Pourquoi les femmes sont-elles plus petites que les hommes ?

, par Christophe Juppin

Même chez les Européens du nord, qui sont actuellement les plus grands du monde, la femme est dominée d’une quinzaine de centimètres en moyenne. Si le plus grand animal sur Terre (la baleine bleue) est une femelle, pourquoi les hommes sont-ils plus grands que les femmes ? Mais peut-être que la question est mal posée. Peut-être faudrait-il se demander : "pourquoi les femmes sont-elles plus petites que les hommes ?".

Le dimorphisme sexuel de taille

Il est vrai que les femmes sont attirées par les hommes de grande taille. On constate donc souvent une différence plus ou moins importante dans un couple. Seulement, pourquoi « les hommes sont généralement plus grands que les femmes ? »

En France, la taille moyenne d’une femme est de 1,63 mètre alors qu’elle est d’1,75 mètre pour un homme selon l’Insee.

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Projection le lundi 27 avril 2015 suivie d’un échange en présence de Véronique Kleiner, réalisatrice et Laurent Heyberger, Maître de conférences en Histoire contemporaine à l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliard
Publié par l’Université de Lorraine le lundi 27 avril 2015 sur https://factuel.univ-lorraine.fr

Alors que l’on rend hommage aujourd’hui à l’anthropologue Françoise Héritier qui s’est particulièrement intéressée à la question des inégalités entre les sexes ; une de ses élèves, Priscille Touraille, dont elle a dirigé la thèse en 2005, a étudié ce que les scientifiques appellent « le dimorphisme sexuel de taille », autrement dit l’écart de taille entre les femmes et les hommes.

Et comment explique t-on le fait que les hommes soient plus grands chez les femmes ?
Et bien dans son travail intitulé «  hommes grands, femmes petites, une évolution coûteuse  » Priscille Touraille suggère que la différence morphologique de taille entre les hommes et les femmes n’est pas seulement un résultat de la sélection naturelle mais aussi le résultat d’une sélection sociale liée à l’accès à la nourriture.

Depuis des temps très anciens, les produits protéinés comme la viande ou les graisses font l’objet d’une compétition entre les sexes et ce sont les hommes qui les consomment en priorité au détriment des femmes. Des protéines qui jouent pourtant un rôle très important dans la croissance, la grossesse et l’allaitement.

Or selon Priscille Touraille, en subissant des limitations nutritionnelles plus sévères que les hommes, ces inégalités alimentaires ont produit sur le long terme, une mortalité plus importante chez les femmes de grande taille. Un phénomène qui expliquerait pourquoi les gènes des femmes de grandes tailles ne l’ont pas emporté dans l’histoire d’Homo Sapiens.

Et cette inégalité alimentaire on la retrouve dans de nombreuses cultures ?

Oui et ce monopole des hommes pour l’acquisition des aliments à haute valeur nutritive est malheureusement terriblement banale. Françoise Héritier racontait qu’au Burkina, un de ses terrains d’étude, les petits garçons étaient toujours servis en premier, les mères n’hésitant pas à obliger les filles à attendre.

Mais regardez aussi en France. Pendant longtemps dans certaines régions, les femmes ne mangeaient pas à table avec le chef de famille ; elles faisaient plutôt des allers-retour aux fourneaux et mangeaient ce qui restait.

Et même si aujourd’hui, dans les pays occidentaux, les enfants des deux sexes ont accès à la même nourriture ; les inégalités alimentaires perdurent avec des femmes qui à l’échelle du globe, souffrent deux fois plus de malnutrition que les hommes. Et ces discriminations qui se répètent depuis des millénaires, se sont inscrites dans notre génome au point de creuser cet écart de taille entre les deux sexes.
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Publié le Jeudi 16 novembre 2017 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/

Car si l’on observe l’espèce humaine, les hommes sont en moyenne toujours plus grands que les femmes : de 6 à 18 cm. Pourtant, le monde vivant nous montre que les mâles ne sont pas automatiquement plus grands que les femelles. C’est même le contraire dans la majorité des espèces. Et chez le plus grand animal vivant sur terre, la baleine bleue, la femelle dépasse toujours le mâle.

Un documentaire diffusé sur Arte vendredi 24 janvier 2014 s’efforce de répondre à cette question durant 52 minutes passionnantes qui nous entraînent dans une histoire d’évolution, à la découverte d’un phénomène que les scientifiques appellent "dimorphisme sexuel de taille".

52’/France/2013/Point du jour/Arte France, CNRS Images, PICTA, CNDP

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La réalisatrice Véronique Kleiner a mené l’enquête auprès d’une quinzaine d’experts.

La réalisatrice Véronique Kleiner a mené l’enquête auprès d’une quinzaine d’experts, dont plusieurs chercheurs du CNRS, invoquant la médecine, l’histoire, la biologie, la zoologie, l’anthropologie, la sociologie, l’ethnologie... Une question en entraînant une autre, le film explore les pistes, faisant tomber au passage quelques clichés.

L’historien Laurent Heyberger, qui étudie la stature des populations, explique que la taille des humains évolue par cycles. Quand la stature d’une population diminue, ce sont les femmes qui rapetissent les premières. A l’inverse, lorsque la taille repart à la hausse, les hommes sont les premiers à gagner de la stature.

Une inégalité imposée depuis des millénaires

Le pédiatre endocrinologue Jean-Claude Carel montre de son côté que les garçons grandissent plus longtemps que les filles. Ces différences de croissance sont "une observation", objecte le paléoanthropologue Michael Plavcan, "pas une explication". Et voilà Véronique Kleiner repartie en quête d’une réponse dans l’histoire évolutive des espèces.

La différence de taille entre l’homme et la femme remonterait-elle à un passé de "compétition" entre mâles, ou serait-elle liée à un autre type de sélection naturelle, comme la préférence des femelles pour les hommes de grande taille ?

Le sociologue Nicolas Herpin, 1,66 m, nous apprend que "la taille idéale" pour un homme est d’1,82 m, mais on ne sait toujours pas pourquoi les femmes sont plus petites que les hommes. Le documentaire démontre même que cette inégalité physique va à l’encontre de la logique obstétrique : les femmes auraient dû grandir au fil du temps, puisque ce sont elles qui doivent mettre au monde des bébés dotés d’un gros cerveau...

Véronique Kleiner va puiser dans les rapports à l’alimentation une tout autre histoire, celle d’"une domination qu’on ne remarque pas tellement elle va de soi. Nos corps seraient ainsi l’expression concrète d’une inégalité imposée depuis des millénaires"... et que rien ne justifie, conclut Véronique Kleiner.

Publié par Sciences et Avenir avec AFP le 27 janvier 2014 dans https://www.sciencesetavenir.fr/

« Pourquoi les femmes sont-elles plus petites que les hommes ? » de Véronique Klein, (Fr., 2013, 55 min). Arte France, Point du Jour, Picta Productions, CNRS images, CNDP.


Pour en savoir plus :

 Pourquoi les femmes sont-elles plus petites que les hommes ? le 27 janvier 2014
 Chloé Lerin, étudiante de l’UTT Nogent nominée au prix académique le 21 novembre 2015
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