Les zones humides concurrencent l’économie
La zone d’activité de Langres Nord à Rolampont sera amputée de 5 hectares. Celle du Breuil à Montigny est abandonnée. La législation sur les zones humides s’est durcie. Elle n’est pas sans conséquence pour le développement économique.
En juillet 2022, le Pôle d’équilibre territorial et rural du Pays de Langres prenait une délibération où la collectivité s’engageait à ne plus envisager le moindre développement sur la zone du Breuil de Montigny-le-Roi. Alors qu’un aménagement routier était lancé afin d’installer un transporteur routier, l’administration mettait un frein. En effet, la zone du Breuil est une immense zone humide. Zones délaissées par le monde agricole mais aujourd’hui font aujourd’hui l’objet de préservation. Le Grand Langres, propriétaire de la zone du Breuil, échaudé par cette mésaventure décide de lancer un diagnostic sur l’ensemble de ces zones.
Et sans surprise, c’est la douche froide. La zone d’activité de Langres-Nord de Rolampont possède des « les zones humides ». « Le diagnostic réalisé par le cabinet d’études a bien repéré ces zones », souligne Jacky Maugras, président du Grand Langres. Pour Langres Nord cela se traduit par cinq hectares d’amputés sur les 15,5 hectares disponibles. Ce ne serait pas aussi inquiétant si le développement économique ne repartait pas actuellement.
- La zone de Langres Nord est connue pour ses zones humides.
La zone de Langres Nord est connue pour ses zones humides.
Le Grand Langres enregistre en effet des demandes de parcelles. Certains dossiers sont déjà très avancés puisque le permis de construire à été délivré. C’est le cas pour Enedis qui va regrouper ses agences de Langres et de Chaumont à Langres Nord sur plus de 5 000 m2. GRDF souhaite également s’installer sur cette zone. Un atelier de contrôle technique pour poids lourds est en négociation avancée avec le Grand Langres. Tout comme la Smac (Société mécanique assemblage Chanoy), a un projet de développement sur Langres Nord.
Ces zones humides qui compliquent la tâche
D’autres dossiers sont à l’étude annonce le Grand Langres. Si bien qu’actuellement, la seule zone à industrialiser du Grand Langres n’a plus de cinq hectares de réserve foncière. « On demande aux porteurs d’optimiser leur emplacement pour réduire la consommation de foncier », indique Pascal Girault, ingénieur au Grand Langres et au PETR. « On risque d’être en pénurie de terre d’ici 10 à 15 ans », s’inquiète Jacky Maugras.
Cette situation, nouvelle, est aggravée par les documents d’urbanisme négocié avec l’Etat comme peut l’être le Scot, le Schéma de cohérence territorial. Ce document a figé pour une quinzaine d’années les terres à urbaniser. Et ce document est déjà obsolète. Tout comme le sera le Plan local d’urbanisme Intercommunal (PLUI) qui entrera en vigueur au second semestre 2023. « On peut encore le modifier, mais à la marge », prévient le président du Grand Langres.
« Il sera très difficile de trouver des terres agricoles pour le développement. Même en travaillant avec la Safer, on voit bien qu’elles sont rares », souligne Romary Didier, maire de Val-de-Meuse et vice-président du Grand Langres en charge de l’économie. Pour être autorisé à “urbaniser” des zones humides, il faut être en capacité de proposer des mesures compensatoires. Pour la zone du Breuil cela n’a pas été possible. Pour Langres Nord, les projets annoncés empiéteront sur zones humides de moindre importance, mais qui doivent être compensés. Ce travail est en cours. « Nous travaillons avec l’Etat pour trouver des mesures compensatoires dans le cadre de la loi sur l’eau. Le dossier doit être déposé dans les jours prochains », annonce Jacky Maugras.
Ph. L.
- Les travaux de voiries lancées par le Grand Langres sur la zone du Breuil ont été arrêtés par la préfecture car ils ne respectaient pas la loi sur l’eau.
Du mouvement à Montigny
Le coup d’arrêt brutal des travaux d’aménagement de la zone du Breuil de Montigny-le-Roi devait permettre l’installation de la société de transport frigorifique MJ Est. Aujourd’hui, la zone du Breuil de Montigny-le-Roi est totalement à oublier. Mais pour le transporteur, il y a une certaine urgence à reporter son projet de développement ailleurs.
Cela a pu être le cas en trouvant un nouveau terrain qui fait face à la zone du Forum de Montigny-le-Roi. Une zone de 3 hectares et totalement en dehors d’une zone humide. « Le permis d’aménager est en cours d’instruction. Le permis de construction sera bientôt déposé », annonce le Grand Langres. MJ Est va pouvoir bénéficier d’une surface suffisamment importante pour y installer un bâtiment de 2 230 m2 et d’avoir une réserve foncière pour l’avenir.
Sur le site de Farm’frites, dont le bâtiment avait pris feu, des travaux ont été menés pour nettoyer totalement cette friche industrielle. La société Terréa, spécialisée dans le machinisme agricole, va s’y implanter dans le cadre de son développement. Actuellement Terréa se trouve à l’étroit dans ses locaux de l’avenue de Langres à Montigny. Elle envisage de faire construire un bâtiment de 750 m2 sur une parcelle de 6 000 m2.
Publié par Philippe Lagler le vendredi 17 février 2023 en page 19 dans le JHM n°10394 (Journal de la Haute-Marne) https://jhm.fr/
- Publié par Philippe Lagler le vendredi 17 février 2023 en page 19 dans le JHM n°10394 (Journal de la Haute-Marne) https://jhm.fr/
Zones humides : « un changement de culture pour les élus »
La prise en compte des zones humides dans les projets de développement économique est une chance pour la LPO et Ciel Sud Haute-Marne qui réagissent à notre reportage du 17 février 2023 (ci-dessus). Elles constatent que les élus vont devoir s’adapter.
Forcément, du côté des associations de défense de la nature, on ne voit pas les choses de la même manière. Ce qui est pris comme une contrainte nouvelle dans le développement économique d’un territoire par les uns est une chance de préserver la biodiversité pour les autres. La LPO (Ligue de protection des oiseaux) et Ciel Sud Haute-Marne ont souhaité réagir suite à notre reportage du 17 février 2023 consacré aux contraintes nouvelles pour la protection des zones humides.
En effet, le PETR du Pays de Langres et le Grand Langres ont découvert, à leur dépens, cette nouvelle réglementation appartenant à la loi sur l’Eau pour la protection des lzones humides. La zone du Breuil de Montigny-le-Roi a été entièrement abandonnée quant à celle de Langres-Nord, à Rolampont, cinq hectares ont été sanctuarisés car répertoriés en zone humide. Pour mémoire, la zone d’activité de Rolampont a été labellisée zone de référence éclatée 2002 par la région Champagne-Ardenne.
Mais à cette époque, les préoccupations environnementales n’étaient pas une priorité. Depuis la situation a évolué notamment avec la loi sur l’Eau. Mais pas seulement. « Depuis près de deux ans, la France est face à une situation météorologique préoccupante en raison d’un déficit de pluie particulièrement important. Plus de 70 communes du Grand Est ont connu des approvisionnements en eau. Quelle que soit la situation des prochaines semaines, l’hiver 2023 figurera parmi les dix hivers les moins arrosés depuis 1959 », écrivent les deux associations.
La zone du Breuil à Montigny-le-Roi a vu ses travaux de voirie stoppés net par la préfecture.
L’intérêt de ces “éponges” n’est plus à démontrer. « La loi s’est plutôt adaptée. Il y a eu tellement de destructions de zone humide. Le législateur a dit : Il faut préserver ce qui reste car leur rôle est important et notamment pour préserver la ressource en eau », commente Etienne Clément, responsable de la LPO en Haute-Marne qui précise que « la France a vu disparaître 50 % de la surface de ses zones humides entre 1960 et 1990, l’urbanisation étant en effet l’une des causes majeures de ces disparitions. »
Les zones humides de plus en plus protégées
Refroidi par l’arrêt des travaux immédiats par arrêté préfectoral pour la zone du Breuil, le Grand Langres a commandé une étude sur la zone de Langres-Nord dont les résultats ont confirmé la présence de zones humides. Cinq hectares ont donc été sanctuarisés. Mais le Grand Langres devra “compenser” les aménagements à venir. Cela signifie créer des aménagements naturels pour compenser les surfaces humides qui seront urbanisées. Ce sont généralement des opérations très complexes. Mais ce qui est certain, c’est que « la loi va se durcir », avertit Etienne Clément.
Et cela passer par exemple par la démarche ZAN, zéro artificialisation nette. Celle-ci va demander aux collectivités de réduire de 50 % le rythme de l’urbanisation des sols d’ici 2030, et d’arriver à 0 % en 2050. « Il y aura des choix à faire pour concilier développement économique et réduire la consommation foncière », avance Etienne Clément. Il faudra certainement aussi se pencher sur une nouvelle destination des friches commerciales ou industrielles.
« Les élus vont y être confrontés. Il vaut mieux qu’ils soient pro-acteurs qu’ils ne subissent ce qui leur est imposé », estime Etienne Clément. Ce dernier a bien conscience qu’il y a un virage bien plus aigu à prendre. « C’est un vrai changement de culture pour les élus. On avait les élus bâtisseurs, aujourd’hui il faut préserver les zones agricoles, les zones humides, les zones classées pour la biodiversité », énumère Etienne Clément. Et il ne faut pas parler de contraintes supplémentaires mais plutôt de prise en considération. Ce qui n’est pas la même démarche…
Ph. L.
Publié par Philippe Lagler le dimanche 26 février 2023 en page 21 dans le JHM n°10403 (Journal de la Haute-Marne) https://jhm.fr/
- Publié par Philippe Lagler le dimanche 26 février 2023 en page 21 dans le JHM n°10403 (Journal de la Haute-Marne) https://jhm.fr/
- Cédric Renaud @CedricRenaud_ · 15 mai 2023
Les maires ruraux confrontés au principe du "zéro artificialisation nette" des sols
https://francebleu.fr/infos/politique/les-maires-ruraux-confrontes-au-principe-du-zero-artificialisation-nette-des-sols-3485790 via France Bleu
Pour en savoir plus :
– Bérangère Abba entre au gouvernement le 26 juillet 2020
– Laissez vos haies en paix le 23 mars 2021.
– Un écosystème français bio inspiré dynamique le 14 avril 2022.
– A la découverte de la réserve naturelle de Chalmessin le 24 septembre 2022
– Un amphibien haut-marnais : le triton alpestre le 17 juillet 2022
– Biodiversité : Celles-en-Bassigny se distingue le 12 novembre 2022.
– Lancement de l’Atlas de la biodiversité communale à Colmier-le-Haut le 24 janvier 2023
– Le dernier-né des parcs nationaux entame 2023 avec ambition le 24 janvier 2023
– Les aires terrestres éducatives pour sensibiliser les citoyens de demain le 03 février 2023
– La prise en compte des zones humides le 26 février 2023