Hôpitaux : la lettre ouverte d’un maire en milieu rural

, par Anne-Cécile DURY

Maire de la commune de Val-des-Tilles dans le canton de Villegusien, près d’Auberive en Haute-Marne, Anne-Cécile Dury nous a transmis une lettre ouverte suite à la décision de l’Agence régionale de santé pour les hôpitaux Centre et Sud Haute-Marne. Le maire explique pourquoi elle décline l’invitation des voeux conjoints de la préfecture et du Département.

Lettre ouverte ✊️
Madame la Préfète,
Monsieur le Président du Conseil départemental,
Conformément à la tradition et au titre de mon mandat, vous m’avez transmis une invitation aux vœux de la Préfecture et du Conseil départemental. C’est généralement pour moi un plaisir de venir à la rencontre des élus du territoire pour échanger à cette occasion. Un moment privilégié pour partager des visions et évoquer des projets.
Cette année, il me sera impossible d’être des vôtres.
Trinquer à la nouvelle année, c’est parier ensemble sur un avenir. Or vous l’avez officiellement enterré le 16 décembre par voie de presse. Enterré, je pèse mes mots, comme je mesure les conséquences d’une décision prise à la légère dans un pur jeu de rapport de force inéquitable.
Monsieur le Président, il est bien des manières d’exercer un mandat et il en est diverses de concevoir le pouvoir. Le vôtre – n’en soyons pas dupes - repose grandement sur votre possibilité d’accorder ou non des financements aux élus du territoire, comme des faveurs en d’autres temps. Il est ainsi aisé d’obtenir le silence. Ce n’est pas ainsi que je conçois la démocratie.
Monsieur le Président, vous avez vos faiblesses et semblez goûter fort les effets d’annonce. C’est ainsi que vous avez eu la légèreté de promettre dans la presse il y a plus d’un an la construction d’un hôpital neuf à Chaumont, non sans un certain Pathos - toujours efficace lorsqu’on veut émouvoir. Vous avez ainsi fait preuve de beaucoup de légèreté. Considérer qu’il est possible de réduire la question de l’hôpital, et plus généralement des soins, à un investissement foncier est d’une grande « candeur ».
De cette candeur inaugurale à l’annonce en force de vendredi, que d’épisodes. Que de mépris, aussi.
En premier lieu pour les élus qui se sont emparés de ce dossier si essentiel, dont les arguments ont été outrancièrement caricaturés jusqu’à les réduire à un rapport de force géographique.
Mais aussi pour les soignants, notamment ceux investis au sein du comité de pilotage, qui ont travaillé sans compter pour faire émerger un projet de soins à la hauteur d’un territoire dans lequel ils sont engagés et pour lequel ils ont dessiné les contours d’un avenir souhaitable.
Je ne peux que saluer leur engagement, tout en éprouvant à votre place la honte à voir ainsi balayée l’ambition pour la santé des habitants dans la moitié du département. Je sais les velléités de départ qui circulent chez nombre de leurs confrères et personnels de santé, conscients qu’ils sont des conséquences à moyen et long terme de cette décision sur la qualité des soins.
Parce que c’est de cela dont il s’agit. C’est même le seul sujet valable et le comité scientifique l’aurait sans doute exprimé, si on avait daigné le consulter avant cette décision.
Monsieur le Président, je ne doute pas de votre plaisir à annoncer combien les millions du Conseil départemental sont mis au service de la santé, localement où au sein des l’Assemblée des Départements de France. Je m’en réjouirais si cette dépense somptuaire avait quelque chance d’être efficace. Or il n’en est rien, et cela a été très largement démontré. Les millions d’argent public ne servent réellement ici qu’à emporter avec légèreté une partie et à être même décisionnaire dans une compétence que l’État ne sait plus assumer.
Monsieur le Président, je sais l’ambition que vous investissez dans l’Agence d’attractivité de Haute-Marne. Je ne peux à cette heure que me montrer très perplexe à voir dépenser de l’énergie et encore de l’argent public à rendre attractif un département lorsque dans le même temps on organise le démantèlement d’un pilier essentiel à son attractivité. Faire et défaire… certes. Mais l’heure est trop grave pour me permettre de m’amuser de tant d’incohérences.
Madame la Préfète, Je m’étrangle dans mon écharpe tricolore lorsque je vois ainsi en acte le désengagement de l’État. La Santé est une compétence régalienne, je ne vous l’apprends pas. L’État a pour fonction d’organiser l’équité territoriale. Les conséquences de cette décision génèrent l’inverse. Ce n’est certes pas inédit, mais il est plus que saumâtre de servir de caution à une République qui ne joue plus son rôle.
Recevez, Madame la Préfète, Monsieur le Président, l’expression de mon engagement sans faille pour les valeurs de la République.
Anne-Cécile DURY

Publié par Anne-Cécile Dury le 22 décembre 2022 sur https://www.facebook.com/

Publié par Anne-Cécile Dury le 26 décembre 2022 dans le JHM (Journal de la Haute-Marne) n° 10342 en page 4 https://jhm.fr/

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Publié par Anne-Cécile Dury le 26 décembre 2022 dans le JHM (Journal de la Haute-Marne) n° 10342 en page 4 https://jhm.fr/
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Je voudrais saluer ici la position d’Anne Cécile Dury concernant notre hôpital de Langres : n’est ce pas là, un acte de survie pour notre région .
Pierre Gallien
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jhm @jhm_fr · 16 decembre 2022
L’@ARSgrandest a définitivement tranché : il y aura bien deux hôpitaux neufs dans cinq ans, un à Chaumont et un à Langres. @ars_grand_est
140 millions d’euros pour deux hôpitaux neufs à Chaumont et Langres dans cinq ans
La décision est tombée le vendredi 16 décembre 2022. Virginie Cayre, directrice générale de l’Agence régionale de santé Grand Est, annonce que l’offre de soins pour le centre et le sud de la Haute-Marne sera organisée autour de deux hôpitaux neufs à Langres et à Chaumont avec gradation des soins et plateau technique dans la cité préfecture. Un investissement de 140 millions d’€ est acté avec un engagement du Département et du GIP (Groupement d’Intérêt Public) qui pourrait couvrir 50 % de l’investissement.
La décision vient de tomber. Le débat sur l’organisation de l’offre de soins pour le centre et le sud de la Haute-Marne est tranché. L’option portée par le Copil égalité santé, validée par la quasi-totalité des élus du Sud-Haute-Marne, qui préconisait l’implantation d’un plateau technique à Rolampont, n’a pas été retenue.
https://jhm.fr/projet-hopitaux-chaumont-langres-haute-marne-140-millions/

Message du chef de service des urgences de l’hôpital de Langres :

"Le COPIL Egalité Santé est en total désaccord avec les différents propos qui ont pu être rapportés dans la presse (JHM 17/12/2022) suite à la conférence de presse du 16/12/2022 ainsi qu’avec le communiqué de presse de l’ARS qui en découle.

Alors que nous avons été sollicités pour établir un projet médico-soignant en préfecture en juin 2022 sous l’égide du conseil départemental de l’ordre des médecins, nous n’avons pas été associés à cette décision, tout comme le conseil scientifique, et les différents ordres professionnels médicaux et paramédicaux. Nous l’avons tous appris par voie de presse.

Contrairement à ce qui a été dit et écrit, nous ne cautionnons pas les décisions prises, qui ne s’inspirent en rien de nos travaux.

La proposition de l’ARS soutenue par le Conseil départemental et les maires de Chaumont, Langres et Bourbonne est de construire un hôpital avec plateau technique sur Chaumont et un centre de proximité sur Langres. Cette proposition acte la disparition de la chirurgie de l’unité de surveillance continue, du laboratoire, de plus de la moitié des lits d’hospitalisation de médecine et met de facto en péril l’ouverture 24H/24H du service des urgences de Langres qui ne sera plus assez attractif pour espérer le recrutement nécessaire de nouveaux médecins.

Si nous saluons les 140 millions d’investissement – dont 70 millions promis par le président du département et du GIP Haute-Marne (fonds provenant du projet de Bure), il faut rappeler que cette somme, bien que paraissant conséquente, est totalement insuffisante pour permettre la construction de deux hôpitaux. En comparaison avec des projets analogues, elle ne suffirait même pas à en construire un seul en tenant compte du nombre de lits actuel des différentes structures.

En conservant deux sites avec gradation des soins, selon les vœux de l’ARS, du Département, des villes de Chaumont et Langres, le territoire va perdre une grande partie de ses lits d’hospitalisation alors que les Hôpitaux de Chaumont et Langres connaissent déjà de très grandes difficultés pour hospitaliser localement ou transférer sur Dijon les patients le nécessitant. Cela doit être une première en France que des élus se réjouissent publiquement d’une telle baisse de l’offre de soins, alors même qu’ils administrent des collectivités où la demande en soins va croissante du fait d’un vieillissement de la population.
A aucun moment, la projection de l’aggravation de désertification médicale libérale annoncée n’a été intégrée dans les décisions de réorganisation hospitalière.

La conjugaison de cette désertification associée à la fermeture de lits va aggraver la perte d’espérance de vie des habitants de notre territoire dont seuls les plus « mobiles » et les plus fortunés pourront tenter d’échapper. C’est totalement inadmissible et scandaleux !

Nous le répétons, le démantèlement du pôle de santé langrois ne sauvera pas le pôle de santé chaumontais, et, à la fin, ce seront bien tous les habitants des 2 arrondissements qui pâtiront de ces décisions. Désormais, quelles perspectives pour la sécurité de nos patients, et quel avenir pour les équipes médicales et paramédicales dans ce contexte ? Nous craignons que le maillage proposé soit une perte de chance pour les hauts-marnais.

Les décideurs devront en accepter l’entière responsabilité aujourd’hui et demain.

Il faut ouvrir les yeux, cette annonce, qui se veut grandiloquente, est en réalité une très mauvaise nouvelle pour la santé des habitants du territoire. Nous resterons donc mobilisés pour que cette catastrophe sanitaire soit évitée et restons à la disposition des services de l’Etat et du Département pour construire un projet réaliste et pérenne garantissant une offre de soins de qualité et égalitaire pour tous."

Partagez, il importe que les habitants soient informés de ce contexte.

Pour en savoir plus :

 Haute-Marne : des élus mobilisés contre la fermeture éventuelle du service de nuit du centre hospitalier de Langres le 25 juin 2019
 « SOS Médecins à la campagne », 8 ème forum des solutionse, à Aignay-le-Duc le 28 février 2020.
 Un Ségur de la santé pour le centre et le sud Haute-Marne le 07 avril 2021
 Lutter contre la pénurie de médecins le le 08 avril 2021
 Covid-19 : Crise sanitaire : les critiques fusent le 09 avril 2021
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