussi sa reconversion dans la mécanique de précision. Elle affiche même une croissance insolente : entre 2010 et 2021, son chiffre d’affaires est passé de 1,4 M € à 5 M € et ses effectifs de 16 à 40 salariés. Les raisons du succès ? L’ouverture sur de nouveaux marchés par des acquisitions externes (Fleuriot, Lorey) et surtout une stratégie de montée en gamme misant sur l’innovation.
« Depuis 2010, on a un taux de croissance moyenne de 20 % chaque année, et on a recruté 28 personnes dont une dizaine cette année. On est en train de changer de modèle et le Covid a accéléré les choses. Avec la crise sanitaire, nos clients, qui sont en majorité des grands comptes – des multinationales ou leurs filiales – ont réduit et externalisé beaucoup de choses. Ils nous demandent d’industrialiser leurs nouveaux produits. Ce n’est plus “je reçois un plan, j’achète de la matière”. Aujourd’hui, c’est du codéveloppement. »
Un mini-centre de formation dans l’usine
Mais pour « codévelopper » avec ces machines haute technologie, encore faut-il avoir les ressources humaines capables de les faire tourner. « On a pris sept alternants qui viennent du CFAI et de l’IUT de Troyes. Nous avons aussi des Compagnons du devoir en usinage, ce qui est assez rare. Tous ces jeunes, c’est un réel avantage concurrentiel. Ils sont nés avec les nouvelles technologies. Ils s’adaptent plus facilement. C’est l’avenir. On les forme à nos méthodes et pratiques ».
« Il faut de trois à cinq ans pour former un bon technicien, précise le responsable technique, Cyril Dairain. Ces machines sont des centres d’usinage multitâches où l’IA fait une grande partie. Elles peuvent absorber beaucoup plus de données et les paramètres sont personnalisables en fonction de l’opérateur. Elles permettent de faire des pièces plus compliquées et plus rapidement ».
Ce qui offre des perspectives à Degoisey, qui réalise déjà 16 % de son activité dans l’aéronautique en produisant notamment des pièces pour le Rafale et l’Airbus A321neo. « Notre objectif pour 2025, c’est de doubler notre chiffre d’affaires par rapport 2020 et recruter plus de 25 personnes. On doit aussi lancer un gros plan d’investissement », annonce Laurent Allard qui voit déjà plus loin. « J’ai transféré le management en interne à une nouvelle équipe de manière à passer le relais à terme » indique le P-DG qui souhaite déménager son usine dans un bâtiment neuf dès 2022. « On se doit, insiste-t-il, de se rapprocher des connaissances, des centres techniques et des écoles d’ingénieurs comme l’UTT ».
« Un vrai régal de bosser sur ces machines »
- « Cela apporte plus de confort pour la programmation » explique Christopher Roger, un jeune de 28 ans formé au CFAI de Troyes qui travaille chez Degoisey depuis un an.
« Cela apporte plus de confort pour la programmation. Les nouveaux pupitres sont plus grands et tactiles. Et on a une visualisation 3D de ce qu’on va programmer au fur et à mesure. On peut intégrer directement les fichiers 3D envoyés par les clients, ce qui nous permet de sortir les points à programmer en direct sur la machine. C’est une grande évolution », explique Christopher Roger, 28 ans. Formé au CFAI de Troyes, et titulaire d’un BTS industrialisation des produits mécaniques, ce technicien d’usinage travaille chez Degoisey depuis un an.
À ses côtés, Joseph Martin, 21 ans, diplômé en BTS et Compagnon en usinage formé en alternance, partage le même avis : « C’est un peu comme un travail d’artisan avec un toucher, un ressenti à avoir par rapport à nos pièces. C’est un vrai régal de pouvoir bosser sur ces machines à la pointe de la technologie. »
Publié par Thierry PECHINOT le 07 décembre 2021 dans L’Est-éclair
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