« Les productions qui ne sont pas de premières nécessités paient, en premier, la baisse du pouvoir d’achat des ménages ». Le constat d’Aurélie Sence, animatrice de l’association pour la diversification de l’agriculture, est clair. Le contexte économique avec l’inflation n’est pas favorable au circuit court comme pour le bio. Ainsi, des producteurs haut-marnais mettent fin à leur activité ou la ralentissent fortement.

Maude Fougerolle est l’une des trois associées du groupement « Ô Palais des Fées » à Varennes-sur-Amance. Depuis 2014, elle cultive et cueille des plantes aromatiques et médicinales qui entrent dans la confection de tisanes, condiments aux plantes, biscuits…

« Ô Palais des Fées » alternaient entre cueillette sauvage et cueillette sur champ.

Détérioration des ventes

Elle l’avoue. Elle ne s’attendait pas à la détérioration des ventes aussi radicale alors que tout fonctionnait très bien grâce au réseau de 25 boutiques et qu’elle avait prévu de développer de nouveaux produits.

Elle s’explique : « durant la période Covid, les producteurs locaux ont bien travaillé. Les consommateurs se sont tournés vers eux et les commandes ont augmenté pour tout ce qui est produits alimentaires. Mais, très rapidement, ils ont repris leurs habitudes alors que nous pensions en garder une partie  ».

Maude Fougerolle situe précisément le retournement de situation à la guerre en Ukraine. « Les peurs sont entrées dans les ménages et, en plus, ils doivent gérer la hausse des coûts de l’énergie. Ils ont baissé leur consommation et se concentrent sur les produits de première nécessité ». Elle raconte que l’été 2022 n’a rien changé à cette tendance.

Eviter la galère absolue

Les filles d’« Ô Palais des Fées » ont ainsi préféré cesser leur activité avant d’être « en galère absolue ». Elles n’ont pas voulu s’endetter. En fait, Maude Fougerolle continue sa production mais plus sous la même forme. Elle a pris un temps partiel et, aujourd’hui, ses sentiments sont ambivalents, entre tristesse, déception et volonté de rebondir. Ce métier passion lui colle à la peau pour «  faire du bien aux gens » et elle l’assure : « comme les roseaux, elle plie mais ne rompt pas ».

Céline Dechaux réduit a minima son activité pour limiter les coûts. Elle a supprimé le séchage.

Dans le même bateau, Céline Dechaux s’était installé en 2016 en créant « Essencialis  » à Fays. Elle cultive des plantes médicinales pour la production d’huiles essentielles et d’eaux florales qui est commercialisée à 85 % en vente directe.

Elle confirme une année 2022 compliquée en termes de vente du fait du contexte économique avec une perte, de janvier à août, de 60 % de son chiffre d’affaires. « Les consommateurs sont allés à l’essentiel et comme ma situation financière était déjà compliquée, j’ai pris le taureau par les cornes  ».

Céline Dechaux travaille désormais chez une viticultrice en conversion bio dans l’Aube mais elle prévient : « j’arrête la vente directe mais pas la production et la distillation le plus longtemps possible. Je continue à approvisionner les magasins  ». L’idée, pour elle, est de diminuer les charges qui ont explosé alors qu’elle ne se résout pas à augmenter les prix. Elle pense à arrêter le séchage des plantes qui demande beaucoup d’électricité devenue trop chère et surtout, elle souhaite gérer le problème des contenants dont le prix à augmenter de 45 %.

En fait, elle a prévu de ne plus en acheter mais de récupérer les anciens, de les nettoyer et de les réutiliser. Elle veut fonctionner en circuit fermé et ne plus être dépendante des fluctuations des marchés. Pour les mêmes raisons, le reste des huiles sera vendu en demi-gros pour éviter l’embouteillage.

Céline Dechaux conclut : « il faut désormais tout réinventer ». Elle n’exclut pas de rejoindre un groupement pour un travail en commun et mutualiser les énergies.

Frédéric Thévenin

f.thevenin@jhm.fr

Avoir les pâtes coupées

A Cusey, Samuel Zunino est à la tête du « Champ des Mille Pâtes » depuis 2019. En tant qu’artisan, il a développé une gamme de pâtes grâce à un partenariat avec Jean-Michel Rabiet, producteur de céréales bio.

Exclusivement en circuit court, il dit avoir bien vécu « commercialement  » les deux confinements liés au Covid. Mais, très vite, il s’est rendu compte que les consommateurs reprenaient leurs habitudes et retournaient en grande surface. Une raison à cela : « le panier moyen qui a baissé. Tout le monde se sert la ceinture. Même si on a la volonté de manger sain et local, c’est de plus en plus difficile pour eux en dépit d’un salaire convenable  ».

Dans le même temps, Samuel Zunino a assisté à l’augmentation de 30 % du coût des emballages. Or, il ne voulait pas vendre son kilo de pâte 15 € et a donc préféré arrêter les frais alors qu’il travaillait déjà en parallèle.

Aujourd’hui, il dit avoir mal au cœur d’avoir quitté une belle aventure comme celle-ci d’autant plus que la tradition des pâtes vient de sa grand-mère.

Publié par Frédéric Thévenin le vendredi 20 janvier 2023 dans le JHM n° 10366 (Journal de la Haute-Marne) en page 8. http://www.jhm.fr

Samuel Zunino, du « Champ des Mille Pâtes », à Cusey, proposait huit sortes de pâtes semi-complètes et bio depuis 2019. Le blé était produit à Percey-sous-Montormentier, soit à 5 km du lieu de fabrication. L’année d’après, il a également développé des pailles écologiques à base de pâtes. « Il s’agit exactement de la même recette et elles tiennent environ deux heures dans un verre. Ensuite on peut les manger ou les composter.  »

Grâce au 58e Salon international de l’agriculture, du 26 février au 6 mars 2022, le jeune homme avait pu nouer à la Porte de Versailles (Paris) quelques contacts avec des distributeurs pour que ses pâtes soient vendues en dehors du département de Haute-Marne. « Les principaux clients des pailles sont des bars ou des restaurants », affirme-t-il. Il s’agissait de son deuxième Salon, sachant que celui de 2020 avait été écourté du fait de la crise sanitaire. « Il y a beaucoup de visiteurs qui souhaitent des renseignements sur nous et sur le département. On noue aussi de très bons contacts avec les autre producteurs et artisans qu’on ne fait que croiser le reste de l’année. On resserre les liens ! »

Samuel Zunino, du « Champ des Mille Pâtes », à Cusey, proposait huit sortes de pâtes semi-complètes et bio depuis 2019.

Publié par Laura Spaeter le jeudi 03 mars 2022 dans le JHM (Journal de la Haute-Marne) . http://www.jhm.fr

Pour en savoir plus :

– Inès Jannot ouvre son nouveau chapitre le 2 mai 2019 à Langres
– Camille Douay, fondatrice de Absoluthé, a remporté le 1er Prix du concours de pitch #PlugAndStart le 14 juin 2019 à Troyes !
– « Ces jeunes qui sont l’avenir de la ruralité », 7 ème forum des solutions, à Aignay-le-Duc le 22 novembre 2019
– L’Herberie de la Tille a une nouvelle patronne le 05 septembre 2020
– Jardin bio de la Régie Rurale du Plateau de Vaillant le 10 février 2021.
– Les bonnes tisanes de Lina Zupancic le 28 février 2021
– À Villemervry, Elsa Gautherot cultive son jardin le 08 août 2021
– Théo Caviezel et Johann Legrand : « Le Tour du monde de la Haute-Marne » le 21 mars 2022
– Bon début de saison pour les apiculteurs le 09 juin 2022
– Les circuits courts victimes du retour à l’essentiel le 20 janvier 2023