Les reliques du laminoir de Givonne, le plus ancien de France, sont gardées au musée du château fort de Sedan.
Un peu partout, les vieux trains manuels, de 1950 à 1954, ont été arrêtés et démontés et leur personnel affecté à d’autres travaux. L’un de ces laminoirs existait encore il y a quelques années, celui des Etablissements Jeanlin, sur la route de Givonne à Illy, en bordure de la « Forêt de Sedan ».
Il était abrité sous un vieux bâtiment qui vient d’être livré à la pioche des démolisseurs. En effet, en juillet 1967, cette usine, qui avait vu le jour avant la Révolution - l’une de ses girouettes porte la date de 1771 - a été vendue à un nouveau propriétaire : Jack Blond .
Il en fera une propriété d’agrément, et cela facilement grâce au passage, dans le bois, d’un bras de la Givonne et l’existence d’un étang, vaste retenue d’eau qui permettait d’actionner les roues aubes en période sèche, avec tout ce que cela comporte de paysages agréables.
Le laminoir de Givonne
Le laminoir de Givonne, le premier de France, isolé et enchâssé dans la forêt d’Ardenne, a été construit en 1777, disent les uns, au moment de la Révolution, disent les autres. Aucune modification n’avait été apportée aux bâtiments et ses installations mécaniques ne furent que très légèrement modernisées, comme en témoignent d’ailleurs des pièces portant le plaque « Société Anonyme des Ateliers et Chantiers de la Loire Saint-Denis 1920 ». Il est certain que le passage de l’envahisseur aurait dû laisser pas mal de dégâts dans les usines du Sedanais, presque totalement déménagées.
- L’immense riue à aube de 7 mètres de long et 4 m 25 de diamètre, a été démolie. Il ne reste plus que celle-ci, bloquée, et sur laquelle coule encore l’eau de la Givonne.
Livré aux démolisseurs
Cela est maintenant fait. Le bâtiment qui l’abritait n’existe plus et presque toutes les parties métalliques vont être prises en charge par un ferrailleur de Charleville. Quelques pièces toutefois seront sauvées, dont un axe de chêne de 7 mètres de long qui soutenait la roue à aubes et un peson à lingots, de 2 mètres de hauteur, datant du XVIIIéme siècle, qui ont été amenés au Château-Fort de Sedan où ils seront abrités par la Société d’Histoire et d’Archéologie du Sedanais (la S.H.A.S.) et le Syndicat d’Initiative.
Maurice Verry avait écrit un livre sur les « Laminoirs des Ardennes » en 1955 (Presses Universitaires de France). II disait notamment :
"Il était impossible de trouver meilleure documentation et nous souhaitons que cette forge, amoureusement entretenue par son propriétaire, ne tombe pas un jour sous la main de quelque marchand de ferraille. Pour l’histoire des techniques et pour le sociologue industriel, ce serait sans aucun doute une sorte de sacrilège."
Ardenne ou Alsace
Selon certains historiens, en 1789, la manufacture de Ranschendwasser en Alsace, était la seule à laminer de la tôle en France, ce qui est faux - à notre avis - puisque l’histoire de Givonne de MM. Pierre Congar et Roger Bosserelle, signale l’existence en 1642, des forges de Givonne dont le maire de Forges est Daniel De Lambermont, et la création du premier laminoir de France, installé dans cette ville d’après un procédé inventé par les Liégeois, en 1777. En 1790, un second laminoir tournait d’ailleurs à Givonne.
A cette époque, le fer utilisé venait pour moitié de ferraille et pour moitié de minerai local. Le fer, d’abord « dégrossi » à la platinerie était transformé en lames minces entre les deux cylindres du laminoir. Des roues à aubes, utilisant l’eau de la Givonne et de l’étang de retenue, actionnaient le marleau-pilon et faisaient tourner les cylindres. Pendant près d’un siècle, ce laminoir aurait employé seize ouvriers.
Son histoire
De 1875 à 1880, les fours ne fonctionnaient plus car le fer était acheté en Lorraine. L’usine, qui avait alors vingt-deux ouvriers, fabriquait aussi des pioches.
De 1880 à 1914, on utilisait l’acier doux et la houille remplaçait le charbon de bois. Avec une quarantaine d’ouvriers, on y fabriquait de la tôle mince : tuyaux de poêle, pelles, côtés de cuisinières, etc.
De 1914 à 1918, les Allemands enlevèrent toutes les machines et firent sauter les digues de l’étang.
De 1920 à 1940, ce fut la restitution du matériel et la remise en marche du Laminoir avec une vingtaine d’ouvriers.
De 1941 à 1942, le laminoir a fonctionné pour utiliser le stock de « largets » restant, et en 1942, eut lieu l’arrêt définitif, faute de main-d’œuvre spécialisée. L’usine a toutefois continué à tourner avec quelques ouvriers occupés à la fabrique des pelles, pièces embouties et clochettes pour les mines et les troupeaux montagnards.
La fin du Laminoir
Après la guerre de 1914-18, le laminoir de Givonne - le seul qui n’ait pas été modernisé - était dirigé par MM. Jeanlin et fils. Ils furent contraints de l’arrêter par manque de main-d’œuvre qualifiée, mais aussi les deux cages mues par la force hydraulique ne pouvant soutenir la concurrence des grosses usines concentrées dans l’Est et possédant un matériel puissant et moderne. A cette époque récente, l’usine de Givonne avait toujours gardé sa roue à aubes des origines.
On voyait, récemment encore, derrière le train, une sorte de potence en chêne fixée au sol et à une poutre transversale. A son extrémité, était accroché un palan. Elle servait au démontage des cylindres pesant chacun environ une tonne et dont un a été remis au Château-Fort pour y être exposé .
Les visiteurs du Château-Fort pourront également y voir l’axe et les quatre roues qu’il supportait et d’où partaient les rayons de l’immense roue à aubes, longue de 7 mètres et d’environ 4 mètres à 4,25 mètres de diamètre.
Notons que le laminoir de Givonne était encore éclairé à l’acétylène en 1913 et que c’est à cette date que l’on y plaça une ligne électrique.
Perdu dans les bois, loin de toute voie ferrée, le laminoir de Givonne n’avait pas la possibilité de se moderniser et son four était toujours chauffé au charbon.
La disparition d’une aristocratie
L’arrivée des trains mécanisés a fait disparaître l’aristocratie des ouvriers du laminoir, qui, d’abord sceptiques, durent bientôt se rendre à l’évidence. Cette aristocratie des hommes du train était fondée sur le caractère exceptionnellement pénible et bien particulier du travail au feu, métier qui exigeait un long apprentissage et qui était nécessairement exercé par une élite.
D’après le patron du laminoir de Givonne, la raison majeure de son arrêt a été la difficulté à trouver des chauffeurs de fours à maletas, installations surranées, pour la conduite desquels il n’existait plus, dans la région, aucun spécialiste.
Cette spécialité était exténuante et exigeait de la part des ouvriers de la robustesse et une résistance au feu peu commune. L’aristocratie des ouvriers du feu trouvait pourtant préférable, pour ses enfants, l’ardeur des laminoirs au bruyant envoûtement des tissages. « Plutôt Toqueux que Peloqueux » disaient-ils.
Publié le lundi 06 novembre 1967 en page D dans L’UNION
- Le premier laminoir de France (1777) a été livré aux ferrailleurs en 1967. (Publié le lundi 06 novembre 1967 en page D dans L’Ardennais)
- Le premier laminoir de France (1777) a été livré aux ferrailleurs en 1967. (Publié le lundi 06 novembre 1967 en page D dans L’Ardennais)
copie de notre article et de nos photos : Le laminoir le plus vieux de France 1777
Pour en savoir plus :
– Le premier laminoir de France (1777) a été livré aux ferrailleurs le 06 novembre 1967.
– Achille DAUGENET, fondateur de la Fonderie des Ardennes décède le 15 octobre 1953
– Deux soeurs Daugenet à la tête de la Bonneterie des Ardennes le 04 décembre 1986
– Henri Turquais effectue un virage vers l’automobile en 1992.
– La technologie forge l’avenir en 2006
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