«  Lavau, un nouveau Vix », titrait notre quotidien il y a cinq ans !

Qualifié quasiment de « découverte du siècle », et avec certitude de « découverte d’intérêt européen », par Dominique Garcia, nouveau président de l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives), le complexe princier dévoilé il y a cinq ans marque résolument les esprits.

Le 4 mars 2015, Bastien Dubuis révèle au monde le site de la tombe princière et le complexe funéraire du Moutot. Le « chaînon manquant », entre les deux Âge du Fer, le Hallstatt et La Tène. - (Ludovic Petiot)

La découverte a lieu dans un secteur densément occupé par un tissu commercial et artisanal irrigué par un lacis de routes.

Deux hectares vierges d’une zone régulièrement saturée de milliers de visiteurs des magasins d’usines…

La structure du complexe du Moutot : l’espace des ancêtres au nord-est, un quadrilatère fossoyé de 100m sur 50, et l’espace princier au sud-est, une aire régulière de 50m ( D.GLIKSMAN)

L’intuition d’une richesse à protéger

À la fin des années soixante, considérant son potentiel archéologique, l’archéologue troyen Jean Bienaimé obtient le gel de la parcelle du Moutot, préservant le site jusqu’à des jours meilleurs.

C’est-à-dire l’invention de l’archéologie préventive (2002). La mise en place des directions régionales de l’archéologie (SRA, service de la DRAC). La création de l’Inrap, Institut national de recherches archéologiques préventives.

Quand la commune de Lavau envisage de viabiliser la parcelle, un diagnostic est prescrit par le SRA qui met en évidence la richesse des « archives du sol  ». L’Inrap est retenue pour assurer la fouille à une époque où elle est en concurrence avec des opérateurs privés. Un jeune archéologue encore inconnu mais dont l’Inrap connaît les grandes qualités est assigné à la conduite des opérations, Bastien Dubuis.

L’équipe de fouille : David Josset, Emilie Milet, Bastien Dubuis, Renaud Bernardet et Céline Villeneuve.

Plus qu’une tombe, une nécropole…

À bien des égards, Lavau marque une ère nouvelle. Le 4 mars 2015, le site révèle un mobilier remarquable centré autour du rituel du banquet grec. Un rituel qui marque l’inféodation d’un peuple à son prince. C’est l’ensemble le plus complet jamais découvert et l’un des plus somptueux avec cet immense chaudron de bronze et cette œnochoé attique du Ve siècle avant notre ère. Elle a été rehaussée par les artisans celtes d’un pied et d’une lèvre au décor de filigranes d’or. C’est aussi l’ensemble mobilier celte qui compte le plus d’objets d’argent, métal plus apprécié encore que l’or.

Lavau est « l’ultime manifestation du phénomène princier », selon Dominique Garcia, président de l’Inrap.

Le cercle des premières découvertes est éloquent. La chambre funéraire dévoile encore les deux roues d’un char et, sur la caisse démontée, le corps du prince. En mars 2015, il est encore enfoui et sera exhumé quelques semaines plus tard…

Si la tombe de Lavau est inviolée, riche, intacte en élévation, l’environnement est plus remarquable encore.

La tombe du prince est au cœur d’un dispositif complexe – une architecture monumentale remarquablement structurée – qui organise des tombes dont les plus anciennes sont antérieures d’un millénaire !

La structure (un hectare) est organisée en deux enclos fossoyés quadrangulaires accolés. Elle est si vaste qu’elle pourrait contenir tout entière la cathédrale de Troyes qu’on aperçoit au loin, remarque alors l’archéologue. Le plus petit des enclos contient la tombe princière et celles de personnages qu’on suppose ses plus proches. La plus vaste renferme un ensemble de tombes de l’Âge du Bronze, remodelé pour ménager deux tumulus monumentaux.

La certitude s’impose très vite qu’il s’agit d’un Hérôon. Un ensemble funéraire célébrant un personnage illustre. Un complexe qui rassemble la parentèle réelle ou supposée du prince. Le tumulus monumental (40 m de diamètre pour au moins 6 de haut) est érigé sur un épaulement qui domine la Seine, il est de la blancheur éclatante de la craie, donc visible et immédiatement évocateur pour les populations alentour.

On est ici, à Lavau, aux limites du temps et de l’espace celte. À la frontière occidentale extrême de l’aire de la civilisation princière qui se développe au Hallstatt (1er Âge du Fer - 800 - 450 avant notre ère). Et à l’extrême fin de cette civilisation qui partout s’effondre. C’est « l’ultime manifestation du phénomène princier  », selon la formule de Dominique Garcia.

L’Europe du Nord et le monde méditerranéen à la fin du 1er Âge du Fer. Le monde Celte face à l’Etrurie, la Grande Grèce et la Grèce.

La découverte place Lavau au cœur d’une première économie monde. C’est un relais commercial entre l’Europe du Nord et la Méditerranée dont le prince a capté la richesse. Le témoin aussi du passage du Hallstatt à La Tène, le 2e Âge du Fer. Le chaînon manquant d’une histoire que l’archéologie n’en finit pas de renouveler depuis 30 ans.

Sous l’œil d’Aglaé.

1) Sous l’œil d’Aglaé

Sans conteste, Lavau a suscité des procédures nouvelles. Le ministère de la Culture a pris la décision - inédite - de confier sans délai l’ensemble du mobilier et des prélèvements au Centre d’études et de recherches des Musées de France. Le C2RMF a pu analyser un mobilier «  brut de fouille », exempt de toute pollution. De son côté, l’Inrap a fait la preuve de l’efficacité de sa méthodologie et de ses compétences. On a rapidement découvert que le chaudron contenait du vin rouge ; l’extraordinaire virtuosité des artisans grecs, étrusques et celtes ; le détail des vêtements du prince et la présence de lyre à ses côtés. Dernière découverte après examen des bandes de roulement : le char princier n’est pas une pièce d’apparat et il a été utilisé. C’est déjà l’esquisse d’un portrait !

2) Lavau rebondit à Vix

Du 19 août au 19 novembre 2019, la reprise de la fouille du tumulus de la Dame de Vix.

Du 19 août au 19 novembre 2019, la reprise de la fouille du tumulus de la Dame de Vix a été confiée à Bastien Dubuis et à une équipe d’une dizaine d’archéologues. Depuis 2001, le PCR (projet collectif de recherche) «  Vix et son environnement » engage des fouilles chaque année sur la butte de Vix et son versant vers la Seine. En 1953, le tumulus avait été quasiment ignoré. C’est la première fois que le site est rouvert pour une nouvelle fouille. Objectif, « redonner un contexte, un environnement, une histoire à la découverte de Vix... » L’opération, qui associe l’Inrap, le CNRS, l’Université de Bourgogne (Laboratoire ArtéHis) et la DRAC, a fait appel aux technologies les plus récentes. Lidar, relevés géophysique, imagerie satellitaire, photogrammétrie (relevé 3 D du site).

3) De la fouille à l’exposition

L’exposition ArkéAube (2018-2019)

L’exposition ArkéAube (2018-2019), coproduction du conseil départemental et de l’Inrap, était actée avant la découverte. Ses organisateurs ont su faire du site funéraire de Lavau le point d’orgue et le final de ce parcours. En avant-première et pendant deux ans, l’exposition a pu montrer des pièces majeures de la tombe princière, exceptionnellement sorties des laboratoires du C2RMF. Torque et bracelets d’or, œnochoé étrusque de bronze, cuillère à puiser les impuretés du vin provenant d’Orient, garde du poignard, travail purement celte et virtuose, pied d’argent d’une coupe à boire. Le colloque scientifique, qui s’est tenu dans la foulée, a éclairé le contexte de Lavau, l’avant et l’après d’un axe essentiel : la vallée de la Seine.

Publié par J.-M. VAN HOUTTE le 22 mars 2020 sur https://abonne.lest-eclair.fr

LegendesCartographie @LegendesCarto · 09 decembre 2022
A la veille de la conquête de la Gaule par César, les territoires occupés par les Gaulois (qui sont des Celtes), sont connectés depuis plusieurs siècles aux grandes routes commerciales méditerranéennes. Les cités gauloises sont alors regroupées en confédérations.

Pour en savoir plus :

– Histoire des Celtes : qui sont-ils ? quand sont-ils arrivés en Gaule ?
– Les derniers secrets du vase de Vix
– Cinétech n°34 : « L’énigme de la tombe celte » le 10 octobre 2018 à Nogent (52)
– Un cinétech n°34 au temps des Celtes le 10 octobre 2018
– Il y a 2 700 ans, les Celtes buvaient du vin et de la bière le 15 aôut 2019
– L’énigmatique et fastueuse tombe du prince de Lavau à Troyes exposée jusqu’au 29 septembre 2019.
– Nécropole princière de Lavau : le chaînon manquant de l’histoire des Celtes le 22 mars 2020
– Trésor de Lavau et Stéphane Bern : le rêve de David Ricco se réalise le 14 mai 2022