"Aucun parti n’ose dire qu’il faut prolonger le nucléaire" On n’a pas trouvé mieux que le nucléaire pour produire de l’électricité sans trop polluer

, par Christophe Juppin

Christophe De Beukelaer est député bruxellois. Il pilote la réflexion du CDH sur la thématique énergie/climat. Selon lui, une prolongation de deux ou trois réacteurs nucléaires est indispensable. Il demande à Marie-Christine Marghem d’avancer sur le système de soutien à de nouvelles capacités. "Aucun parti n’ose dire qu’il faut prolonger le nucléaire. [...] En tant que pragmatique, je suis favorable à la solution la moins carbonée"

Christophe De Beukelaer est député bruxellois. Il pilote la réflexion du parti politique belge CDH (Centre démocrate humaniste) sur la thématique énergie/climat dans le cadre de la refonte du parti. L’ancien échevin de Woluwe-Saint-Pierre souhaite tirer la sonnette d’alarme au sujet de notre politique énergétique.

Selon lui, on risque de se retrouver face à un gros problème d’approvisionnement en électricité à l’horizon 2025. Une prolongation de deux ou trois réacteurs nucléaires est indispensable. Il demande à la Ministre de l’Énergie du Gouvernement fédéral Belge Marie-Christine Marghem d’avancer sur le système de soutien à de nouvelles capacités.

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Christophe De Beukelaer est député bruxellois.

Pourquoi souhaitez-vous intervenir dans le débat ?

Christophe De Beukelaer Si le monde politique ne prend pas les bonnes décisions clairement et rapidement, nous allons nous retrouver face à un gros problème d’approvisionnement ou de coût de l’électricité. À cet égard, Marie-Christine Marghem porte une lourde responsabilité. Cela fait un bon moment qu’on attend qu’elle bouge au niveau du CRM ou "Mécanisme de rémunération de la capacité" (NdlR : le mécanisme de soutien à de nouvelles capacités de production d’électricité). Or, on a l’impression qu’elle fait traîner les choses depuis deux ans. Elle a d’abord affirmé qu’elle attendait le retour de la Commission européenne. On sait pourtant depuis le début que l’Europe veut savoir comment sera financé le CRM avant de le valider. Étant donné la durée potentielle des enquêtes de la Commission européenne, il faut prendre une décision maintenant sur le financement du CRM. Quand je dis maintenant, c’est au mois de juin. On ne peut plus laisser passer l’été et faire comme s’il n’y avait pas de problème.

Un gouvernement minoritaire peut-il prendre une décision dont le coût est estimé à plusieurs milliards d’euros sur quinze ans ?

Marie-Christine Marghem affirme que c’est au prochain gouvernement de décider, mais on ne peut pas attendre. Nous demandons donc que les ministres de l’Énergie des trois Régions et du fédéral se rassemblent et essayent de dessiner une solution sur ce CRM. Il faut arrêter de dire que c’est un dossier uniquement fédéral. Le CRM va avoir un impact majeur sur les Régions, qui sont responsables des énergies renouvelables et du développement des compteurs intelligents. Je suis étonné que les ministres régionaux ne se mobilisent pas davantage sur ce CRM. 

En quoi sont-ils concernés ?

Christophe De Beukelaer : Le problème de l’approvisionnement en électricité se pose durant les pics de consommation, principalement en soirée. Comme lors de la crise du coronavirus, il faut aplatir la courbe de la demande pour éviter des énormes pics de consommation. Pour ce faire, il faut installer des compteurs intelligents qui permettent d’introduire des prix différenciés de l’électricité : plus chers au moment des pics, et moins chers quand la demande est faible. Selon nos calculs, cela coûterait 160 millions d’euros par an pour équiper tous les ménages et entreprises belges en compteurs intelligents. Mais en contrepartie, cela permettrait de diminuer le coût du CRM. Il faut donc que les Régions installent des compteurs intelligents. En outre, si une stratégie intelligente est mise en place autour du CRM, on pourrait diminuer son coût et ainsi dégager des moyens pour les compteurs intelligents.

Mais cela signifierait des transferts de budgets du fédéral vers les Régions…

Christophe De Beukelaer : Il faut encore décider comment concevoir ces transferts. Mais j’espère qu’après les manquements vécus dans la gestion du coronavirus, on va aller vers un fédéralisme qui fonctionne.

Comment comptez-vous diminuer le coût du CRM et ainsi dégager des moyens pour les compteurs intelligents ?

Alors que le coût attendu d’un CRM de grande dimension est de 1 milliard d’euros par an, il pourrait descendre à 500 millions d’euros si on prolonge deux réacteurs nucléaires au-delà de 2025.

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Christophe De Beukelaer : "Aucun parti n’ose dire qu’il faut prolonger le nucléaire. [...] En tant que pragmatique, je suis favorable à la solution la moins carbonée"

Vous êtes favorable à une prolongation du nucléaire ?

Christophe De Beukelaer : En tant que pragmatique, je suis favorable à la solution la moins carbonée, la plus sûre et la moins coûteuse. Je pense donc qu’il serait raisonnable de prolonger de dix à quinze ans deux ou trois réacteurs nucléaires. Le péché originel dans ce dossier est que la loi de sortie de 2003 ne prévoyait pas d’alternatives. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation où plus personne ne croit qu’on pourra fermer les sept centrales nucléaires en 2025. Moyennant certains investissements, une prolongation pourrait se faire en toute sécurité. Le problème du nucléaire ces dernières années a été sa fiabilité, pas sa sécurité.

C’est la position officielle du CDH ?

Christophe De Beukelaer : J’essaye de faire comprendre ça à mes collègues, mais il n’y a pas de position officielle du parti là-dessus. Mais nous n’avons pas le choix, nous sommes devant le fait accompli. Tous les partis le savent, mais personne n’ose le dire de peur de recevoir le valet noir. Il faut pourtant assumer cela dès maintenant. Plus on attend, plus on risque de se retrouver en position de faiblesse face à l’exploitant des centrales. Si on n’avance pas sur le CRM, il n’y aura pas d’alternative à la prolongation du nucléaire et l’exploitant pourra dicter ses conditions. C’est pour cela qu’il faut avancer sur le CRM immédiatement, tout en décidant d’une prolongation du nucléaire. Ceci dit, il faut également accélérer le développement des énergies renouvelables et fermer les premières centrales pour donner le signal que la Belgique va dans cette direction à moyen terme."

(par Jean-Noël Geist)

Publié par Laurent Lambrecht le lundi 08 juin 2020 sur https://www.lalibre.be/

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France Inter @franceinter · 28 juin 2020
Hubert Védrine : "Le meilleur exemple de manque de courage, c’est de ne pas avoir dit depuis 20 ou 30 ans que l’on ne peut pas se passer du nucléaire pour le moment (…) D’avoir raconté qu’on pouvait se passer du nucléaire sans relancer le charbon, donc le CO2." #QuestionsPol
https://twitter.com/i/status/1277190845909872641
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Marianne @MarianneleMag · 29 juin 2020
Fessenheim​ va fermer dans la nuit de ce lundi 29 juin 2020. L’argument invoqué ? L’écologie.
Une "imposture" pour Jean-Marc Jancovici : nous republions un entretien dans lequel il expliquait pourquoi l’énergie nucléaire est la plus respectueuse de l’environnement.
https://www.marianne.net/politique/jean-marc-jancovici-fermer-fessenheim-au-nom-du-climat-l-imposture-du-gouvernement?utm_medium=Social&utm_source=Twitter#Echobox=1593421195

Pour en savoir plus :

 Conférence de Jean-Marc Jancovici pour l’ADEME Ile de France le 13 avril 2018
 "Décarboner l’économie c’est un projet extrêmement noble" Jean-Marc Jancovici le 27 novembre 2018
 « On n’a pas trouvé mieux que le nucléaire pour produire de l’électricité sans trop polluer »
 Remise du Rapport 2019 du Haut Conseil pour le Climat le 26 juin 2019
 La révolution énergétique allemande dans l’impasse en décembre 2019
 Climat, nucléaire, homéopathie… Pourquoi nous maltraitons la science
 Jean-Marc Jancovici : « L’Allemagne est le contre-exemple absolu en matière de transition énergétique »
 Selon une étude allemande, les voitures électriques polluent plus qu’une voiture diesel : leur empreinte carbone pourrait être 28% supérieure
 Jean-Marc Jancovici évoque la décennie 2020 : "Pour résoudre le problème écologique, il faudra baisser notre pouvoir d’achat
 L’électricité sur des charbons ardents en janvier 2020
 Jean-Marc Jancovici : "Fermer une centrale nucléaire au nom du climat : l’imposture du gouvernement le 22 février 2020."
 Jean-Marc Jancovici : « Le temps du monde fini commence » le 24 février 2020.
 Covid-19 : Sortie de crise : et le nucléaire le 10 avril 2020 ?
 En pleine crise, l’exécutif entérine sa volonté de réduire le nucléaire dans la production d’électricité le 23 avril 2020
 « La fermeture anticipée de 14 réacteurs nucléaires est un non-sens total »le 23 avril 2020
 Jancovici : "On peut réindustrialiser la France dans une économie décarbonée"le 31 mai 2020
 Christophe De Beukelaer : "Aucun parti n’ose dire qu’il faut prolonger le nucléaire" le 08 juin 2020