La grande résistance de la forêt française en septembre 2016 Forêt et changement climatique, tout s’accélére !

, par Christophe Juppin

Le réchauffement climatique, avec son cortège de sécheresses et de tempêtes plus intenses et/ou plus fréquentes, et d’attaques de bioagresseurs (insectes, champignons, bactéries…), va fortement affecter nos forêts métropolitaines dans le futur. Face au réchauffement climatique, la forêt semble dotée d’une grande capacité d’adaptation. Forestiers, propriétaires et chercheurs mettent les bouchées doubles pour parer à la menace.

Le futur pour les forestiers, c’est demain.

Des forêts qui sont assez hétérogènes et adaptées à des climats variés, des sols et des gestions légèrement différents puisqu’on distingue des forêts tempérées (bordure maritime), continentale (centre et est), méditerranéenne (Occitanie, Paca et Corse) et montagnarde (Vosges, Jura, Massif central, Pyrénées et Alpes). Le futur pour les forestiers, c’est demain. En effet, en moyenne, il faut cinquante ans pour produire un conifère (pin, épicéa, douglas), cent ans pour faire pousser un érable, un noyer ou un châtaignier, et cent cinquante ans pour récolter un chêne ou un hêtre.

Au cours des temps, la forêt s’est déjà adaptée aux changements climatiques. « Ainsi, au terme de la dernière glaciation (entre – 100 000 et – 10 000 ans), les chênes ont recolonisé la France en 2 000 ans et la Suède en 6 000 ans », rappelle Patrick Pastuszka, ingénieur Inra à l’unité expérimentale de la forêt de Pierroton à Cestas (Gironde). « Mais cette fois, les événements vont vite », alerte le chercheur. Certaines espèces – comme le chêne pédonculé, l’épicéa ou le sapin – peinent à se remettre des sécheresses successives, comme celles qui ont frappé la France en août 2003 et en juillet 2006, deux canicules mémorables.

Les forêts mélangées moins impactées que les monocultures

Face à la sécheresse, chercheurs et propriétaires forestiers travaillent depuis les années 1980 à mettre au point des parades. En gros, celles-ci portent d’une part sur la sélection génétique des plants (genres, espèces, variétés ou même, au sein d’une même variété, des « phénotypes » différents), d’autre part sur le type de sylviculture (forêt de production intensive ou extensive, forêt de conservation, biodiversité) et également sur les soins apportés au sol.

Ainsi par exemple, en Europe tempérée (France, Belgique, Allemagne) ou du Sud (France, Italie, Espagne), les forêts mélangées, régulièrement confrontées à des épisodes de sécheresse, sont moins impactées que les monocultures. « Il semble qu’il se produise des interactions positives entre les espèces, notamment pour l’accès aux ressources hydriques, pour l’acquisition des éléments nutritifs contenus dans le sol et l’accès à la lumière, explique Hendrik Davi de l’Inra d’Avignon. Mais restons prudents, car la forêt mélangée semble être une solution intéressante uniquement dans les régions ayant déjà connu des épisodes de sécheresse réguliers  », insiste le chercheur.

Le cèdre du Liban remplacera le hêtre

Dans le même registre, l’actuel climat méditerranéen risquant de s’étendre jusqu’au sud de la Loire en 2100, certaines espèces comme le hêtre peineront à s’adapter et doivent donc être remplacées par d’autres comme le cèdre du Liban au bois de qualité, imputrescible et à croissance relativement rapide. « À condition toutefois que le sol soit caillouteux et fissuré et non pas compact et argilomarneux, pour que ses racines puissent puiser l’eau en profondeur », remarque François Courbet, de l’Inra d’Avignon. Déjà, le cèdre peut prospérer à côté du chêne pubescent, de l’Aquitaine, Poitou-Charentes à la Bourgogne et aux Alpes du Sud en passant par le Massif central et le couloir rhodanien.

Dans le même ordre d’idées, les ingénieurs de l’ONF étant prévoyants, ils ont dès les années 1960-1970 installé des « arboretums écologiques » comme ceux d’Amance près de Nancy ou d’Antibes où ils ont planté quantité d’espèces d’arbres, parfois originaires de régions très éloignées. « Certains ont montré une résistance stupéfiante, se réjouit Catherine Ducatillion, de l’Inra d’Antibes. Ainsi des arbres plantés à la fois en Normandie, en montagne et en pays méditerranéen se sont révélés capables de résister aussi bien aux sécheresses répétitives qu’aux gelées tardives qui détruisent les bourgeons et bloquent la croissance des rameaux  », poursuit-elle.

Les attaques des bioagresseurs, une forte menace

« À la différence des plantes cultivées ou des populations humaines, les arbres possèdent une formidable diversité génétique  », rappelle Catherine Bastien, de l’Inra d’Orléans. «  Elle est quatre fois plus importante que la biodiversité de l’humanité, et cela est dû à leur très longue histoire évolutive. » Ainsi, en est-il pour les chênes sessiles et pédonculés qui, à eux seuls, représentent près d’un quart de la superficie forestière française et 11 % du bois récolté.

Après chaque sécheresse extrême, certaines populations ont montré des signes de dépérissement. « Mais le plus étonnant, c’est qu’au sein d’une même population les arbres ne réagissent pas tous de la même manière au stress hydrique, observe Catherine Bastien. Certains dépérissent quand d’autres survivent en limitant la transpiration de leurs feuilles, sans pour autant stopper leur croissance. » Une aptitude que les chercheurs doivent toutefois encore caractériser précisément en isolant les gènes d’optimisation d’utilisation de l’eau.

Comment sera la forêt du futur ?

Les attaques des bioagresseurs, en relation avec le réchauffement, constituent aussi une forte menace pour la forêt. La chenille processionnaire du pin conquiert le nord de la France et est aux portes de Paris, à Orléans, tandis que l’ONF vient de fermer au public l’accès à cinq forêts du Nord-Pas-de-Calais pour risque de chute de branches de frênes infectés par la chalarose, une maladie fongique entraînant leur mort en quelques années, et non traitable à ce jour. En Moselle, en revanche, la grande forêt de chênes de Languimberg (8 000 hectares), régulièrement touchée depuis 2002 par la chenille processionnaire du chêne, est en bonne voie sinon de guérison, du moins de contrôle de la population de ce papillon très urticant, au point que les agents de l’ONF doivent travailler en combinaison d’astronautes !

« Avec l’ONF, nous avons traité la forêt par la lutte biologique en larguant par hélicoptère Bacillus thuringiensis qui a pour effet d’infecter les chenilles et de les tuer  », explique Nathalie Breda, Directrice de recherche à l’INRA Champenoux a coté de Nancy. Il semble que cela ait réussi, mais la lutte biologique n’a pas pour vocation à être généralisée. Avec l’impact croissant du réchauffement climatique, la forêt métropolitaine va devoir faire appel à des variétés rustiques et de qualité, nécessitant moins d’intrants et consommant moins d’eau. « Une agroforesterie plus écologique qui devrait entraîner une légère baisse de rendement en bois (de l’ordre de 10 %), mais une forêt durable  », estime Nathalie Brida. Un message à la fois réaliste et optimiste.

Publié par Denis Sergent, le 13 septembre 2016 dans https://www.la-croix.com

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JBingold @JBingold · 29 juillet 2022
#changementClimatique #secheresse :
Le végétal sacrifie en quelque sorte son feuillage pour éviter de se dessécher. Et cela inquiète Nathalie #Breda : "Pendant trois ans de suite, de 2018 à 2020, on a eu le même phénomène, c’était du jamais-vu.
https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/climat-pourquoi-de-nombreux-arbres-perdent-deja-leurs-feuilles-en-plein-ete_5281582.html
Climat : pourquoi de nombreux arbres perdent déjà leurs feuilles en plein été
Il n’y a pas que les humains qui souffrent de la sécheresse et de la chaleur. A cause du manque d’eau, certaines feuilles ont déjà commencé à tomber des arbres. Franceinfo vous explique ce phénomène de plus en plus précoce chaque année.

Pour en savoir plus :

 La grande résistance de la forêt française en septembre 2016
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 Des arbres armés contre le stress de juillet 2017.
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